Par Dr Dieth Alexis
Monsieur Labertit,
Le soutien indéfectible que vous apportez à votre ami Gbagbo Laurent incarne l’archétype de la fidélité. Mais sert-il la bonne cause ? Lui apportez-vous le soutien véritable qu’on doit à un ami ? Lui prodiguez-vous les conseils de sagesse requis, en des moments aussi graves que ceux qui concernent les décisions historiques qu’un individu doit prendre pour modifier le cours de l’histoire ?
En agissant comme vous le faites, en apportant votre soutien à votre ami pour qu’il continue dans un chemin de perdition, vous l’entraînez vers la mort et en faites un proscrit à l’échelle mondiale. En manipulant la culture du doute, par la technique de la négation obstinée des évidences et de la falsification des faits, afin de désorienter l’opinion publique française, au profit de votre ami dont vous dissimuler les crimes et les exactions, vous instrumentalisez le peuple français pour servir vos fins personnelles. En utilisant les techniques de la polémique et de la virtuosité oratoire, tel un rhéteur et un sophiste, en vue de lui faire admettre le faux comme étant le vrai, et le vrai comme étant le faux, vous vous moquez de lui. En écrivant de gros bouquins pour tordre le cou aux faits à propos des élections présidentielles ivoiriennes et retarder ainsi le cours de l’histoire d’un continent, vous faites mal à l’Afrique et aux Africains pour le bonheur desquels vous prétendez vous battre. Votre opiniâtreté à défendre votre ami personnel en soutenant l’insoutenable, est une insulte au peuple ivoirien qui s’est rendu massivement aux urnes avec un taux de participation record, l’un des plus élevés au monde ces dernières années, durant les élections présidentielles, et a donné son suffrage à 54,10 pour cent à Alassane Ouattara l’un des deux candidats. Ce peuple voudrait, tout comme le peuple français auquel vous appartenez, que le principe de la majorité absolue du suffrage et le principe du respect du verdict des urnes, qui sont les principes absolus de la vie démocratique, prévalent et soient appliqués en Côte d’Ivoire.
Je voudrais d’abord attirer votre attention sur cette évidence qui crève les yeux comme une poutre. Votre ami Gbagbo, le prétendu héros de la lutte contre l’anticolonialisme et l’impérialisme occidental, dispose comme tous les dictateurs africains qui pillent leur peuple, d’importants avoirs personnels financiers et de biens immobiliers aux Etats Unis d’Amérique, en Suisse, en France et en Grande-Bretagne pour ne citer que ces pays. Ses avoirs personnels y ont été gelés. Que ces sanctions aient pu être prises contre votre héros et ami veut dire qu’il est loin d’être le parangon de l’honnêteté et de la lutte contre l’injustice du néocolonialisme international, comme vous le soutenez. Il a eu le temps de s’enrichir personnellement et de se constituer un magot personnel qui se chiffre en centaines de millions d’Euros durant les années 2000 à 2011 au moment où, comme vous le dites l’échec du coup d’Etat de septembre 2002, entraînait la partition du pays et la permanence de la rébellion empêchant toute action gouvernementale cohérente. Cet égoïsme, qui ne pense qu’à assurer son bien-être personnel pendant que la population souffre, et cette corruption, illustrée par les détournements colossaux du trésor public qui ont eu lieu dans la filière café-cacao, détournements qui ont quelque chose à voir avec la disparition jusqu’à ce jour inexpliquée du journaliste André Kieffer n’est pas digne d’un chef d’Etat. Cette brutalité originelle des mœurs politiques de votre ami, du chef politique dont vous vous faites l’avocat, brutalité qui s’est déclinée en un ethnicisme politique d’exclusion meurtrière dès sa prise du pouvoir, dans l’Etat multiethnique ivoirien dont la Constitution originelle fut expressément manipulée pour cautionner l’exclusion politique, explique peut-être la tentative de coup d’Etat et la rébellion. Tout à votre souci de prouver à son bénéfice l’existence d’irrégularités fictives dans l’organisation des élections présidentielles qu’il a perdues, vous oubliez d’adopter l’attitude de l’objectivité scientifique requise pour connaître effectivement les phénomènes qui surviennent dans le temps et l’espace : l’explication par les causes ultimes, l’usage du déterminisme et du principe de causalité dans la connaissance objective des faits. Contrairement à vous, nous préférons porter le regard sur les causes ultimes de la crise plutôt que de décrypter les conséquences et la victoire électorale de l’adversaire de votre ami, comme vous le faites, en vue de prouver l’existence d’une illusoire manipulation qui invaliderait le résultat final de l’élection présidentielle ! Que vous soyez aveugle à l’évidence de cette cause ultime à savoir la corruption endémique, l’exclusion sociale, politique et la ségrégation ethnique qui est l’autre face de la ségrégation raciale, ségrégations qui placent l’injustice au cœur de l’Etat et de la vie politique et sociale, nous oblige à soupçonner que vous les cautionnez. Serait-ce l’essence de votre socialisme, vous l’ex-monsieur-Afrique du parti socialiste français chargé de promouvoir le socialisme en Afrique, d’y soutenir la promotion des partis frères ? Vous nous incitez à penser que le rôle des socialistes français sous Mitterrand au Rwanda durant la période de la xénophobie du régime d’Habyarimana qui a conduit au génocide des Tutsis pose légitimement question et reste à éclaircir. Car votre opiniâtreté à défendre un ami dont la culture politique s’articule sur l’exclusion ethniciste, la xénophobie et le massacre de populations selon leur origine régionale et selon leurs patronymes ; votre opiniâtreté à soutenir un ami soit disant socialiste dont les proches conseillers se recrutent au sein du Front national français et dont les milices et les clubs de soutien se réclament ouvertement de l’idéologie de ce parti et de ses pratiques ségrégationnistes fondées sur le droit du sang, nous oblige à soupçonner que votre socialisme fait partie de la version nationale du socialisme. Je vous mets au défi d’aller vous promener sans garde du corps et service de sécurité, vous un Blanc français, à Yopougon, fief du parti de votre ami qui a semé un racisme anti-français et anti-blanc en Côte d’Ivoire, et d’en revenir vivant !
N’en déplaise à votre parti pris et à vos convictions somme toute racistes, le peuple ivoirien rejette cette xénophobie cette violence raciste et ce socialisme là. C’est ce qu’il a exprimé clairement dans les urnes. Au nationalisme ethnique fondé sur le droit du sang il préfère un nationalisme citoyen démocratique fondé sur le droit du sol et une vie politique régie par le principe de la majorité absolue du suffrage universel. Il a choisi pour cela clairement dans les urnes la démocratie contre la dictature. Il s’est prononcé pour un projet politique structuré et articulé sur la promotion du bien public, du respect de la souveraineté des individus, de la garantie de leurs biens et de leur sécurité. Il n’a pas choisi une personne et une idéologie creuse et sans contenu. Il a choisi un idéal de vie et une certaine pratique de la politique qui rejette l’exclusion, la prédation financière, économique et la brutalité criminelle qui les accompagne structurellement. L’argument que vous brandissez, à tout venant, sur l’impérialisme colonialiste sur l’agression du libéralisme et de ses agents qui voudraient la peau du prétendu héros socialiste et panafricaniste du tiers monde qu’est votre champion, fait une impasse curieuse sur ses pratiques xénophobes et sur les soutiens dont il bénéficie fermement de la part des milieux d’affaire de la droite extrême et de ses lobbies. A tout prendre donc, le peuple ivoirien préfère vivre dans le libéralisme démocratique qui lui permettra de se réapproprier la politique en adoptant le principe de la souveraineté des individus et de la majorité absolue du suffrage. Au national- socialisme xénophobe et corrompu, le peuple ivoirien préfère le libéralisme démocratique qui lui permettra désormais de contrôler la politique, de se réapproprier l’économique et de renvoyer dans les cordes aux élections tout président et tout magistrat qui ne respectera pas l’intérêt général et n’agira pas dans le sens de la promotion du bien public. Tel est le message que véhicule le verdict des urnes. Si vous ne comprenez pas cela tant pis pour vous mais vous ne pourrez pas changer le cours de l’histoire !
Tout à votre croisade contre le néocolonialisme, l’impérialisme et le libéralisme pour la promotion du socialisme français en Afrique, vous ne voyez pas cette évidence qui crève les yeux ! A moins que cet aveuglement ne soit volontaire parce qu’il vous permet d’atteindre vos fins idéologiques et vos objectifs électoraux dans votre propre pays et ainsi satisfaire vos préjugés racistes concernant les Africains que vous considérez comme des peuples mineurs toujours victimes de l’histoire ! Permettez-moi de soumettre votre engagement auprès de votre ami à une psychanalyse qui en dévoile les motivations inconscientes. En prétendant lutter contre le néocolonialisme et l’impérialisme occidental en Afrique et y servir la promotion du socialisme, vous défendez en fait la pérennité des dictatures prétendument socialistes dont la prédation et la brutalité favorisent la pauvreté et l’émigration des populations désespérées qui iront ensuite chercher en Europe des moyens de survie ! Cette émigration des populations démunies en France et en Europe pourrait favoriser le développement de l’extrême droite et alimenter la xénophobie et le racisme ! Le socialiste que vous êtes pourrait alors se présenter comme le rempart contre l’extrémisme raciste pour rafler finalement la mise aux élections ! Il est d’ailleurs intéressant de penser que le soutien de l’extrême droite et de Marine Le Pen à votre ami, soutien qui ne vous dérange guère, s’inscrit dans la même stratégie électoraliste. Provoquer l’émigration par la stratégie du soutien aux dictatures prédatrices africaines fait de vous, à votre corps défendant, un néocolonialiste socialiste d’un nouveau genre. Les dictatures prétendument socialistes dont vous entretenez la croissance et la pérennité au mépris des intérêts réels des populations qu’elles oppriment, constituent pour le socialiste français que vous êtes une clientèle idéologique et électorale. La preuve en est que la plupart de ces dictateurs socialistes ne soient pas en général exclus de l’Internationale socialiste et continuent d’y être membres lors mêmes qu’ils agissent ouvertement contre les valeurs du socialisme. S’agit-il pour le socialisme français d’occuper les places, de tenir les lieux en Afrique aux mépris de ses propres valeurs dans sa lutte séculaire contre le capitalisme et le libéralisme ? Votre désintéressement apparent de socialiste français est donc en fait électoralement, politiquement et même financièrement intéressé ! Les services et soutiens dûment rétribués financièrement des avocats Roland Dumas et consort à Gbagbo en témoignent.
Il est par ailleurs étrange que les socialistes français, de Roland Dumas en passant par Henri Emmanuelli et autres, soient en Afrique des soutiens fidèles de chefs d’Etat prétendument socialistes qui pratiquent ouvertement une politique de prédation et d’exclusion génocidaire ! Se sont-ils rendu compte que leurs champions tropicaux ont bien souvent abandonné les idéaux socialistes au profit d’une idéologie de domination stalinienne ? Cette évidente contradiction ne laisse pas de plonger l’observateur africain dans la perplexité et de le conduire à soupçonner une attitude qui s’explique par la raison d’Etat. En défendant Gbagbo, le socialiste français que vous êtes est au service des intérêts particuliers de son parti et des intérêts particuliers de l’Etat français auquel le parti socialiste est organiquement lié comme acteur important de la société civile.
Vous continuez à percevoir l’Afrique avec un regard déformé par le prisme des préjugés racistes qui font des Africains des personnes qui ne sont pas responsables de leur histoire et qui sont les éternelles victimes de la méchanceté occidentale ayant exclusivement sa source dans la domination étrangère et dans le capitalisme mondial ! Mais nous, peuples africains, avons clairement identifié la source de nos problèmes. Nous savons que nous sommes pris en étau entre une domination endogène en provenance des dictatures africaines qui nous oppriment en complicité avec des Etats étrangers, capitalistes ou socialistes, qui poursuivent la réalisation de leurs intérêts particuliers au détriment des peuples vivants dans des Etats faibles et corrompus. Nous savons que, pour combattre et vaincre ces deux fléaux, il faut d’abord que nous nous réappropriions le contrôle de l’Etat par la démocratie. En tant que socialiste français d’un parti prétendant au rôle politique suprême dans l’Etat français, vous savez bien que dans son rapport aux autres Etats étrangers, un Etat doit toujours chercher à réaliser ses intérêts particuliers lui permettant de satisfaire l’intérêt général de sa propre population. Votre sympathie affichée pour l’Afrique ne vous empêchera pas de servir cette loi d’airain. La politique étrangère de tout Etat est la politique de la défense et de la conservation de ses intérêts souverains. Tous les gouvernements socialistes français ont obéi à cette règle : de l’Algérie au Rwanda, la politique étrangère des gouvernements socialistes français ne fut pas celle de l’indépendance totale des anciennes colonies et de l’émancipation réelle de leurs populations. Elle fut aussi celle du soutien plus ou moins ouvertement avoué aux dictatures locales qui lui permettaient de conserver ses intérêts souverains. Monsieur Labertit, malgré votre anticolonialisme et votre socialisme, permettez moi de douter que vous puissiez faire une politique qui desservirait les intérêts, du capitalisme, de l’Etat français, et de ses intérêts géostratégiques et politiques en Afrique. Nous sommes pleinement conscients de cette dure réalité qui explique la real politique, dont le camp de votre ami vient de faire l’amère expérience à travers la dérobade de l’Afrique du Sud, qui a besoin du soutien français pour obtenir une place au conseil de sécurité de l’ONU.
C’est pour cela que nous voulons passionnément construire chez nous en Afrique un Etat-nation démocratique comme le vôtre, suffisamment fort, centré sur le projet politique central du bien-être des populations pour sortir du sous-développement chronique et de la pauvreté à laquelle vous collaborez par vos préjugés et vos intérêts particuliers en apportant votre soutien aux dictateurs ethniques africains qui nous oppriment ! Je préfère donc vous dire Monsieur Guy Labertit que vous ne renverserez pas le cours de l’histoire. Gardez votre sympathie suspecte envers les peuples africains pour vous. Et laissez nous faire notre histoire comme nous l’avons toujours fait depuis la nuit des temps. Car contrairement à votre opinion, la communauté internationale que vous brocardez avec tant de mauvaise foi, n’a pas élu Alassane Dramane Ouattara à la place des Ivoiriens. A l’appel consensuel des deux parties, elle a servi de médiateur indispensable pour mener à terme une élection présidentielle transparente, qui devait conduire un peuple ivoirien à prendre résolument en main son propre destin, en changeant le paradigme de sa gouvernance. C’est cet acte capital de fondation de la possibilité d’une nation ivoirienne que votre agitation indésirable et catastrophique de propagandiste d’une mauvaise cause, vient mettre à mal. Le peuple ivoirien vous sera donc reconnaissant de bien vouloir entretenir votre amitié avec Gbagbo, de lui prouver votre attachement et votre fidélité indéfectible, sans porter préjudice à la vie et à l’avenir d’une nation. Votre collègue Jack Lang a fait preuve de cette responsabilité en demandant à son ami socialiste Gbagbo d’accepter, au nom des idéaux socialistes, de remettre le pouvoir au président élu. Et nous pensons en notre humble conscience qu’il est plus liée amicalement à Gbagbo, auquel il a prodigué des conseils de sagesse, que vous qui l’enfoncez au contraire dans son entêtement suicidaire pour en faire le martyre d’une fausse cause.
En espérant que mon message vous parviendra veuillez recevoir, Monsieur Guy Labertit, mes salutations les plus distinguées.
Dr Dieth Alexis
Vienne. Autriche
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