Interview Choi sur RFI « la majorité des militaires ne sont pas prêts à combattre pour Gbagbo »

RFI

Retranscription de l’interview du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la Côte d’Ivoire, YJ Choi, sur RFI
(Abidjan, le 14 mars 2011)

Invité de la Radio France internationale (RFI), le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la Côte d’Ivoire, Y J Choi, s’est exprimé sur la situation politique, militaire, sociale et humanitaire dans laquelle s’est enlisé le pays plus de trois mois après le deuxième tour de l’élection présidentielle.

RFI: Cent jours d’impasse en Côte d’Ivoire, plus de trois mois que le pays compte deux Présidents – le sortant Laurent Gbagbo et le Chef de l’Etat élu Alassane Ouattara – dont la victoire a été confirmé en fin de semaine dernière par l’Union africaine. Après ce sommet et malgré les menaces de son adversaire, Alassane Ouattara a pu rentrer à l’hôtel du Golf à Abidjan. Un succès pour l’ONUCI, la Mission de l’ONU en Côte d’Ivoire. Le Chef de cette opération, le sud-coréen Y.J. Choi est l’invité de Christophe Boisbouvier.

Christophe Boisbouvier : Y.J. Choi bonjour

Y.J Choi : Bonjour

CB : Après cent jours de crise, est-ce-que vous n’êtes pas de plus en plus inquiet ?

Y.J Choi : On est préoccupé puisqu’il y a la souffrance de la population. Il y a à peu près 400 morts. Mais il y a des signes prometteurs qui annoncent qu’on voit finalement le commencement de la fin. La population est confiante dans la vérité des élections, donc la population ne soutient pas le camp du Président Gbagbo. Deuxième signe, les mesures financières commencent à prendre des effets. Le camp du Président Gbagbo commence à avoir des difficultés pour payer ses fonctionnaires et même ses soldats. Aussi la décision de l’Union africaine, la semaine dernière, est une décision très importante. Elle demande directement au Président Gbagbo de changer sa position. A Abidjan aussi, la situation est très inquiétante pour le camp du Président Gbagbo. Puisque le nord est complètement sous le contrôle des forces favorables au Président Ouattara.

CB : Oui. Vous parlez du quartier d’Abobo ?

Y.J Choi : Abobo et une partie importante d’Adjamé aussi.

CB : Vous dites que l’Union africaine a reconnu solennellement Alassane Ouattara comme le Président de la Côte d’Ivoire, c’était le jeudi dernier en effet, mais le camp Gbagbo tient toujours l’appareil d’Etat et l’armée et ce samedi, il a lancé une offensive sur Abobo. Est-ce que ça ne prouve pas qu’il soit déterminé à tenir ?

Y.J Choi : Il n’y avait pas vraiment d’offensive, c’est une propagande du camp Gbagbo. En fait, nous étions partout à Abobo avec nos patrouilles. Il n’y avait que notre hélicoptère dans l’air toute la journée. Et il y avait des petits accrochages au sud d’Abobo, à la sortie de Cocody. C’est tout ; donc c’est plutôt une défensive du camp du Président Gbagbo.

CB : Alors, il n’empêche, Y.J. Choi, il y a encore eu des morts ce samedi à Abobo. Près de 400 morts depuis cent jours, vous l’avez dit. Beaucoup disent que vos 10 000 casques bleus et l’ONUCI ne font pas assez pour protéger les populations civiles ?

Y.J Choi : Il y a deux volets. Nous avons chaque fois réussi à arriver là où il y a le danger de massacre des civils, tel qu’à Abobo. Nous étions toujours, chaque nuit à Abobo pour protéger les civils. Deuxième volet, c’est que la première responsabilité incombe aux autorités ivoiriennes. Donc si le camp du Président Gbagbo échoue dans ses responsabilités, alors notre devoir est d’accumuler les évidences pour les rendre coupables.

CB: Alors comme vous le dites, le camp Gbagbo recule dans le nord d’Abidjan, à Abobo et à Adjamé. Il recule aussi dans le grand ouest à la frontière du Liberia. Est-ce que vous pensez que le rapport de force militaire est en train de basculer en faveur des Forces nouvelles de façon provisoire ou irréversible ?

Y.J Choi: C’est à voir. Mais c’est sûr que les régions frontalières entre le Liberia et la Côte d’Ivoire sont maintenant sous le contrôle des forces favorables au Président Ouattara. Avec un essai de blocage effectif des possibles mercenaires du Liberia de rentrer en Côte d’Ivoire.

CB : Est-ce qu’il y a une contre-offensive possible encore du camp Gbagbo ?

Y.J Choi : Dans cette région, je ne crois pas. Puisque quand on observe sérieusement les accrochages et les combats, il apparait que dans cette région, il y a très peu de combats sérieux.

CB : Est-ce que le rapport de force militaire est en train de pencher d’un côté ou d’un autre ? Ou pas ?

Y.J Choi : C’est trop tôt pour le dire. Puisqu’on n a pas encore vu d’accrochages d’une envergure assez importante pour répondre à cette question. Mais ce qui est important, c’est qu’on a assumé au début que le Président Gbagbo à une large force militaire, cela s’avère ne pas tout à fait correspondre au faits puisque la majorité des militaires ne sont pas prêts à combattre.

CB: Vous pensez que beaucoup de militaires du camp Gbagbo ne sont pas aussi déterminés que cela ?

Y.J Choi : Exact. C’est ça.

CB: Et qu’est ce qui vous fait penser ça ?

Y.J Choi : Puisque dans nos patrouilles par exemple, malgré toutes les propagandes contre nous, au niveau des barricades faites par l’armée, la police ou la gendarmerie régulière, on peut toujours passer. Nous avons des difficultés seulement avec les forces spéciales telles que la garde républicaine, le Cecos, opération spéciale. Donc on peut compter à peu près 50.000 éléments parmi les militaires modérés et 5.000 éléments qui sont pires et les forces spéciales.

CB: Oui mais pour l’instant, tous les partisans de Laurent Gbagbo restent fidèles à celui-ci. Il n’y a pas de défection ?

Y.J Choi : Mais si vous êtes à Abidjan, vous pouvez sentir très clairement qu’ils ont perdu beaucoup d’enthousiasme. Le moral n’est pas très haut. Regardez les activités des protagonistes du camp du Président Gbagbo, il y en a très peu. Au début, ils étaient très actifs. Mais ces jours ci, il n’y a presque rien.

CB : Vous parlez des militaires ou des civils ?

Y.J Choi : Militaires, civils, jeunes patriotes, tout. Très peu d’activités. Aussi si vous regardez la télévision à 20 heures, ça devient beaucoup plus calme et beaucoup moins agressif.

CB: Jeudi dernier, le camp Gbagbo a décrété l’interdiction du survol d’Abidjan par vos avions et vos hélicoptères. Vous ne respectez pas cette mesure. Et est-ce que vous ne craignez pas que le camp Gbagbo tire sur l’un de vos avions ou de vos hélicoptères ?

Y.J Choi : Nous recevons notre mandat du Conseil de sécurité, pas du camp du Président Gbagbo.

CB: Mais vous prenez des risques, non ?

Y.J Choi : Certainement. Mais nous prenons des précautions. Nous sommes déterminés à conserver notre liberté de mouvement dans l’air. La maitrise de l’air si vous voulez.

CB: Samedi après son voyage à Addis-Abeba et à Abuja, Alassane Ouattara est rentré à l’hôtel du Golf à Abidjan. Est-ce qu’il est rentré par hélicoptère ou à bord d’un convoi blindé ?

Y.J Choi : Ca c’est une question de sécurité que j’aimerai bien ne pas commenter.

CB: Pensez-vous qu’il y ait encore une solution politique ou que nécessairement la solution sera militaire ?

Y.J. Choi : Je crois que la solution militaire comporte toujours un grand danger puisque ça change la dynamique. La dynamique maintenant c’est la démocratie, la légitimité, les élections. Si on opte pour une option militaire, le gagnant c’est le gagnant. Donc il ne faut pas changer la dynamique.

CB: Y.J Choi merci.

***************************************************

Pour toute information supplémentaire, prière de contacter:

Hamadoun Touré, Porte-parole
Tél. : +225-06203305 ; Portable : + 225-05990075 ; Fax : +225-020235107
Email: hamadoun@un.org.

http://www.onuci.org

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.