Côte d’Ivoire – Laurent Gbagbo: la stratégie du Pire

Par ANASSÉ ANASSÉ – Rédacteur en Chef du Journal de Connectionivoirienne.net –
Représentant permanent à Abidjan

L’Union africaine a encore tonné ! A l’issue de sa 269ème réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS), tenue les 9 et 10 mars 2011 à Addis-Abeba, l’organisation panafricaine a fait une fois de plus injonction, pour la dernière fois selon elle, à Laurent Gbagbo de céder pacifiquement le pouvoir à Alassane Ouattara dans un délai de «deux semaines au plus tard». Mais cet énième ultimatum de l’UA restera à nouveau lettre morte. Car pour Laurent Gbagbo: « autant en apporte le vent ».

Et pour bien faire comprendre à la communauté internationale qu’il n’a cure de ses menaces – assimilées à du chantage selon Affi N’Guessan, l’envoyé de Gbagbo à Addis –, le locataire du Palais présidentiel d’Abidjan-Plateau a lancé des offensives tous azimuts au lendemain du communiqué du CPS. Environ 2.200 soldats des forces de défense et de sécurité ont investi ce weekend, sous les ordres du nouveau commandant en chef des FDS, le Général Bruno Dogbo Blé, la commune d’Abobo. Objectif minimum affiché : démanteler le kyste de la rébellion armée en plein cœur de la capitale économique. Et ramener l’armée pro-Ouattara dans ses bastions traditionnels des zones CNO (centre-nord-ouest). Certes, sur le théâtre des opérations, les choses ne se passent pas pour l’instant comme prévues par le «stratège» militaire de Gbagbo. Mais qu’à cela ne tienne: haut-les-cœurs !

Et ce n’est pas tout. Samedi soir, au journal télévisé de 20H de la télévision nationale (RTI, rebaptisée LMP TV par le RHDP), le très modéré et totalement effacé Garde des Sceaux, ministre de la Justice du gouvernement Aké N’Gbo, a fait sa première apparition sur le petit écran… depuis des lustres ! Brandissant le glaive et la balance – les symboles du Temple de Thémis –, le «vieux sage» Camille Oguié a dressé un réquisitoire sur un ton plus que martial: le «couperet» pour tous les ennemis (visibles et invisibles) de la République. «Tous les crimes commis par le RHDP et ses branches armées ne resteront pas impunis. Tous les auteurs et commanditaires de ces crimes seront recherchés, jugés et sévèrement punis», a proféré (nous paraphrasons), contrairement à la pondération qui l’a guidé tout au long de sa longue et riche carrière, le Magistrat hors hiérarchie à la retraite, ex-premier Président de la Commission Electorale Indépendante (de 2001 à 2005).

Bien avant le Garde des Sceaux, c’était un communiqué du gouvernement (Aké N’Gbo) qui annonçait jeudi, la fermeture de l’espace aérien ivoirien. Ouattara n’étant pas encore rentré dans sa «République hôtelière du Golf» après la réunion d’Addis-Abeba à laquelle il a été convié – Gbagbo a décliné maladroitement l’invitation –, cela a été perçu comme une tentative de l’empêcher de rentrer au pays. Le porte-parole du gouvernement, le ministre Ahoua Don Mello s’en est défendu, mais cela ne cache pas moins des arrière-pensées et des desseins inavoués (que nous verrons un peu plus tard).

Gbagbo parle ce soir ou demain lundi

C’est donc le branle-bas de combat au niveau de La majorité présidentielle (LMP). Après une revue des troupes, ponctuée par une série de consultations avec ses soutiens les plus irréductibles au niveau de l’armée, des jeunes patriotes et des femmes ; ainsi que de longues conversations téléphoniques avec ses alliés indéfectibles – contrairement aux apparences, le Président sud-africain Jacob Zuma continu d’en faire partie –, le président sortant, Laurent Gbagbo, s’adressera lui-même ce dimanche soir, ou au plus tard lundi, dans un discours solennel, aux Ivoiriens. Mais le véritable destinataire de son message à la Nation reste la communauté internationale. En l’occurrence l’Union Africaine, l’Union Européenne, l’ONU(CI), la Cedeao et l’Ecomog, les présidents français et américains Nicolas Sarkozy et Barack Obama…

Une fois n’est pas coutume, le chef de l’Etat sortant n’a pas confié la rédaction de son allocution à son «nègre pour écrire» ou «scribe du Président» ; son ex-Conseiller aux affaires culturelles, le Professeur de Philosophie Alphonse Voho Sahi, devenu ministre du même département. Depuis au moins trois jours, Gbagbo travaille lui-même son texte, consulte ses notes, écoute, prend des avis… Et la quintessence de son intervention radio et télédiffusée pourrait être libellée à peu près comme suit : «Envers et contre tout et tous, je résisterai et je me battrai jusqu’à la dernière goûte de mon sang». Laurent Gbagbo rejettera donc en bloc les propositions de l’UA concernant la formation d’un gouvernement de large ouverture, qui le verrait jouer un rôle prépondérant dans la désignation du nouveau Premier ministre.

Mais d’autres sources de l’entourage de l’ex-président de la République de Côte d’Ivoire, certainement les plus optimistes pour ne pas dire candides, affirment que le locataire du Palais présidentiel d’Abidjan pourrait assouplir sa position. Et se montrer réceptif – enfin ? – aux garanties à lui promises par la gouvernance mondiale. «Le Président (Gbagbo) est réticent à quitter le pouvoir, parce qu’en historien averti, il est par exemple instruit du cas de l’ex-président du Liberia Charles Taylor. On lui avait promis un blanc-seing ou je dirais une amnistie totale pour qu’il accepte de céder le pouvoir à Mme Ellen Johnson. Mais après, il a été trahi et il se retrouve aujourd’hui dans les mailles des filets de la justice internationale. Le Président (Gbagbo) n’acceptera jamais d’être traité ainsi», a analysé un cacique du régime de la Refondation.

Demain donc, Laurent Gbagbo formulera ses dernières propositions pour ramener la paix. Il serait disposé à faire le sacrifice suprême en se retirant, à la condition que Ouattara aussi renonce à diriger la Côte d’Ivoire. Le pouvoir sera alors confié soit à Henri Konan Bédié ou à une autre personnalité – civile et non militaire – qui n’a pas fricoté avec les deux blocs antagonistes (refondation et opposition rebelle). Celui-ci conduira une transition de deux ans maximum, au bout de laquelle il devra organiser des élections incontestables après avoir débarrassé le pays de ses multiples factions rebelles et milices armées. De plus, Gbagbo pourra exiger des assurances pour lui-même et ses proches. Notamment la levée de toutes les sanctions jugées iniques prises par les institutions internationales, la protection de sa famille et des hauts responsables du régime, et la mise définitive sous scellé du dossier ivoirien au niveau de la Cour Pénale internationale !

Non plus David, mais Samson !

Si ses ultimes concessions ne trouvent pas preneur, alors le chef de l’Etat serait prêt à franchir le Rubicond. En effet, depuis quelques temps, Laurent Gbagbo ne s’identifie plus au Roi David (le Grand monarque de la Bible), comme c’était le cas au début de la rébellion, en septembre 2002, jusqu’à l’opération «Dignité», en novembre 2004. Aujourd’hui, l’ex-Chef de l’Etat ivoirien compare sa destinée à celle d`un autre illustre personnage biblique, le «Juge» Samson. Selon des indiscrétions proches de la résidence officielle de Cocody, Laurent Gbagbo peut se plonger pendant de longues heures de médiation dans son bureau rectangulaire, dans la lecture du Livre des «Juges» ; et précisément les chapitres relatant l’épopée de «Samson et Dalida». Et voici comment pourrait être décrite sa nouvelle philosophie : «Je périrai peut-être ou certainement, mais je ne périrai pas seul ; je périrai avec tout ou une bonne partie de mes ennemis». Et, comme Samson, qui a emporté dans sa chute au moins trois milliers de ses geôliers, Laurent Gbagbo compte finir son règne avec une bonne partie de ceux qu’il considère comme ses bourreaux. Tout au moins, ceux qui vivent ou sont présents sur le territoire abidjanais.

Ainsi, l’auteur de «Soundjata, le Lion du Mandingue» attend-t-il frénétiquement que la première roquette soit tirée sur le Palais du Plateau ou sur la résidence de Cocody, pour déclencher les hostilités d’une guerre totale : bombardement aérien, terrestre et par voie maritime du camp-siège de l’ONUCI, à l’hôtel Sobroko à Attécoubé, du cantonnement de la Force Licorne à l’ex-43ème BIMA, à Port-Bouët, de l’hôtel du Golf, etc. Par exemple, ce n’est pas pour rien que Don Mello, porte-parole du gouvernement formé par Gbagbo, s’est rapidement repris en indiquant que Ouattara peut à tout moment rentrer en Côte d’Ivoire. Des sources militaires révèlent qu’un accueil à la Juvénal Habyarimana l’attendait à l’atterrissage… Et ce n’est pas tout. Des cibles frontalières considérées comme ennemis ne sont pas à écarter. Et des positions stratégiques du Burkina Faso et du Nigeria, pour ne citer que ces deux pays, sont également visées. Le but poursuivi sera de déclencher une guerre sous-régionale…

Un zodiaque qui trahit des velléités bellicistes

Nous ne sommes nullement des adeptes de la cabalistique. Et loin de nous la prétention de vouloir nous ériger en «connaisseur» des vérités qui requièrent un parcours initiatique. Mais les sciences non familières peuvent parfois permettre d’expliquer des phénomènes qui ne sautent pas forcément aux yeux des profanes – comme nous autres.

C’est ainsi que de modestes recherches en astrologie nous ont révélé que le Bélier est d’une nature particulièrement belliqueuse (le Président Laurent Gbagbo, né le 31 mai 1945, est certes du signe zodiaque Gémeaux. Toutefois, il est fortement influencé par la planète Mars, qui symbolise l’action et le feu ; et il est Gémeaux avec une forte ascendance sur le Bélier). Tenez-vous bien ! Le Bélier charrie dans son sillage des vibrations comme la brutalité, la colère, l’impulsivité, la fanatisme (vu sous l’angle du délire), l’imprévoyance (perçue comme de l’irréflexion), et aussi la… lubricité (la débauche) ! Les personnes à dominance de ce «signe zo» (pour reprendre le titre de l’album éponyme du brillantissime duo de Zouglou Yodé et Siro) ont pour champs d’expression privilégiés les arènes, les champs de bataille, les rings, les bases militaires, les boucheries… En somme, ils ne comprennent et n’exhalent que le langage de la violence et de la guerre. Et ce n’est pas un hasard si la faune qui les identifient n’est représentée que par des carnassiers : le tigre, la panthère, le loup, le jaguar… Les natifs et ascendants du Bélier sont dotés d’un courage, d’une intrépidité et d’une témérité à nulle autre pareille ; et sont généralement des pionniers qui sont à la base ou au commencement des grands changements et bouleversements. Mais, comme le tatou, ils finissent presque toujours fatalement à (participer à) détruire ce qu’ils ont considérablement contribué à bâtir.

Ceci expliquerait-il cela, que le « Père des libertés publiques et de la démocratie » en Cote d’Ivoire, soit devenu en l’espace d’une décennie, le plus grand fossoyeur des valeurs et idées qu’il a faites prospérer et s’enraciner dans le pays ? Les Ivoiriens doivent-ils dorénavant attacher de l’importance à ces sciences dites occultes dans le choix de leur dirigeant à la magistrature suprême ? (A ce propos, il serait peut-être aussi indiqué de jeter un coup d’œil sur l’étude astrologique d’Alassane Ouattara, né très officiellement le 1er janvier 1942 – ce qui ne serait assurément pas sa vraie date de naissance !)

Laurent Gbagbo n’a pas seulement perdu les élections. Beaucoup pensent, y compris même parmi ses propres partisans, qu’il a perdu toute capacité de dépassement de soi qui fonde l’action des grands hommes d’Etat qui ont marqué l’Histoire (par exemple, le Général De Gaule que les Français continuent de vénérer, a tiré sa révérence de la vie publique en 1969 après un désaveu populaire). Et nombreux sont ceux qui espèrent encore que la Providence pourra le sortir de cette spirale infernale dans laquelle il s’est empêtré.

Anassé Anassé

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