Côte d’Ivoire, une vidéo des tueries qui confond l’armée et les milices de Gbagbo

C. Ivoire: une vidéo des manifestantes attaquées

MARCO CHOWN OVED, RUKMINI CALLIMACHI, THE ASSOCIATED PRESS

Un enregistrement vidéo obtenu vendredi par l’Associated Press montre comment des manifestantes ont été abattues par des soldats fidèles à l’homme fort de la Côte d’Ivoire, un incident qui a exposé l’étendue des abus commis par l’armée ivoirienne et qui a suscité une vague de critiques.

La vidéo de piètre qualité a été tournée par un caméraman à l’emploi d’une chaîne de télévision de l’opposition, qui a donné à l’Associated Press l’autorisation de la diffuser. L’enregistrement montre les minutes qui ont précédé l’attaque de jeudi dans le quartier d’Abobo à Abidjan, où des milliers de femmes avaient pris part à une manifestation pour demander le départ du président sortant Laurent Gbagbo. Au moins six femmes ont été tuées pendant la manifestation.

Dans l’enregistrement, qui a aussi été mis en ligne sur YouTube, on peut entendre une succession d’explosions alors que les femmes manifestent en brandissant des branches d’arbre dans les airs. Puis on voit la foule se disperser pendant que des gens crient.

La caméra survole ensuite les corps d’au moins quatre femmes étendues au sol. La tête de l’une d’entre elles est arrachée et des gens s’empressent de la couvrir avec un pan de tissu. Une autre femme encore vivante tente de se relever, avant de s’effondrer dans une flaque de sang.

Il n’a pas été possible dans l’immédiat de montrer la vidéo aux témoins de l’incident afin d’attester son authenticité, mais les images correspondent aux témoignages de ceux qui ont assisté à la scène.

Le porte-parole de l’armée de Côte d’Ivoire, le colonel Hilaire Gohourou, a nié que l’armée ait été impliquée dans l’incident. Dans une déclaration lue vendredi soir à la télévision nationale, il a affirmé qu’il s’agissait d’un mensonge propagé par les médias internationaux. Un porte-parole du gouvernement Gbagbo a suivi avec un second démenti, attribuant les violences à des «terroristes aidés par la logistique et l’assistance technique de ‘ONUCI» (la mission de maintien de la paix de l’ONU en Côte d’Ivoire.

La télévision nationale a aussi montré des images de Laurent Gbagbo lors d’une rencontre, jeudi, avec ses conseillers. «Les gens cherchent depuis longtemps à dominer la Côte d’Ivoire», a-t-il dit. «Je ne laisserai pas la Côte d’Ivoire se soumettre… Quant à moi, je ne céderai pas.»

Laurent Gbagbo a été déclaré perdant de l’élection présidentielle du 28 novembre par la commission électorale ivoirienne, une résultat certifié par les Nations unies. Mais M. Gbagbo refuse de céder le pouvoir et depuis trois mois, l’armée ivoirienne, qui lui est fidèle, mène une campagne de terreur contre ceux qui ont voté pour Alassane Ouattara, un opposant de longue date.

Des quartiers d’Abidjan favorables à M. Ouattara ont pris les armes, en particulier à Abobo. Jusqu’à maintenant, les combattants pro-Ouattara s’en sont surtout pris aux forces gouvernementales, et non aux civils.

L’armée ayant plusieurs fois ouvert le feu sur des civils, des femmes ont organisé des manifestations à travers Abidjan en croyant que les soldats n’oseraient pas tirer sur elles. L’incident de jeudi a transgressé une vieille tradition dans laquelle les Ivoiriennes sont intervenues dans des disputes politiques pour mettre fin aux violences, notamment lors de la lutte pour l’indépendance du pays.

Alassane Ouattara, qui est retranché dans un hôtel d’Abidjan sous la protection permanente des

casques bleus de l’ONU, a diffusé un communiqué dans lequel il qualifie l’incident de «barbarie d’une envergure inqualifiable».

«Nous n’aurions pas pu imaginer que quelqu’un pourrait tirer avec des balles réelles sur des femmes non armées, encore moins avec des chars», a dit Patrick Achi, un porte-parole du gouvernement Ouattara.

La vidéo de l’incident a circulé vendredi au département d’État américain. La secrétaire d’État Hillary Clinton a adressé une sévère réprimande à Laurent Gbagbo, qualifiant d’«égoïste» sa volonté de se maintenir au pouvoir.

«Gbagbo et ses forces ont montré leur indifférence pour la vie humaine et la primauté du droit en s’attaquant à des personnes désarmées et innocentes», a dit Mme Clinton.

MARCO CHOWN OVED, RUKMINI CALLIMACHI, THE ASSOCIATED PRESS

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