Yopougon Quartier Doukouré, la population sans défense terrorisée à l’arme automatique deux jours durant: 9 morts dont 4 calcinés, plusieurs blessés par balles, une mosquée incendiée

Publié par stéphane Goué le 27 Février
RFI

Yopougon Quartier Doukouré : La population sans défense terrorisée à l’arme automatique deux jours durant : Neuf morts dont quatre calcinés, plusieurs blessés par balles, une mosquée incendiée

Quelques habitants témoignent :

Le vendredi 25 Février 2011, une rumeur envahit Yopougon, faisant état de ce qu’un bus de la Société de Transports Abidjanais (SOTRA) a été brûlé au niveau de ‘’Bel air’’ par des militants pro-RHDP.

L’atmosphère déjà surchauffée par les nouvelles peu reluisantes de la commune voisine d’Abobo et celle de la probable infiltration de Yopougon par des éléments du commando mystérieux, s’est vite dégradé.

Des ‘jeunes patriotes’ qui chaque matin, depuis le déclenchement de la crise postélectorale, font des footings à pas rythmés et encadrés par des hommes en tenue militaire, armes au poing, s’attaquent immédiatement à plusieurs minibus communément appelés ‘gbakas’ et susceptibles d’appartenir à des ‘Dioulas’, communauté ethnique dont est issu Alassane Ouattara.

Tout ce qui « sent RHDP » est pris à partie

Les chauffeurs les plus chanceux et surtout alertes réussissent à rebrousser chemin, avec les vitres brisées. Vers 10 H déjà, au moins sept ‘gbakas’ sont calcinés par ces jeunes recrues surexcitées.

Devant la mosquée principale de Yopougon Saguidiba, des jeunes gens du quartier Yao Séhi érigent des barrages et soumettent tous les passants à une fouille corporelle. ‘’Des rebelles ont infiltré Yopougon et sont logés au quartier Doukouré’’, justifient-ils leur action.

Selon plusieurs sources, ces jeunes de Yao Séhi ne se limitent pas seulement à de simples fouilles corporelles.

De nombreuses personnes sont systématiquement dépossédées, sous la pression de la masse, de tous leurs biens.

‘’Je me rendais au travail à moto, ne sachant pas ce qui se passait dehors, quand ils m’ont encerclé à la sortie du quartier. Ces jeunes de Yao Séhi qui m’ont vu, m’ont donné des coups de poing sur ma bouche ; ce qui m’a déséquilibré de ma moto qu’ils ont emportée. Mon téléphone cellulaire et mon porte-monnaie ont été emportés aussi, mais ils m’ont remis ma puce’’, témoigne Zahui Ozigré, un habitant du quartier Doukouré.

Les jeunes dudit quartier organisent alors une riposte qui dégénère en affrontement rangé, chacun des deux camps antagonistes muni de divers projectiles.

‘’Nous étions dans la mosquée, empêchant les jeunes de Yao Séhi de casser notre mosquée. Pendant les échanges, j’ai reçu une pierre sur la tête’’, rapporte pour sa part Dosso Ibrahim, un commerçant âgé d’environ 24 ans, une large entaille sur le crâne.

Des éléments de la police du 16ème arrondissement, en patrouille, interviennent quelques minutes plus tard pour disperser les deux quartiers violemment opposés.

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Selon des sources concordantes, ces forces de l’ordre ont utilisé des moyens conventionnels pour disperser les manifestants : bombes lacrymogènes et tirs de sommations, tout en s’orientant toutefois vers le quartier Doukouré.

Quatre heures de tirs à l’arme automatique

Après le départ des policiers, les hostilités reprennent de plus belle. Cette fois-ci, des jeunes vêtus de pantalons treillis et de T-shirts blancs, pour la plupart, armés de kalachnikovs, prennent le devant. Ils sont suivis d’un groupe de militaires portant des macarons blancs sur les épaules, transportés sur les lieux à bord d’une 4X4 blanche double cabine, à l’immatriculation banalisée. ‘’Ils tiraient dans tous les sens quand ils sont arrivés. J’ai reçu une balle sur mon côté droite et je suis tombé. C’est mon jeune frère qui m’a transporté jusqu’à un abri sûr’’, raconte Issiaka Sanogo. Il présente un trou du côté droite de la poitrine et une plaie dans le dos.

Soumahoro Sékou, 38 ans, éboueur qui transporte Issiaka Sanogo sur le dos pour le sauver, devient lui aussi la cible d’un des hommes en arme. ‘’Je ne pouvais pas le laisser comme ça, là. Si je le faisais, les militaires-là allaient le tuer. Mais je l’ai mis sur mon dos, je ne pouvais pas me redresser pour marcher. Il me pesait sur le dos. Je crois que c’est ce qui nous même sauvé, parce qu’un des militaires nous a pris pour cible une première fois sans nous atteindre. La balle est rentrée dans un mur. Ce qui m’a permis de courir en rasant le mur. Son deuxième tir a traversé mon bras. Bakayoko Siaka, un jeune d’environ 18 ans et une jeune fille, tous deux du quartier, ont été atteints pendant notre débandade’’, atteste Doukouré. Il porte un impact de balle sur le bras droit qu’il n’a pas encore soigné, faute de moyen et aussi par crainte de représailles.

L’on apprend par la suite que la jeune fille a été évacuée à l’hôpital tandis que Bakayoko succombe à ses blessures.

Pour cette seule journée, les habitants disent avoir enregistré six morts et plusieurs blessés.

Une mosquée incendiée

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Les habitants de Yao Séhi, qui avançaient derrière les hommes en arme, entreprennent d’incendier la mosquée centrale de Saguidiba. Dans leur furia, ils détruisent et pillent tous les magasins environnants, mettent le feu à un camion garé juste à côté. Deux habitants du quartier Doukouré sont brûlés vifs. Le corps de l’un, Dosso Foussény, reste étendu pendant deux jours devant le commissariat du 16èmearrondissement, selon des témoins.

Un calme précaire règne
Les habitants de Doukouré vont connaître un répit vers 18H, ce vendredi. Un apaisement de courte durée puisqu’à 5 heures du matin, le samedi 26 Février, le quartier est encerclé par les habitants de Yao Séhi. Ceux-ci remettent les agressions de la veille sur les femmes qui sortent du quartier.

‘’ Un char de la BAE (Brigade anti émeute, ndlr) est rentré dans le quartier. Les policiers tiraient de partout et jetaient des grenades qui libéraient des plombs. Plusieurs blessés ont encore été enregistrés dont une jeune fille atteinte mortellement par balles’’, rapporte un autre habitant, Doumbia Major.

En attendant d’y voir plus clair, les habitants du quartier Doukouré, majoritairement d’ethnie Malinké, plus connu sous le terme ‘Dioula’, vivent la peur dans le ventre. Terrés chez eux, sans soin pour les victimes de la barbarie, parce que sans aucun sous. ‘’On n’a pas l’argent chez nous, ils ont tout chez eux et ils viennent quand même nous tuer dans notre pauvreté’’, résume Zahui Ozigré, une dent rendue fragile par les coups de poing portés sur sa bouche.

Source: Contributeur bénévole

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