Affrontements meurtriers à Abidjan: La passivité troublante de l’Onuci

L’Inter

Un diplomate européen indiquait, sous couvert de l’anonymat, dans les colonnes de notre édition N° 3837 du jeudi 24 février dernier que « de toute évidence, l’Onuci encourage et regarde tous les jours, assassiner des troupes ivoiriennes et des civils sans que personne autour de M. Obama ou tout autre membre de l’Onu, créée pour préserver et maintenir la paix dans le monde ne réagisse ». On retiendra ce dernier morceau de la complainte du diplomate européen, à savoir que l’Organisation des nations unies a été créée pour, entre autres missions, « préserver et maintenir la paix dans le monde ». Son démembrement en Côte d’Ivoire, l’Onuci, n’est pas exempté de cette disposition contenue d’ailleurs dans la charte des Nations unies. Dans le préambule de cette charte, au chapitre 1 relatif aux buts et principes, il est écrit céci: « maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ». Constituée comme une force de maintien de la paix, l’Onuci est forte d’environ dix mille soldats, dotés d’armement conséquent, pour justement assurer cette mission de maintien de la paix.

Ajouté à cela l’appui militaire que la force française Licorne, aujourd’hui réduite à environ 900 soldats, et qui sous son mandat, est censée lui apporter en cas de besoin.

En un mot, l’Onuci a tout pour préserver la paix en Côte d’Ivoire. Mais ce rôle que lui assigne son mandat sur le territoire ivoirien, ne semble pas se traduire en acte sur le terrain. L’Onuci affiche en effet une certaine indifférence, une passivité, face aux combats meurtriers qui opposent depuis plusieurs jours, un commando mystérieux et les Fordes de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire.

Des combats qui ont fait plusieurs dizaines de morts, et qui continuent de menacer la vie des populations vivant à Abobo. Idem pour les autres communes d’Abidjan, où face à des violentes manifestations de rue des partisans d’Alassane Ouattara, reconnu président par la Cei et la communauté internationale, la force onusienne reste inerte. Elle se contente de quelques patrouilles, évitant soigneusement les points chauds. L’Onuci s’était pourtant illustrée dans la nuit du 12 au 13 janvier dernier dans la commune d’Abobo. Les forces onusiennes, brandissant leur mandat de protection des populations civiles et de maintien de la paix, s’étaient interposées entre les Fds et le commando mystérieux.

Les Fds avaient instauré un couvre-feu à Abobo pour détruire une cache d’armes qu’elles auraient découverte et mettre fin à la rébellion en constitution dans cette commune. Les troupes du général Hafiz avaient fait barrage à cette offensive nocturne des Fds contre les positions du commando mystérieux, invoquant le danger qui plane sur la vie des populations civiles. Mais depuis, l’Onuci semble regarder de loin les affrontements meurtriers qui se multiplient dans les rues d’Abidjan. S’écartant ainsi de sa mission d’interposition et de maintien de la paix.

Récusé par le camp Gbagbo

Il reste vrai qu’à la suite de la proclamation des résultats du second tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, le camp du président Laurent Gbagbo, déclaré élu par le Conseil constitutionnel, avait récusé l’Onuci et demandé son départ du territoire ivoirien. Il l’accusait d’être une force au service de son adversaire, Alassane Ouattara, brandissant comme preuves, sur les écrans de la télévision nationale, des images relatives aux combats du 16 décembre 2010 entre Fds et Fafn, dans le périmètre de l’hôtel du Golf, consécutifs à la marche du Rhdp, destinée à installer de nouvelles autorités à la Rti. Ces images montrent des soldats de l’onuci, prêtant main forte aux hommes de Soro contre ceux de Gbagbo. Il n’en a pas fallu plus pour sonner la rupture entre le camp Gbagbo et l’Onuci. Les troupes onusiennes avaient eu plusieurs fois maille à partir avec les jeunes patriotes, farouches partisans de Laurent Gbagbo.

L’Onuci qui ne reconnaît pas le pouvoir investi par le Conseil constitutionnel, refuse de se plier à toutes ses exigences, et donc de rester en Côte d’Ivoire en dépit des injonctions du régime de Laurent Gbagbo. De leur côté, les Fds considèrent désormais les troupes du général Hafiz comme une force belligérante, et non une force impartiale de maintien de la paix. Serait-ce cela qui freine les actions d’interposition des casques bleus sur le terrain ? Toujours est-il qu’en décidant de rester en Côte d’Ivoire, l’Onuci se doit d’exécuter son mandat. Dans une récente déclaration, le patron de cette force impartiale disait craindre la guerre civile en Côte d’Ivoire. Un constat qui devrait l’amener à déployer ses hommes sur le terrain pour s’interposer entre les belligérants, comme le prescrit leur mandat. Cette passivité laisse penser que les casques bleus attendent le pire avant de réagir. Et pourtant, les moyens humains et matériels, semble-t-il, ne manquent pas à cette force internationale pour maintenir la paix. Hier jeudi 24 février, au cours de leur point de presse hebdomadaire, le porte-parole de l’Onuci, Hamadoun Touré, a marqué leur inquiétude face à la montée de la violence à l’Ouest et dans les quartiers d’Abidjan. Ce constat n’est cependant pas nouveau, et appelle à une réaction qui tarde de la part de l’Onuci, et la paix s’en trouve menacée.

Hamadou ZIAO

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