Christine Holzbauer (correspondance à Dakar) – Le Journal du Dimanche
Trois personnes ont été tuées par balles dans des manifestations hier à Abidjan, la capitale économique ivoirienne, lorsque les forces de l’ordre fidèles à Laurent Gbagbo ont dispersé des partisans d’Alassane Ouattara. Le Premier ministre de ce dernier, Guillaume Soro, est convaincu qu’un soulèvement populaire aura lieu. Il se dit prêt à l’appuyer.
La situation en Côte d’Ivoire est-elle bloquée? Quelle est la prochaine étape du processus?
Les premiers signes d’insurrection, bien que timides, se font jour dans les rangs des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), favorables à Ouattara. Aux autres [pro-Gbagbo] nous avons indiqué qu’ils seront jugés pour toutes les exactions commises contre les populations. Certes, des assassinats continuent d’être perpétrés et les tueries ont déjà fait au moins 500 morts, mais, partout, dans les banlieues et les quartiers d’Abidjan, la résistance s’organise. La révolution ivoirienne est en marche et nous allons aider ce soulèvement populaire.
En tant que ministre de la Défense de Ouattara et Premier ministre, pourquoi n’avoir pas demandé aux rebelles des Forces nouvelles d’installer Ouattara à la présidence?
Je l’ai fait et ce dès le 16 décembre, mais j’ai dû immédiatement leur demander de retourner à Bouaké. Alassane Ouattara comptait sur un ralliement du chef d’état-major des Fanci, le général Mangou. Il voulait éviter à tout prix un affrontement armé. Malheureusement, ce basculement ne s’est pas produit même si beaucoup d’officiers Fanci nous ont rejoints, depuis, à l’hôtel du Golfe-d’Abidjan [où est installé le camp Ouattara] .
Vous affirmez aujourd’hui que 63% des militaires au sein des Fanci ont voté pour Alassane Ouattara au deuxième tour. Comment le savez-vous?
Quand j’étais Premier ministre de Laurent Gbagbo, ma tâche principale a consisté à organiser les élections. C’est la raison pour laquelle je suis si déçu aujourd’hui de la tournure des événements. Nous avons beaucoup travaillé à la Primature pour que les élections soient les plus transparentes possible et, de l’avis de tous, y compris de Gbagbo, elles l’ont été. Grâce à la mise en place d’un dispositif électoral très précis, nous savons, par exemple, que 63% des militaires au sein des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire ont voté pour Alassane Ouattara. Ce qui n’est guère étonnant compte tenu du fait que, dans leur grande majorité, les militaires sont des Baoulés et, donc, proches du PDCI, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire.
La médiation des cinq chefs d’Etat africains peut-elle permettre de résoudre la crise postélectorale sans assister à une effusion de sang?
Non, parce que Laurent Gbagbo n’acceptera jamais d’entendre qu’il a perdu les élections et qu’il doit céder le pouvoir. Il a déjà posté des chars devant les banques d’Abidjan qui ferment les unes après les autres. Nous savons aussi qu’il importe des armes en violation de l’embargo de 2004. Nous sommes prêts, armés et déterminés à nous défendre en ce qui nous concerne. Car la solution n’est pas dans le partage du pouvoir après une forfaiture comme celle du Conseil constitutionnel, mais bien dans l’instauration de règles démocratiques acceptées par tous.
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