Coup-d’etat électoral de Gbagbo, Marine Le Pen y trouve de quoi régler ses comptes

Source: frontnational.com

La Côte d’Ivoire a connu depuis quelques mois une période d’instabilité liée à un processus électoral interrompu avant son terme. Sans prendre fait et cause pour l’une ou l’autre des parties, il est cependant nécessaire de s’interroger sur les causes et conséquences de cette situation dans laquelle l’Union Européenne est intervenue directement, dans la mesure où les sanctions choisies, frappent non seulement les acteurs économiques mais aussi des innocents qui ne sont en rien responsables de cette situation. Les sanctions décidées précipitamment par l’UE ont maintenant des conséquences sur l’ensemble de la sous-région au risque de provoquer des tensions graves entre états souverains.

Ce n’est pas la première fois qu’en Afrique, un pays connait un processus électoral « équivoque » et « dénaturé » qui aboutit à un blocage de la situation politique du pays.

Il semble que le processus électoral, dans ses fondements juridiques et constitutionnels n’ait pas été respecté et que la CEI et par les représentants de la communauté internationale.

Une élection présidentielle a eu lieu en Côte d’Ivoire dont le résultat est contesté par un des deux candidats. Le Conseil constitutionnel ivoirien a proclamé monsieur Gbagbo vainqueur après avoir invalidé une partie des votes dans certaines régions du pays. Il appartient à son adversaire qui conteste cette décision, d’engager un recours devant les instances juridiques compétentes et d’apporter les preuves qu’il n’y a eu ni fraudes massives ni violences dans les régions du Nord contrôlées par la rébellion des Forces nouvelles qui, en 2002, avaient tenté de renverser Laurent Gbagbo.

1 – La violation des accords de Ouagadougou et la responsabilité de l’UE

Sur cette question, l’exigence de l’article 5 du 4ème accord complémentaire à l’accord de Ouagadougou a, ces dernières années, été mis discrètement de côté par l’ONU et les puissances occidentales (France et Etats-Unis en particulier). Concernant l’ONU, à la lecture des différents rapports du secrétaire général des Nations Unies sur l’ONUCI et des résolutions du Conseil de sécurité sur la côte d’Ivoire de 2010, la communauté internationale continue, pour légitimer la mission de l’ONUCI, de se référer aux accords de Ouagadougou dans leur globalité.

Dans un rapport du 20 mai 2010, le secrétaire général notait que « (…) le président Gbagbo et le parti au pouvoir ont jugé que la situation en matière de sécurité dans le nord du pays ne permettait pas d’y organiser librement une campagne électorale et d’y tenir des élections libres et régulières. Ils ont par conséquent demandé que le désarmement et la réunification du pays soient achevés avant les élections comme le prévoit le 4è accord complémentaire à l’accord de Ouagadougou. Les partis d’opposition ont accusé le parti au pouvoir et le président d’utiliser ce 4è accord comme prétexte pour retarder indéfiniment les élections ». Et le rapport ajoutait plus loin : « De nombreux interlocuteurs dont le Facilitateur [1] estiment que les questions relatives à ces deux processus (…) doivent être abordés en même temps afin de ne donner à l’une ou l’autre des parties aucun prétexte pour ne pas s’acquitter de ses obligations ».

Ce rapport a pu, de fait, ouvrir la voie à une exécution « flexible » de la condition de « désarmer avant de tenir les élections », ou, pour le dire plus directement, à une non exécution de cette condition. Le glissement observé dans les rapports sur l’ONUCI se retrouve également dans les résolutions successives du Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité reconnaît au passage qu’au moment de la tenue des élections présidentielles, il n’y avait pas de restauration de l’autorité de l’Etat dans l’ensemble du pays ni de réunification de ce dernier !

Dans ces conditions on comprend aisément que le président Gbagbo, sous la pression de l’ONU et des puissances occidentales ait fini par accepter la tenue de celles-ci en 2010, afin de ne pas apparaître comme celui qui ne voudrait pas d’élections du tout, et qu’il ait reçu pour cela des assurances que ces élections se dérouleraient normalement.

Pourtant, au lendemain du premier tour et cinq jours avant le second tour, le 26ème rapport sur l’ONUCI du 23 novembre 2010 estime la sécurité « stable mais fragile » et reconnaît que le désarmement n’a pas été achevé.

Ce rapport reconnaît par ailleurs que l’autorité de l’Etat n’est toujours pas rétablie dans les zones occupées par les Forces nouvelles. Ces dernières continuent de prélever les impôts et les taxes douanières et autres « taxes illégales » et de faire « à leur manière » la police et la justice car, comme le dit le rapport, « en absence d’officiers de police judiciaire et de forces de sécurité déployées, les tribunaux ne sont à même de juger aucune affaire criminelle ». Dans ces zones occupées, les prisons ne sont pas non plus sous le contrôle de l’Etat, particulièrement au nord. Concernant la situation des droits de l’homme, le rapport note des violations de toutes parts et dans toutes les régions, mais souligne que la situation reste« particulièrement précaire à l’ouest » et le respect pour les droits de l’homme est « généralement bas »

Autant dire que les élections n’ont pas respecté les accords préalables à la tenue démocratique de ce scrutin et que la France et l’UE ont cautionné un processus électoral vicié dès l’origine.

2 – La négociation d’abord

Face à cette situation et dans une précipitation qui n’a rien de diplomatique, le Président Français a lancé un ultimatum à monsieur Gbagbo qui, au vu des affrontements potentiels, mettait en péril le contingent militaire français, la communauté des 12 000 ressortissants français et plus généralement les intérêts économiques français présents en côte d’Ivoire.

Lui emboîtant le pas l’Union européenne a annoncé le 13 décembre 2010 qu’elle menaçait le président de la côte d’Ivoire et ses proches de sanctions. Les mesures prévues allaient d’un retrait de visas au gel des avoirs financiers détenus par certaines personnes présumées proches de Monsieur Gbagbo.

Le Conseil des ministres des affaires étrangères avait donc publié un texte qui décidait « d’adopter sans délai des mesures restrictives ciblées à l’encontre de ceux qui font obstruction aux processus de paix et de réconciliation nationale et en particulier menacent le bon aboutissement du processus électoral » notamment par « une interdiction de visas et un gel des avoirs ».

L’Union européenne a décidé le 15 janvier de renforcer ces sanctions en décidant le gel des avoirs en Europe de 85 membres du « camp Bgagbo » et de onze entités économiques dont certaines ont une influence directe sur le quotidien des ivoiriens.

Il est à noter que trois personnes figurant sur cette première liste ont été retirées depuis, parmi lesquelles un couple d’entrepreneurs français, qui n’avaient rien à voir avec le contentieux, c’est dire le sérieux de la constitution de cette liste. Il est évident que désormais les juridictions européennes doivent être saisies pour dire si, oui ou non, les principes fondamentaux de l’Union n’ont pas été violés dans cette affaire.

Il n’appartient pas me semble-t-il à l’Etat français ou à l’Union Européenne, pas plus qu’à la communauté internationale, de s’ingérer dans les affaires intérieures d’un Etat souverain. A ceux qui soufflent sur les braises, attisant le feu des tensions inter communautaires, il serait bon de rappeler que la rhétorique va-t-en guerre met en péril la vie de dizaines de milliers d’ivoiriens et d’Européens.

Seules la diplomatie, la négociation et la concertation sont à même de régler l’écheveau de la crise ivoirienne.

Il serait aussi bon de rappeler la règle du « deux poids, deux mesures » qui semble s’installer au sein de la diplomatie européenne en fonction d’intérêts qui échappent à de nombreux observateurs. Je rappelle que la France dans le coup d’Etat au Niger, condamnait la prise de pouvoir « par des voies non constitutionnelles » en appelant au dialogue ! Mais peut-être que la présence d’AREVA dans ce pays expliquait cela !

Je demande donc la constitution d’une commission d’enquête pluraliste à l’échelle européenne qui aura pour mission de déterminer les responsabilités et de proposer des solutions au dénouement de la crise.

– Sur quelle légitimité et sur quels textes se fonde l’UE pour intervenir dans les affaires internes d’une nation souveraine telle que la Côte d’Ivoire ?

– De la même manière, sur quels critères se fonde l’UE pour intervenir, ou ne pas intervenir, dans des situations analogues ou même plus sensibles sur le continent africain ?

– Pourquoi l’UE a-t-elle toléré la violation de l’article 5 du 4ème accord complémentaire à l’accord de Ouagadougou nécessaire à la tenue d’élections libres et démocratiques ?

– L’UE a-t-elle pris conscience qu’en décidant le blocus économique de la Côte d’Ivoire, elle prend le risque d’affamer le pays et par la même d’être à l’origine de conséquences graves pour la paix, les populations civiles et les entités économiques n’étant en rien responsables de ce durable imbroglio diplomatico-juridique ?

– Comment concilier l’inscription sur cette liste avec la violation des principes de l’article 6 de la CSDH qui garantit des droits à un procès équitable ?

– Quels sont les critères qui ont prévalu à l’établissement de cette liste de « proscrits » et sont-ils conformes aux Droits de l’homme tels que protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ?

– La solution ne réside-t-elle pas dans la tenue d’un autre « second tour » après que, en accord avec les parties, toutes les conditions (accords de Ouagadougou) soient réunies pour que l’exercice plein et entier de la souveraineté du peuple ivoirien soit garanti ?

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