De Rukmini CallimacHi (CP) – ABIDJAN, Côte d’Ivoire — Des documents obtenus par l’Associated Press auprès de quatre des neufs morgues d’Abidjan montrent qu’au moins 113 corps criblés de balles ont été entreposés depuis les élections en Côte d’Ivoire. Et ce nombre devrait probablement être plus élevé, car l’agence de presse n’a pas obtenu l’accès aux cinq autres morgues de la capitale ivoirienne, dont l’une où se trouveraient jusqu’à 80 corps, selon l’Organisation des nations unies. Presque chaque jour qui a passé depuis que Laurent Gbagbo a été déclaré perdant des élections du 28 novembre, des corps d’Ivoiriens qui ont voté pour le rival du président apparaissent en bordure de routes. À la tête d’un pays qui compte 21 millions d’habitants, le président Gbagbo refuse toujours de céder sa place à son successeur, malgré sa défaite électorale. Ces corps sont retenus par les autorités et ne sont pas rendus aux familles. Des employés travaillant dans ces morgues affirment que des gardes du gouvernement sont postés à l’extérieur pour surveiller les établissements. Une liste des morts que l’Associated Press a pu consulter sur l’ordinateur portable d’une entreprise qui gère trois morgues du centre-ville d’Abidjan indique que les corps ont commencé à arriver le 1er décembre. Plus tard durant cette même journée, la commission électorale de la Côte d’Ivoire allait déclarer vainqueur de l’élection présidentielle le chef de l’opposition, Alassane Ouattara. L’AP a également consulté des documents légaux provenant des autorités ivoiriennes qui ordonnent aux salons funéraires de récupérer les corps trouvés dans les rues. Elle a également pris connaissance de documents acheminés aux familles des victimes. Les noms des victimes apparaissant sur les documents conduisent à penser qu’il s’agit principalement de musulmans habitant dans le nord du pays, une région qui a largement voté en faveur de M. Ouattara, lui-même musulman et résident de cette région. Les familles ont pu se rendre dans les morgues, mais seulement pour identifier un proche. Elles ne peuvent pas récupérer les corps pour l’inhumation parce que le gouvernement, toujours dirigé par Laurent Gbagbo, n’a pas autorisé l’autopsie des corps qui portent des traces de balles. Des responsables de salons funéraires ont affirmé que la procédure était habituellement approuvée en 48 heures. Les postes de police refusant de produire des rapports, plusieurs familles ne disposent que d’une «fiche d’entrée», un document qui précise la morgue et le numéro de la voûte ou se trouve un corps, pour prouver qu’un proche a été tué. Des dizaines de victimes ont été vues être sorties de leur résidence et forcées de prendre place dans un véhicule officiel. Une chercheuse de l’organisation Human Rights Watch, Corinne Dufka, est d’avis que le nombre atterrant de victimes de violences politiques à Abidjan est composé de sympathisants admis ou présumés d’Ouattara. Selon Mme Dufka, auteure d’un rapport sur les violences qui ont suivi les élections, plusieurs de ces victimes ont été ciblées et tuées en raison de leur nom de famille. Des corps ont également été trouvés sur des routes, des terre-pleins centraux d’autoroutes, des tas d’ordures ainsi que dans des lagunes à proximité d’Abidjan, ville de commerce qui a déjà été considérée comme la plus stable des capitales d’Afrique. De son côté, le gouvernement de Laurent Gbagbo nie avoir commis ces gestes. Copyright © 2011 The Canadian Press. Tous droits réservés.
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