Par Frédéric Couteau
RFI
« Est-ce l’hallali pour le régime de Laurent Gbagbo avec la fermeture de certaines banques ? » Question posée par le quotidien burkinabé Le Pays. En effet, précise-t-il, «la BCEAO, la Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest, vient de durcir sa position à l’égard des banques qui ne respecteraient pas ses directives en soutenant les activités économiques et financières du gouvernement de Laurent Gbagbo. (…) L’objectif est clair, affirme Le Pays : priver Laurent Gbagbo et son régime de ressources financières. En l’occurrence, la BCEAO met en garde tout établissement financier et bancaire qui, d’une façon ou d’une autre, utiliserait le système financier au profit du gouvernement de Gbagbo. En clair, c’est une sorte d’embargo financier qui ne dit pas son nom. »
Alors quelle est la portée de cet embargo ? Pour le quotidien burkinabé, pas de doute : « comme un boa qui enserre sa proie, les sanctions économiques sont en train d’étouffer progressivement Gbagbo. L’argent frais va se faire de plus en plus rare si les banques ferment une à une et l’annonce de la reconduction de l’interdiction d’exporter le cacao et le blocage de l’exportation de la noix de cajou qui devait rapporter près de 4 milliards de F CFA dans les caisses de l’Etat, sont autant de mauvaises nouvelles pour Gbagbo. »
« Comme on devrait s’y attendre, l’étau du gel économique et financier se resserre de plus en plus sur la Côte d’Ivoire », renchérit le site d’information Fasozine. « Ce lundi, deux banques et pas des moindres ont décidé de mettre +provisoirement+ les clés sous le paillasson pour disent-elles des +raisons de sécurité+. » A savoir, la BICICI, la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de Côte d’Ivoire, filiale de la banque française BNP Paribas- et l’américaine Citybank.
« Seulement voilà, relève Fasozine, c’est l’argent des Ivoiriens, sans distinction de partis politiques, qui est déposé dans ces banques (…). Et on imagine que la situation financière va se compliquer davantage pour les Ivoiriens. »
La faute à qui ?
Sur place, en Côte d’Ivoire, les deux camps se renvoient la balle, se rejettent la responsabilité cette crise bancaire… De même que la presse d’opinion. Pour Nord-Sud, quotidien pro-Ouattara, les patrons de banque n’avaient pas le choix… En fait, affirme-t-il, certains d’entre eux ont même fui le pays. En effet, explique Nord-Sud, plusieurs directeurs généraux, « après avoir été convoqués vendredi dernier par Koné Katina, collaborateur du président sortant, ont été gardés pendant plusieurs heures. Ce dernier, accompagné d’hommes en armes, leur intimait l’ordre de faire allégeance à son camp en cautionnant les stratégies mises en place pour contourner le système bancaire sous-régional. Les patrons des banques n’ont pu sortir qu’après avoir demandé un délai de réflexion. » Et ils en ont profité pour faire « leurs valises et fuir la Côte d’Ivoire. Refusant ainsi de se rendre complices de la forfaiture du clan Gbagbo », affirme le quotidien pro-Ouattara.
Pour Le Temps, quotidien pro-Gbagbo, c’est la BCEAO et sa nouvelle direction qui sont responsables de ce chaos financier… Le Temps qui s’en prend au burkinabé Jean-Baptiste Compaoré, gouverneur par intérim de la BCEAO : « la politique politicienne est désormais entrée dans la gestion au quotidien de la BCEAO, dénonce le journal. C’est dans une atmosphère emprunte de suspicion et de délation, que le frère du +beau Blaise+ a décidé de brandir des +sanctions+ contre les banques opérant en Côte d’Ivoire et qui travailleraient avec le camp du président Laurent Gbagbo. Malheureusement, poursuit Le Temps, ce que le vice-gouverneur Compaoré oublie, c’est que les conséquences néfastes sur l’économie ivoirienne seront durement ressenties sur les populations burkinabé, qui n’échappent pas aux aléas des agissements de ce gouverneur par intérim. En attendant de s’apprêter à gérer les conséquences de la prochaine dévaluation, le vice-gouverneur Compaoré devrait avoir à l’esprit qu’au moins et officiellement, 4 millions de Burkinabé vivent en Côte d’Ivoire. »
Jours difficiles…
En tout cas, c’est l’ensemble de la population du pays, ivoirienne ou pas, qui risque d’être affectée par cette guerre financière… Et il n’y a pas que les problèmes bancaires. Comme le relève L’Intelligent, quotidien indépendant, « l’activité économique du pays se dégrade au fil des jours » Pour ce qui est de l’activité portuaire, du carburant ou encore du gaz butane, les sanctions de l’Union Européenne commencent à se faire sentir : « Par manque de navires, explique L’Intelligent, les entreprises qui opèrent sur les deux plateformes portuaires d’Abidjan et de San Pedro sont sur le point de plier bagages. Certaines l’ont déjà fait. D’autres sont en observations, mais pas pour longtemps. » De plus, les stocks de carburant s’épuisent, poursuit le journal. « Les jours prochains, affirme L’Intelligent, ne sont pas garantis pour les automobilistes… »
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