L’ancien bras droit de Julian Assange règle ses comptes avec WikiLeaks

Par Pascal Thibaut – RFI

L’informaticien Daniel Domscheit-Berg a travaillé trois ans aux côtés de Julian Assange jusqu’à sa rupture en septembre dernier avec le fondateur de la plateforme WikiLeaks. Celui qui se présente comme l’ancien numéro deux du site web consacré aux fuites d’informations confidentielles sort un livre et s’explique sur les raisons de sa rupture avec Assange.
De notre correspondant à Berlin,

Inside WikiLeaks. Dans les coulisses du site internet le plus dangereux du monde. Le livre de Daniel Domscheit-Berg qui sort ce vendredi 11 février 2011 en Allemagne et dans une quinzaine d’autres pays va très certainement rencontrer un écho à la hauteur de celui qui accompagne depuis des semaines le site de Julien Assange. Le livre de l’informaticien allemand qui avait rencontré le fondateur de WikiLeaks en 2007 avant de travailler étroitement avec lui est le premier parmi d’autres ouvrages récemment parus à avoir été écrit (avec une journaliste) par un proche de Assange.

Inside WikiLeaks est en quelque sorte le résultat d’une passion déçue. Lors de la présentation du livre jeudi matin, prise d’assaut par la presse, il était visible que Daniel Domscheit-Berg reste partagé entre son admiration pour Julian Assange et ses critiques contre les dérives autocratiques du fondateur de WikiLeaks. « Je crois que nous avons vécu tous les deux ensemble les plus belles années de notre vie (…) Julian Assange était mon meilleur ami », écrit Daniel Domscheit-Berg qui dresse le portrait d’un homme brillant voire génial. La fascination exercée par l’Australien sur le jeune informaticien allemand est évidente.

Une amitié « distante »

Les deux hommes se rencontrent à Berlin fin 2007 lors d’un congrès du Chaos Computer Club. Rapidement, ils vont travailler main dans la main. Daniel Domscheit-Berg apporte à WikiLeaks un savoir faire technique dont la plateforme manquait. Il est le porte-parole du site en Allemagne d’où proviennent d’ailleurs via une fondation la plupart des financements du projet.

Les 300 pages de l’insider Daniel Domscheit-Berg livrent des détails révélateurs sur la personnalité d’Assange ; certains sont connus, d’autres nouveaux mais triviaux : la relation « distante » du fondateur de WikiLeaks avec l’hygiène corporelle ou encore les mauvais traitements infligés au chat de Domscheit-Berg, l’animal se remettant aujourd’hui de sa psychose. La relation très proche des deux hommes – Assange habite deux mois à Wiesbaden par exemple chez son collaborateur allemand – soude leur relation mais cristallise également leurs différences. Daniel Domscheit-Berg évoque les moqueries d’Assange contre les pantalons bien repassés de l’Allemand ou son souci d’aérer de temps en temps la pièce où des férus d’informatique vivent comme des zombies rivés à leurs ordinateurs.

A l’arrivée, les deux hommes vont prendre leurs distances sur des questions de fond. Daniel Domscheit-Berg est choqué de voir que dans des documents confidentiels sur l’Afghanistan des noms ne sont pas anonymisés ; il se fait régulièrement remettre en place par Assange dès qu’il souhaite des éclaircissements sur les finances de WikiLeaks qu’ils jugent non transparentes. Enfin, Domscheit-Berg rompt estimant qu’Assange trahit un projet dont les objectifs lui tiennent toujours à cœur mais qu’il juge dévoyés par l’autoritarisme d’un responsable paranoïaque prenant seul ses décisions.

Reuters/Thomas Peter

OpenLeaks ou WikiLeaks ?

Au règlement de comptes de Daniel Domscheit-Berg fait écho la contre-attaque de Assange. Des avocats du fondateur de WikiLeaks ont annoncé jeudi à Londres avoir porté plainte contre l’ancien numéro deux du projet. Ils reprochent à l’auteur de Inside WikiLeaks d’avoir déformé les faits en exagérant son rôle et remettent même en doute ses compétences d’informaticien. Daniel Domscheit-Berg se voit aussi reproché d’avoir subtilisé des documents du site internet. Ce dernier le reconnait mais affirme l’avoir fait pour les mettre en sécurité reprochant à WikiLeaks son laxisme en matière de confidentialité. Daniel Domscheit-Berg se dit près à les rétrocéder dès lors qu’une plus grande sécurité informatique sera garantie.

Daniel Domscheit-Berg a certes rompu avec WikiLeaks mais pas avec les idéaux du projet. Il a lui même lancé une plateforme alternative OpenLeaks. Contrairement à son prédécesseur, ce nouveau site ne publiera pas directement sur internet mais jouera uniquement un rôle de boîte aux lettres, permettant à des partenaires de recevoir des informations confidentielles de la part de sources anonymes. Daniel Domscheit-Berg veut tirer les leçons des erreurs qu’il reproche à Julian Assange. Son projet se veut financièrement transparent. Il doit être basé sur une structure organisée et prendre ses décisions selon des procédures démocratiques.

Commentaires Facebook