Par Reuters
Coupures d’électricité, pénurie de médicaments et de gaz de ville, distributeurs d’argent vides, ordures ménagères qui s’amoncellent dans les rues: la Côte d’Ivoire n’est désormais plus épargnée par les problèmes qu’elle observait jusque-là chez ses voisins.
L’impasse politique dans laquelle se trouve le pays depuis le second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre l’a progressivement plongé dans une crise économique.
« Les affaires vont mal. Plus personne n’a d’argent pour faire réparer sa voiture », confie Lamine Sylla, un mécanicien d’Abidjan de 70 ans. « On est dans une situation difficile. A l’heure où je vous parle, nous n’avons aucun espoir. »
Le président sortant, Laurent Gbagbo, refuse de céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara, dont la victoire a été déclarée par la commission électorale indépendante, validée par les Nations unies, mais rejetée par le Conseil constitutionnel ivoirien dirigé par un proche de Gbagbo.
Tout espoir, à l’occasion de ce scrutin présidentiel, de tourner la page de plusieurs années de stagnation et de faire de nouveau de la Côte d’Ivoire le fer de lance économique de la région s’est évanoui.
Les pays donateurs ont suspendu les mesures d’allégement de la dette du pays et les pays occidentaux ont imposé des sanctions à Laurent Gbagbo et ses proches. La banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a coupé les liens avec le gouvernement du chef de l’Etat sortant.
Laurent Gbagbo a riposté en réquisitionnant les locaux d’agences locales de la BCEAO, contraignant la banque à cesser ses opérations. Conséquences, de nombreux distributeurs d’argent sont vides et les banques ont dû imposer des limites au montant autorisé de retraits.
Les sanctions tout comme l’embargo imposé sur les exportations ivoiriennes de cacao, décidé par Ouattara pour couper les vivres à Gbagbo, ont atteint le secteur de plein fouet. « L’impact de la crise sur le commerce est catastrophique », estime un commerçant, Fidele Sacre. « Nous n’avons plus aucun client. »
Les gratte-ciel, les routes bordées de palmiers, les stations balnéaires qui ont permis à la métropole ivoirienne de soutenir la comparaison avec des villes européennes sont toujours là.
Mais le mauvais état des routes, les murs défraîchis et la façade des hôtels le sont aussi pour rappeler la décennie de crise économique qui a suivi la guerre civile de 2002-2003.
Personne n’est en mesure de dire à quel point les sanctions et la crise financière vont aggraver la situation, mais les premiers signes sont peu encourageants.
« Auparavant, je vendais dix téléphones portables par jour », explique Kadidiatou Sanoussi dans sa boutique d’Abidjan. « Maintenant, j’ai du mal à en vendre ne serait-ce que trois. »
La Société nationale d’opérations pétrolières (PETROCI) a indiqué à Reuters en janvier que les sanctions de l’Union européenne pourraient conduire à la fermeture d’ici quelques mois de sa raffinerie d’une capacité de 80.000 barils par jour.
L’entreprise devrait ne plus être en mesure de fournir de gaz dans les jours qui viennent. « Je donne encore une semaine avant que le gaz ne vienne à manquer, et alors tout le monde sera dans une situation difficile », prédit Désiré Kouadio, responsable d’une entreprise d’approvisionnement en gaz.
« Tout le monde va devoir se tourner vers le charbon qui est cher et endommage nos forêts. »
Les autorités médicales ont annoncé que les pharmacies n’avaient plus les moyens de renouveler leur stock de médicaments en raison du manque de liquidités.
Selon l’agence de presse de l’Onu, Irin, ces problèmes d’approvisionnement rendent difficile l’accès aux traitements antirétroviraux pour les patients atteints du sida.
« Les sanctions de l’Union européenne affectent les importations, un grand nombre de cargos de marchandises étant européens », souligne un haut responsable de banque, sous le sceau de l’anonymat.
Par Reuters
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