Blaise & Gbagbo : retour à la case hostilité
L’Observateur Paalga
« Compaoré, ici c’est chez nous. Nous ne voulons pas de ta médiation, reste au Burkina ». Le message est on ne peut plus clair. Alors que les experts devaient arriver le lendemain dimanche 6 février 2011 à Abidjan, Charles Blé Goudé
Le leader des jeunes patriotes, a organisé un grand jamboree samedi dans la capitale économique ivoirienne pour dénoncer la présence du président du Faso dans le panel des cinq chefs d’Etat choisis lors du récent sommet de l’Union africaine (UA) à Addis Abeba pour trouver une issue négociée à la crise. A côté du locataire du Palais de Kosyam, on trouve, rappelons-le, le Sud-africain Jacob Zuma (réputé proche de Gbagbo), le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, le Tanzanien Jakaya Kikweté et le Tchadien Idriss Deby.
Facilitateur des pourparlers inter-ivoiriens entre début 2007 et le second tour de la présidentielle du 28 novembre, Blaise n’est donc plus en odeur de sainteté au bord de la lagune Ebrié où il est considéré comme le valet local de l’impérialisme français.
Les relations entre lui et Laurent Gbagbo se sont à nouveau dégradées à la faveur du coup d’Etat électoral perpétré par le locataire de la résidence présidentielle de Cocody. Autant Gbagbo accuse Blaise d’avoir partie liée avec ses adversaires, autant Blaise est particulièrement remonté depuis que son homologue est entré en laboratoire pour opérer son hold -up électoral et a refusé de le prendre au téléphone à plusieurs reprises.
Le premier magistrat burkinabè, comme tant d’autres de ses pairs, est en effet aligné sur la position de l’UEMOA, de la CEDEAO, de l’UA et de la Communauté internationale qui reconnaît Alassane Dramane Ouattara, le président démocratiquement élu de Côte d’Ivoire. Il est en outre perçu à côté du Nigerian Goodluk Jonathan comme l’un des principaux boutefeux qui prônent l’utilisation de la force militaire pour venir à bout de l’usurpateur.
Pour Abidjan, cette attitude sonne comme un éclaircissement, l’enfant terrible de Ziniaré ayant été perçu comme le parrain des rebelles et un soutien d’ADO. Faute de n’avoir pas pu installer en 2002 “ses hommes” après l’éclatement de la rébellion, il ne voudrait pas rater le coach cette fois-ci.
Retour donc à la case départ ou du moins à la case hostilité pour deux personnalités dont les relations n’ont toujours pas été aussi simples. Tant que Gbagbo était dans l’opposition, c’était, en effet, le parfait amour, le flirt quasi-fusionnel qui a vite fait de se transformer en hostilité quand le fils de Mama a surfé sur la vague houleuse de l’ivoirité (inventé par Henri Konan Bédié) pour arriver au sommet de l’Etat.
Entre l’intellectuel et opposant historique qui a roulé le général Robert Gueï dans la farine pour parvenir à ses fins et le militaire perçu comme le « bandit chef » de la sous-région, plus rien ne sera comme avant.
Le paroxysme de l’inimitié remontant à début 2003 quand Blaise Compaoré, furieux de ce que ses compatriotes vivant au pays d’Houphouët étaient les souffre-douleurs de certains Ivoiriens, promettait la Cour pénale internationale à celui qui était devenu son ennemi déclaré.
Et si après avoir tout essayé pour sortir de la crise sans jamais trouver le meilleur remède Laurent Koudou Gbagbo a fini par s’en remettre à Blaise Compaoré, c’était plus par pragmatisme que pour autre chose.
Car qui mieux que celui qui a donné « le gîte et le couvert » aux croquants du Nord pouvait leur faire entendre raison ? Ne dit-on pas que la meilleure façon de protéger son bien est de le confier au voleur ?
Et de fait le facilitateur arracha l’Accord politique de Ouaga en mars 2007 avant de conduire son projet (la tenue d’une présidentielle ouverte et transparente) à terme au prix de mille et un coup d’arrêt tant le mur de méfiance et de défiance qui séparait les différentes parties n’a jamais pu être complètement brisé.
Dès le début de sa mission, les plus sceptiques se demandaient d’ailleurs si Blaise Compaoré, qui voulait se racheter une conduite et redorer tant soit peu son image ternie d’agresseur, n’allait pas à son tour se faire rouler dans la farine par le boulanger pâtissier de Cocody.
La fin calamineuse du processus électoral semble leur donner raison puisque voici à nouveau l’Eburnie engluée dans une nouvelle crise que les panelistes de luxe de l’Union Africaine auront sans doute des difficultés à dénouer. Le fait que l’un des membres soit déjà indésirable, à tort ou à raison, ne sera pas le moindre obstacle alors que le quintette panafricain a, jusqu’à fin février, pour trouver un accord.
Certes la position affichée samedi par le « général » Blé Goudé n’est peut-être pas la voie officielle du Palais mais il n’est pas interdit de penser qu’il est la bouche de l’âne.
N’oublions pas qu’il a été bombardé ministre de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et qu’il avait à ses côtés, à la Place de la République, une certaine Simone Gbagbo présentée comme le véritable homme fort du Gbagboland. Au fait, n’était-ce pas la même qui confiait il y a quelques années de cela quand la polémique sur la nationalité d’ADO faisait rage qu’elle préférait avoir un Vietnamien plutôt qu’un Burkinabè à la télévision de la Côte d’Ivoire ?
Dans tous les cas, quelle que soit la composition du panel, que Blaise Compaoré soit le principal communicateur ou le modérateur, les résultats de cette médiation sont connus d’avance comme les initiatives précédentes parce qu’on ne voit pas comment ces cinq chefs d’Etat pourront en si peu de temps trouver un dénominateur commun qui satisfasse les deux parties, quand on sait que pour Laurent Gbagbo, tout est négociable sauf son fauteuil pendant que Alassane Dramane Ouattara pose comme préalable son départ pur et simple.
Adama Ouédraogo Damiss
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