Littérature / La conservation du pouvoir politique – Comment les successeurs d’Houphouët ont confisqué le pouvoir d’Etat

L’intelligent d’Abidjan

Au moment où nous mettions ces passages sur feuilles, Laurent Gbagbo n’est que président d’une partie de la Côte d’Ivoire, dixit Mamadou Fofana auteur d’un essai politique: «La conservation du pouvoir», paru en 2009 aux Editions La Bruyère, à Paris.
Il ne s’agit pas pour lui de s’attarder sur la prise du pouvoir. Mamadou Fofana trouve nécessaire d’orienter son exposé sur la conservation du pouvoir en Côte d’Ivoire, pays d’où il est originaire. Se voulant «objectif» dans l’intérêt de conseiller une «nouvelle génération d’hommes politiciens qui font surface», l’auteur analyse «comment la conservation du pouvoir a pu se faire», de Félix Houphouët-Boigny à Laurent Gbagbo en passant par Henri Konan Bédié et le Général Robert Guéi.
Son analyse, il la fonde sur cinq (5) principes qui ont permis à Houphouët-Boigny de conserver son pouvoir. Ce sont : le charisme, l’anéantissement des partis politiques, la politique du développement basée sur la géopolitique et la facilité d’adaptation aux situations nouvelles. Sur la base de ces principes, Mamadou Fofana commente le style de conservation du pouvoir par les dirigeants après Houphouët. Mais, fait évocateur, l’auteur relève que la division du pays (la Côte d’Ivoire) « est une réalité déjà en 1960 »…
Dans un environnement de parti unique (PDCI – parti Etat) « où il [Houphouët-Boigny] se fait demi urge », pour asseoir son pouvoir, après anéantissement de ses opposants, Félix Houphouët-Boigny mettra en marche – décrit l’auteur – la machine répressive de l’Etat. Quand bien même, il s’élève contre la guerre et la répression dans le monde, c’est bien «par la répression et l’intimidation», qu’il va ‘’clouer le bec’’ à ses opposants. Houphouët aura une longévité politique malgré les influences internes et externes.
Si Bédié accède au pouvoir d’Etat, légalement, du fait de l’article 11 de la Constitution ivoirienne, ce ne sera pas le cas pour le Général Guéi Robert qui dépose Bédié, à la suite d’un coup de force militaire. Pour Mamadou Fofana, l’histoire va donner tord à Bédié qui « n’aura pas la chance qu’a eu Houphouët ». Parce qu’ayant en face des adversaires (politiques) d’une même génération (ou presque). Jouant sur les atouts et faiblesses des uns et des autres, ceux-ci marquent l’échec pour Bédié de leur anéantissement politique. Pas tendre avec le sphinx de Daoukro (Bédié), Mamadou Fofana relève par ailleurs le « manque d’opportunité politique » de Bédié, deuxième Président de la République de la Côte d’Ivoire. Chez Bédié, l’auteur Fofana déplore sa lutte « personnelle et personnifiée qui a permis à ADO d’être sur la liste des politiciens ivoiriens». Aussi, « choisir de combattre Ouattara – précédé d’une bonne moralité, d’une bonne publicité et au-delà d’une bonne gestion économique et financière des affaires d’Etat – était tout simplement suicidaire ». Mais, les erreurs des uns feront le succès de l’adversaire politique qui « arrache ce qu’il guettait : le pouvoir d’Etat ». Quand vient le coup de force militaire avec Guéi Robert, Mamadou Fofana décrit un tableau triste de la scène politique en Côte d’Ivoire «où l’autocratie était reine dans l’arène politique ».
Doté tout comme Bédié d’un «charisme acquis», Robert Guéi qu’il qualifie de « quidam de la politique» n’a rien d’un homme politique. Ainsi, par « ignorance des techniques et enjeux politiques », l’homme de Kabacouma va s’entourer des «déchus et aspirants» du pouvoir «qui attendent leur heure». Cependant mal coaché tout comme Bédié [les conseillers politiques ont-ils joué leur rôle ? s’interroge l’auteur], le Général va s’éloigner de sa mission de salut public, en voulant s’accrocher au pouvoir – à la suite d’élection calamiteuse, tragique et dramatique – défriche un champ favorable pour Laurent Gbagbo qui voit son heure sonner. Sur la scène politique, Laurent Gbagbo, Président de la République, a en face de lui «des professionnels de la politique» qui, souligne Fofana, «n’étaient pas prêts à se laisser endormir». Du principe de confisquer le pouvoir, Laurent Gbagbo bute sur l’anéantissement des partis politiques significatifs. Politicien avéré, reconnaît l’auteur Fofana, Laurent Gbagbo – tout comme Bédié – fera du RDR (le parti dirigé par Alassane Ouattara) une préoccupation. « Il était obsédé à en découdre avec ADO », souligne l’auteur. Aussi fait-il remarquer que, Laurent Gbagbo accède certes au pouvoir mais il y arrive dépourvu de son charisme de chef de l’opposition car n’ayant plus la confiance de ses pairs « qui se sont sentis roulés dans la farine ». Le cas ADO, traduit Fofana, est «une pomme de discorde entre lui (Gbagbo) et la France ». Mais Laurent Gbagbo a-t-il fait le bon choix de sa politique une fois au pouvoir ? Comme choix politique, Laurent Gbagbo aurait dû, de l’avis de Fofana, tirer « la carte de l’apaisement et de l’union».
Sa première erreur, déplore-t-il, «sera de diviser au lieu de d’unir ». Des erreurs de Laurent Gbagbo, Fofana Mamadou en cite cinq (5). Deuxième erreur, du point de vue de Fofana Mamadou, Laurent Gbagbo s’est rendu coupable d’un silence profitant d’une «situation qui lui était favorable ». Parce que, soutient-il, « conscient du fait que la constitution dont il se prévaut est truffée d’irrégularités, donc ne garantissant pas la cohésion sociale, il se tait… Trop de frustractions, de contradictions mènent ipso facto vers la guerre civile et elle arriva». Troisième erreur, la haine et le mépris dominant les débats, indique l’auteur. Quatrième erreur, Fofana parle du non respect du protocole. «Gbagbo a pris le contre sens », constate-t-il. Enfin, Fofana Mamadou déplore chez Laurent Gbagbo, la non différenciation entre le Président de la République et le Président de parti. En conséquence, pour l’auteur, le terrain sur lequel sont attendus aujourd’hui, les hommes politiques et les socio-politiques, c’est celui de l’audace, le débat politique dominé par la géo politique. «Aujourd’hui, la conservation du pouvoir politique doit se faire par le mérite et l’audace qu’aura le détenteur du pouvoir à y rester».
Koné Saydoo

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