Loic Baudoin
À l’incitation d’un ami, militant engagé depuis de longues années dans le combat anti-impérialiste, j’ai rencontré, il y a peu, David Lasme. Je présume que ce nom ne dit rien à quiconque car il faut être un habitué de France 24 pour avoir eu une chance d’entendre ce jeune Ivoirien qui représente en France « La majorité présidentielle », le front électoral qui soutenait la candidature de Laurent Gbagbo, et les Jeunes patriotes, la grande organisation des militants nationalistes de Côte d’Ivoire. Je lui ai posé diverses questions sur la situation réelle dans son pays et ses réponse n’ont pas été sans me surprendre. Qu’on en juge !
Christian Bouchet : Que s’est-il passé lors des élections présidentielles en Côte d’Ivoire et que réclamez vous ?
David Lasme : Pour faire simple, il y a eu dans le Nord du pays, une région qui est totalement contrôlée par les partisans d’Alassane Ouattara, de nombreux cas de fraudes (participation supérieure à 100 % !, violence contre des électeurs, procès verbaux fictifs) qui ont eu pour cause que le Conseil constitutionnel ivoirien a été amené à déclarer nuls les procès-verbaux de sept circonscriptions électorales avant de proclamer élu Laurent Gbagbo.
Alassane Ouattara a, en revendiquant à son avantage ces résultats annulés, déclaré de son côté, avec le soutien de la plupart des pays occidentaux, les États-Unis en tête, que c’était lui qui avait obtenu la majorité et qu’il était donc le président élu.
La contestation des résultats électoraux n’est pas une chose rare en démocratie. Nous demandons donc qu’on applique à la Côte d’Ivoire la règle démocratique et non pas que la prétendu « communauté internationale » décide à notre place qui est notre président. S’il y a contestation du résultat, les suffrages doivent être recomptés par des observateurs indépendants. De même, les résultats manifestement frauduleux doivent être annulés. Ce n’est pas des exigences exorbitantes puisqu’on vient d’en faire usage à Haïti, et qu’aux Etats-Unis même on a recompté les voix en Floride lors de la présidentielle de 2000.
Christian Bouchet : Certains africanistes français expliquent le résultat de votre présidentielle par le fait tribal et nous affirment que Alassane Ouattara ne pouvait que gagner car il était le candidat de la coalition ethnique la plus importante. Qu’en pensez-vous ?
David Lasme : Je pense que c’est une vision d’occidentaux qui ne connaissent rien au terrain. En fait, ce sont les partisans de Ouattara qui font circuler la thèse du fait tribal en Côte d’Ivoire afin de donner une rationalité ethnique à sa prétendue victoire électorale.
En réalité, il y a soixante-et-une ethnies différentes dans notre pays et ce morcellement extrême a une double conséquence en terme électoral : aucune ethnie ne peut l’emporter sur les autres en passant par les urnes et leur trop grand nombre les empêche de former des coalitions électorales stables et efficientes.
Mais plus que cela encore, les nombreux mariages inter-ethniques font que l’appartenance tribale est de moins en moins importante. Dans le même temps, est apparu un véritable nationalisme ivoirien qui transcende les clivages tribaux. Son développement doit beaucoup à l’action de l’organisation que je représente en France : les Jeunes patriotes.
Christian Bouchet : Quelles sont les références idéologiques de ce mouvement ? Est-il inspiré par de grands penseurs africains ? Par Kwame Nkrumah peut-être ?
David Lasme : Absolument pas. Vous savez, nous sommes tous issus de lycées où nous avons suivi les mêmes études qu’en France.
L’inspiration de notre nationalisme nous vient de votre pays, l’avons prise dans le nationalisme des sans-culottes de 1793 et des communards de 1871, dans Louise Michel et dans Victor Hugo.
Christian Bouchet : Je comprends. Par contre, vous êtes bien l’organisation de jeunesse du Front populaire ivoirien ?
David Lasme : Pas exactement. Les partisans de Laurent Gbagbo sont regroupés dans trois structures : La majorité présidentielle, le Front populaire ivoirien et les Jeunes patriotes ivoiriens.
Si la première est un front électoral large, qui a réuni tous ceux qui souhaitaient la victoire de notre président, le Front populaire ivoirien est un parti socialiste et nationaliste qui défend l’identité ivoirienne et l’idée de préférence nationale. Les Jeunes patriotes ivoiriens quant à eux sont une mouvance ayant une démarche purement nationaliste et révolutionnaire qui permet à la jeunesse ivoirienne de manifester son amour de sa patrie.
Christian Bouchet : Identité et préférence nationale… bigre, voici des mots qui suscitent bien des polémiques en France…
David Lasme : Il n’en suscitent aucune en Côte d’Ivoire. L’identité nationale c’est pour nous l’ivoirité, une notion que l’on pourrait résumer ainsi : la préférence nationale pour les Ivoiriens de souche.
Christian Bouchet : Uniquement de souche ?
David Lasme : Oui, en Côte d’Ivoire on applique la loi du sang. La loi du sol, qui était un legs de la France, a été abolie chez nous en 1972.
Il y a beaucoup trop d’immigrés dans notre pays, de l’ordre de 25 à 30 % de la population totale. Il serait injuste pour nos concitoyens que ces étrangers aient les même droits et bénéficient des mêmes avantages que les nationaux ivoiriens.
Christian Bouchet : Vous savez que les thèmes de l’identité, de la préférence nationale et de l’opposition à l’immigration sont défendues en France par Jean-Marie Le Pen et le Front national. Cela ne vous perturbe pas ?
David Lasme : Je ne comprends pas pourquoi cela devrait me perturber. Il est évident que le nationalisme ivoirien de Laurent Gbagbo et le nationalisme français de Jean-Marie Le Pen sont d’une certaine mesure parallèles. Tous les deux s’opposent aux lobbies et aux flux migratoires, tous les deux affirment l’intangibilité des frontières, tous les deux sont en faveur d’une nation libre, juste et égalitaire.
De plus, le fait que Jean-Marie Le Pen ait clairement refusé de prendre parti pour Alassane Ouattara lors de ses vœux à la presse, début janvier, a été très apprécié tant à Abidjan que dans la communauté ivoirienne résidant en France.
Celle-ci est forte de 80.000 membres, dont 30.000 sont des binationaux donc des électeurs français. En tant que dirigeant des Jeunes patriotes je leur conseillerai, lors des prochaines élections, de voter pour le Front national, le seul parti qui n’ait pas pris parti contre nous.
Christian Bouchet : Justement, comment expliquez-vous que la quasi-totalité du monde politique français soutienne Alassane Ouattara ?
Les seules personnalités du monde politique qui nous soutiennent sont celles qui ne sont pas liées aux multinationales. Cela se comprend très bien par le financement occulte des partis politiques. Ils ne vont quand même pas mordre la main de ceux qui les nourrissent : les multinationales et le grand patronat qui sont derrière Ouattara. N’oubliez pas que celui-ci est un ami personnel de Bouygue, de Bolloré, de Sarkozy, etc.
Christian Bouchet : Quels sont donc les intérêts des multinationales en Côte d’Ivoire ?
Tout d’abord, et c’est sans doute le point principal, il y a le contrôle des nouveaux gisements de pétrole off-shore qui ont été découverts récemment. Laurent Gbagbo prévoyait de signer des contrats avec les russes de Lukoï. On sait qu’Alassane Ouattara lui avait l’intention de favoriser les pétroliers américains.
Mais il n’y a pas que le pétrole, il y a aussi les nombreuses autres ressources de mon pays que le nationalisme et le socialisme du président Laurent Gbagbo ne permettait pas aux multinationales de piller comme elles l’entendaient ainsi qu’elles le font dans la plupart des pays d’Afrique.
Il faut bien voir que ces multinationales, avec l’aide des institutions monétaires internationales, dont le FMI pour lequel Alassane Ouattara a longtemps travaillé, pillent les pays du tiers monde et empêchent ceux-ci d’accéder aux conditions permettant leur développement. Elles créent ainsi les condition d’un exil des jeunes, d’une émigration en masse vers l’Europe. Et elles gagnent sur les deux tableaux, car une fois en Europe ces immigrés en augmentant le chômage font baisser les salaires donc accroissent le bénéfices de leurs succursales locales…
Christian Bouchet : Une dernière question, que se passera-t-il si les instances internationales tentent d’imposer par la force Alassane Ouattara à la tête de votre pays ?
Ce sera la guerre civile et nous entrerons en résistance.
Cet article a été publié dans le n° 58 de Flash magazine.
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