A mon Général Charles Blé GOUDE
Général, cela fait plusieurs années que nous ne nous sommes plus revus et cela n’empêche que je continue de prendre tes nouvelles à travers les médias.
Celles que je reçois actuellement ne sont pas des plus rassurantes et permet-moi Général d’être inquiet.
J’ai appris dans un article de Jeune Afrique que tu fais désormais partie du Cabinet qui se réunit quotidiennement et décide des grandes lignes dans cette crise post-électorale.
Ce cabinet qui décide de l’utilisation ou non de milices et mercenaires libériens qui sèment la désolation parmi nos populations.
Ce cabinet qui détruit à petit feu notre système économique et qui nous ridiculise davantage aux yeux du monde.
En somme, un Cabinet qui coule progressivement notre pays.
Quel parcours mon général ! De défenseur de la République aux premières heures de la crise de 2002, tu te retrouves désormais à la désintégrer. Tu deviens le bourreau de la population que tu ne cessais de prétendre défendre.
Peu importe ce que disent les gens, je garde de toi l’image du chef lucide, bourré d’un talent politique et stratégique hors pair, que j’ai pris plaisir à servir durant mon rapide passage à la FESCI.
Raison pour laquelle, ton soldat que j’étais, n’a nullement hésité à te suivre quand tu es rentré de Manchester en 2002 pour défendre le pays contre la rébellion.
Oui, General, nous nous sommes battus contre cette rébellion car il ne fallait pas encourager la voie des armes dans une Afrique qui n’aura son salut qu’à travers la démocratie.
J’ai souvent eu des doutes sur la nature du combat surtout lorsque tu es resté silencieux pendant la crise des déchets toxiques. Ce scandale qui a fait des victimes parmi nos compatriotes. Et encore surprenant, c’est toi et un groupe de camarades qui êtes allés installer Marcel Gossio au Port lorsqu’il avait été suspendu.
Il me faut certainement affiner ma conception du patriotisme mais je doute que ce soit se ranger du coté des plus forts. Nous étions comme tu le disais, en guerre, et te sachant stratège, je me suis imaginé que cela correspondait encore à un plan. Sacré Général !
Jusqu’alors, je n’aurais laissé personne te médire, ni te faire endosser la responsabilité des escadrons de la mort dans la partie républicaine de notre pays. Là où force devait rester à la loi et non les exécutions extrajudiciaires.
Mais là, tu vois Général ? C’est différent car des élections ont eu lieu et le peuple souverain de Côte d’Ivoire a élu Alassane. Et tout ce qui se fait sans son accord ou contre lui désormais, constitue une rébellion.
Je te sais très intelligent – On n’arrive pas où tu es par hasard – et il m’est difficile de croire que tu n’aies su négocier ce passage de notre histoire.
Tu sais bien que le suffrage du peuple confère à toute personne une onction à laquelle aucune arme ne peut venir à bout.
Quitter Gbagbo et faire allégeance au Président Ouattara, t’aurai grandi et fait rentrer dans l’histoire mais tu as choisi désormais de défendre le faux. De servir des intérêts personnels face à ton peuple qui subit au quotidien les affres de la vie. Et dont l’avenir parait de moins en moins certain.
Te souviens-tu Général en 2000 quand avec Martial, nous avons décidé de soutenir Robert Guéï face à Gbagbo ? Envers et contre tous nos camarades ? Notre avancions que Gbagbo n’était pas encore apte à diriger la Côte d’Ivoire. Vous ne nous l’aviez jamais pardonné mais nous nous sommes retrouvés dans la rue à défendre sa victoire face aux militaires qui voulait la lui spolier. Te souviens-tu nous avoir qualifiés de vrais patriotes ce jour là ?
Malgré que notre crainte se soit révélée fondée, nous sommes encore repartis dans la rue pour le défendre dès 2002.
A moins de me tromper, c’est ça la conception du patriotisme pour moi.
Crois-moi Général, ce n’est point évident pour moi de me retrouver dans un camp autre que le tien aujourd’hui. A qui la faute ?
Je suis sûr qu’on aurait pu éviter cette situation.
Te souviens-tu General quand tu invitais Wattao dans ton village ou lorsque vous écumiez ensemble les bars et maquis de la capitale ? Ou encore quand tu appelais Soro mon frère depuis les APO ?
Eh bien Général ! Les Ivoiriens dans leur majorité ont adhéré à cet esprit et n’avaient jamais été aussi heureux de retrouver leurs frères et sœurs que la politique avait séparé. Nous avons eu cette chance inouïe d’oublier ce récent passé douloureux pour songer à un nouveau vivre ensemble. Cet élan m’a également poussé à repartir vers les autres. Et les personnes qui partagent désormais mon quotidien proviennent de partout. RDR, PDCI, FPI et même mon nouveau meilleur ami a été soldat des FN.
Ces personnes sont loin d’être des monstres. Ce sont tout simplement des personnes comme toi et moi qui aspirent à vivre avec les autres dans la paix et l’amour du prochain. Et qui se battent tout naturellement afin que leurs droits soient respectés. Comme tout être humain !
La Côte d’Ivoire, celle qui gagne était de retour.
Et je sais que tu le sais. L’histoire n’est pas toujours juste mais, ainsi sont faites les choses car tu voyais Laurent Gbagbo gagner ces élections. Seulement le peuple a décidé autrement.
Alassane est peut être le candidat de l’étranger. Peut être Mossi mais le peuple lui a accordé sa confiance. Et un démocrate ne discute pas le choix du peuple. Qu’il se trompe ou pas, cela fait partie du jeu démocratique.
Général, tu peux encore tout arrêter. Ce pays nous a énormément démontré combien était-il prêt à tout pardonner pour aller de l’avant. Si les Ivoiriens ont pu accepter de servir sous Soro et accueillir Wattao malgré leur passé de rebelles, il n’y aucune raison qu’on ne se souvienne pas de toi et d’un certain appel lancé le 02 d’octobre 2002.
Un Général, ça sait quand la bataille est perdue et ça ne conduit pas ses troupes à l’abattoir et tu dois penser à tout ton entourage. Tous ces jeunes que tu conduis aujourd’hui dans une voie sans issue.
Et si sincèrement, tu penses que tu es allé trop loin, acceptes comme un homme de te sacrifier pour la Côte d’Ivoire. Pas contre elle.
Puisse Dieu te guider dans cet ultime choix !
Arsène Sicailly
Alias Ars la Pagaille
Genève/ Suisse
guilsonas@hotmail.com
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