Yannick Van der Schueren | Tribune de Genève
Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien, était hier à Genève pour dénoncer le climat de terreur qui règne à Abidjan
«Tous ceux qui contestent le pouvoir de Laurent Gbagbo sont éliminés. Tous les jours, des Ivoiriens sont tués, torturés ou violés. Un dernier bilan faisait état de 273 morts il y a trois jours.» Ces propos sont ceux de Venance Konan, écrivain et journaliste ivoirien indépendant, venu hier au Club suisse de la presse à Genève, pour dénoncer le climat de terreur qui règne à Abidjan. L’occasion aussi pour lui de présenter son dernier livre, Chroniques afro-sarcastiques, qui retrace avec humour et dérision les cinquante ans de pseudo-indépendance du continent africain.
Le «journaliste le plus doué de sa génération», selon le magazine Jeune Afrique, a dû quitter la Côte d’Ivoire en catastrophe. A la mi-janvier, ce militant des droits de l’homme a échappé de peu à la mort. Installé temporairement à Paris, il attend le départ de Gbagbo pour rentrer dans son pays natal. «Au début, on pensait que c’était l’affaire de quelques jours, que Gbagbo allait partir. Mais ça fait deux mois et il est toujours là», explique Venance Konan qui a été obligé de se cacher des semaines durant à Abidjan. Seule issue à la crise pour l’écrivain: le départ du président autoproclamé qui usurpe le pouvoir depuis décembre dernier.
«Mais la Côte d’Ivoire n’est pas la Tunisie ou l’Egypte. Quand on sort dans la rue pour manifester, on se fait tirer dessus. Les gens ont peur, ils savent de quoi Gbagbo est capable. Vous connaissez sa devise? «Mille morts à droite, mille morts à gauche, j’avance», rappelle Venance Konan. Les Ivoiriens ne peuvent pas non plus se mettre en grève. Ils n’ont rien, ils vivent au jour le jour. S’ils ne travaillent pas, ils ne mangent pas», poursuit le journaliste avant d’expliquer pourquoi l’armée ne se range pas du côté de la communauté internationale. «Il y a deux armées en Côte d’Ivoire: l’armée républicaine, qui a voté à 65% Ouattara mais qui n’a ni arme ni influence, et les milices de Gbagbo, des hommes surarmés qui font régner la terreur.»
Dans ce contexte, l’écrivain (pourtant pacifiste) ne rejette pas l’idée d’une intervention armée. «Je ne suis pas pour, mais je pense que c’est le seul moyen de déloger Gbagbo.» Les sanctions économiques? «Il trouvera toujours le moyen de les contourner.»
En attendant, Venance Konan «n’ose pas croire» qu’il est en exil. «J’espère pouvoir rentrer dans quelques semaines, mais je suis peut-être trop optimiste.»
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