Les Ivoiriens peuvent-ils abandonner totalement le franc de la Communauté financière africaine, pour battre leur propre monnaie? La Monnaie ivoirienne de résistance (Mir), défendue par les refondateurs afin d’acquérir, disent-ils, «la véritable indépendance économique» peut-elle être émise en dépit de la situation de crise que le pays traverse et son isolement politique depuis le 28 novembre 2010? Oui, estiment les défenseurs de la monnaie ivoirienne. Ils soutiennent même que les Ivoiriens sont en mesure de gérer leurs avoirs extérieurs et faire de la spéculation à la Bourse de New York, Londres et Tokyo. D’où l’idée de création d’une Banque centrale (Bcci, qui est la Banque centrale de la Côte d’Ivoire) et 3 banques nationales (Banque agricole, Banque d’investissement, et Banque de l’emploi). En fait, les refondateurs estiment que l’Uemoa est demeuré un «instrument d’oppression française en Afrique» et que la Biao, la Sgbci, et la Sib représentent les intérêts de la France. Mais qu’est-ce que banque centrale? Quel est son rôle ?
Qu’est-ce qu’une monnaie ? Et quelles sont les conditions à remplir pour battre une monnaie nationale ? Ce sont autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre. La Banque centrale est une institution mise en place par un état ou un ensemble d’Etats pour superviser la création de la monnaie, la politique monétaire et le respect des réglementations par les banques exerçant dans le pays. La Banque centrale est chargée de contrôler l’inflation pour garantir la stabilité de la monnaie. Pour arriver à cela elle peut faire varier la masse monétaire en achetant ou vendant des devises, et elle fait varier les taux de crédits. C’est la Banque centrale qui fixe le taux directeur des crédits (taux d’intérêt au jour le jour fixés par la banque centrale d’un pays ou d’une union monétaire, et qui permettent à celle-ci de réguler l’activité économique). C’est à partir de ce taux que les banques commerciales vont proposer leurs crédits immobiliers ou à la consommation.
Le rôle de la Banque centrale dans l’économie d’un pays est très important. Elle va orienter son taux directeur à la hausse ou à la baisse en fonction de l’activité économique du pays. Elle chargée par l’État (ou l’ensemble d’États) de décider d’appliquer la politique monétaire. Elle joue trois rôles: assurer l’émission de la monnaie fiduciaire (billets de banque) et contribuer à fixer ainsi les taux d’intérêt, superviser le fonctionnement des marchés financiers, assurer le respect des réglementations du risque (ratio de solvabilité) des institutions financières (en particulier des banques de dépôts) et jouer le rôle de banquier de dernier ressort en cas de crise systémique.
Selon des experts, la crédibilité d’une banque centrale met des années, parfois des décennies, avant d’être obtenue. Quant à la monnaie, elle est un instrument de paiement utilisé dans les transactions commerciales. Elle remplit trois grandes fonctions: la fonction d’intermédiaire dans les échanges, celle de réserve de valeur (capacité que possède un instrument financier de transférer du pouvoir d’achat dans le temps) et la fonction d’expression d’unité de compte pour le calcul économique ou la comptabilité. Quatre formes de monnaies existent : la monnaie métallique, la monnaie fiduciaire, la monnaie scripturale (chèques, lettre de changes) et la monnaie électronique (carte pré payée, le porte-monnaie électronique). Alors le pays d’Houphouët Boigny peut-il battre sa propre monnaie ? Pour des experts des questions financières, cela est impossible en ce moment. On ne peut pas continuer, explique un expert, de fonctionner en prenant des décisions contraires à l’intérêt général. Pour battre une monnaie, il ne suffit pas d’avoir une banque centrale. «Pour battre une monnaie, il y a une préparation qui prend plusieurs années dans tous les pays. Il faut avoir un panier de devises qui constitue l’étalon de cette monnaie nationale. Il faut aussi suffisamment de réserves de devises pour garantir la valeur de la monnaie. (…) On ne crée pas une monnaie au moment où l’économie du pays est faible et où il est isolé politiquement. On peut imaginer une coopération avec des pays asiatiques ou latino-américains. Mais, les devises doivent refléter les relations économiques commerciales avec des pays du monde. (…) On connait les principaux partenaires commerciaux de la Côte d’Ivoire. Créer une monnaie dans de telles conditions peut conduire à la catastrophe», confie un économiste de Crisis group sur Onuci- Fm.
C’est dire que la mort du franc Cfa n’est pas pour l’heure envisageable. Certes, la Côte d’Ivoire, représente à elle seule environ 40% du Pib de l’Uemoa, mais, il serait risqué de s’approprier soudainement une monnaie nationale. On s’en souvient, le Mali qui avait joué à ce jeu s’est cassé la figure et est revenu dans la zone franc. N’oublions qu’une monnaie repose sur une économie forte. La Côte d’Ivoire dont l’économie est étranglée par dix années de crise ne peut pas se permettre de battre sa monnaie. Et comme l’a souligné l’expert de Crisis group, la création d’une monnaie est tout un processus qui ne peut se faire en quelques mois. En témoigne, la monnaie unique de la Cedeao dont l’idée a été émise depuis 1983 et qui n’a jamais vu le jour.
Nimatoulaye Ba
L’Expression
Les commentaires sont fermés.