Un opérateur économique explique comment les sanctions de l’Union européenne, destiné es à éviter la guerre, détruisent les PME.
« A Bruxelles, ils disent que cela ira vite. Mais j’en doute… » Les opérateurs économiques européens en Côte-d’Ivoire font grise mine. Car les sanctions adoptées par l’Union européenne contre ceux qui commerceraient directement ou indirectement avec le camp Gbagbo, qui refuse de quitter le pouvoir après l’avoir perdu dans les urnes, pénalisent des entreprises européennes. « Gbagbo aussi, bien sûr, mais il a de la ressource… »
Ainsi, les entreprises étrangères travaillant à Abidjan paient leurs impôts à la Direction générale des impôts – restée aux mains de l’équipe Gbagbo. « Même (le Premier ministre) Guillaume Soro sait qu’il nous est impossible d’aller verser cet argent à l’hôtel du Golf », où siègent le président élu Alassane Ouattara et son gouvernement, mais qui est assiégé militairement par les forces gbagbistes, poursuit notre interlocuteur.
L’équipe Gbagbo, en théorie, devrait verser cet argent au compte du Trésor à la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, qui utilisent la même monnaie, le franc CFA, dont la parité est liée à l’euro). Mais cette équipe n’est plus reconnue par la communauté internationale depuis la défaite de Laurent Gbagbo au second tour de la présidentielle, le 28 novembre. « Je ne serais pas surpris que, par quelque artifice, les gens de Gbagbo versent ces impôts sur un compte de la BNI » (Banque nationale d’investissement), une banque d’Etat où Gbagbo a placé ses pions et qui est toujours sous son contrôle.
En outre, si les entreprises européennes et américaines se voient interdire de commercer avec une série de sociétés qui restent sous le contrôle de Gbagbo, celui-ci « peut toujours vendre à des Asiatiques », poursuit notre interlocuteur. Donc, durer.
Les opérateurs économiques européens installés à Abidjan ont contacté les autorités européennes pour avoir des précisions sur la latitude qui leur est laissée. « Dans les faits, on doit pratiquement arrêter tout commerce et l’UE ne prévoit pas de mesures compensatoires en notre faveur. Ils disent que cette guerre économique », destinée à éviter tout recours à la force armée pour faire partir le perdant des élections , « donnera des résultats assez rapidement. Mais j’en doute. Gbagbo va trouver d’autres entourloupes pour rester. On va vers l’enlisement… Or, déjà, la moitié des PME ont perdu 30 à 50% de leur chiffre d’affaires. A Pâques, elles devront fermer ».
« Et même si ça marchait », reprend notre interlocuteur. « On nous dit: dans quelques jours, les banques seront asséchées, il n’y aura plus d’argent aux guichets; et dans 15 jours, il n’y aura plus de carburant. D’accord. Et que se passera-t-il, alors? La rue va réagir, bien sûr. Mais contre qui?… »
Cet opérateur économique reconnaît qu’une guerre civile coûterait plus cher. « Mais ne vous faites pas d’illusions: le tissu économique et social est déjà en très mauvais état. Il y a une fracture terrible entre les deux camps » ennemis. « Il y a même des familles qui explosent à cause des tensions entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara – même si on sait que le Nord est, en gros, pour Ouattara, tandis que l’establishment et une partie de la rue, au Sud, sont en gros pour Gbagbo… C’est allé si loin que je suis inquiet pour l’avenir. »
MFC
Mis en ligne le 31/01/2011
La Libre
Les commentaires sont fermés.