Tunisie, Egypte : vers un effet domino au sud du Sahara?
Liberation.fr par Par Sabine Cessou
Une page d’histoire est en train de se tourner dans le monde arabe. Après la Tunisie, l’Egypte, l’Algérie, le Yémen, la Jordanie et peut-être même la Syrie… Autant de régimes confrontés à des manifestations ces derniers jours, ou s’y préparant avec appréhension. Les revendications sont claires : liberté, démocratie et perspectives d’avenir.
Les mêmes aspirations existent partout en Afrique. Mais le cyclone tunisien traversera-t-il le Sahara pour secouer d’autres pays ? Rien n’est moins sûr. En Côte d’Ivoire, les manifestants ont bien tenté de marcher sur la Radio-télévision ivoirienne (RTI), le 16 décembre, revendiquant le respect du suffrage universel. Mais les Forces de sécurité (FDS), acquises au président Laurent Gbagbo, qui refuse de quitter le pouvoir, leur ont tiré dessus à balles réelles. Dans la semaine qui a suivi, la répression a fait plus de 250 morts. Depuis, Abidjan vit dans la peur.
Il n’empêche : les manifestations égyptiennes ont de quoi faire réfléchir des présidents vissés à leurs fauteuils depuis des décennies. Eduardo Dos Santos, au pouvoir depuis 1979 en Angola, Paul Biya, au pouvoir depuis 1982 au Cameroun, Idriss Déby, au pouvoir depuis 1991 au Tchad, Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986 en Ouganda, Robert Mugabe, au pouvoir depuis 1981 au Zimbabwe… Tous ces chefs d’Etat sont candidats à leur propre succession, lors d’élections programmées pour 2011 ou 2012. Pourront-ils encore organiser des scrutins tronqués (sans opposition réelle) ou truqués, alors que la Côte d’Ivoire, la Tunisie et l’Egypte seront dans tous les esprits ?
Une grande partie de la réponse se trouve à Abidjan. Alassane Ouattara va-t-il s’adresser à son peuple et mobiliser ses troupes, au lieu d’enchaîner les interviews à la presse internationale pour réclamer une intervention ouest-africaine qui devient chaque jour plus hypothétique ? Comme le soulignent les intellectuels camerounais Achille Mbembe et Célestin Monga, on voit mal « des soldats nigérians, nigériens, gambiens, togolais ou burkinabé arpentant les quartiers d’Abidjan à la recherche de la démocratie », introuvable chez eux.
Alors que l’Egypte s’embrase, Laurent Gbagbo vient de remporter une nouvelle victoire, aujourd’hui, lors d’un sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba : un « panel » de chefs d’Etat africains inquiets et très concernés se donne tout un mois pour plancher sur la crise ivoirienne. Puis rendre un avis que l’UA espère « contraignant ». Pendant ce temps, le « boulanger » – surnom donné à Laurent Gbagbo pour son art de rouler ses adversaires dans la farine – donne en toute impunité dans la boucherie. A Abidjan, où les hôpitaux ont reçu des consignes pour ne pas soigner les blessés par balle, les civils déposent leurs blessés aux portes de la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci). Une jeune femme muette de douleur, une balle dans la cuisse, tapait ainsi le bitume du plat de la main, le 18 janvier, sous le regard d’un contingent de Casques bleus jordaniens.
*Titre J-ci.net
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