Par Rudolph Dial Rosenberger | Connectionivoirienne.net
La différence entre Rachid Ammar, chef d’Etat Major de l’armée Tunisienne et Mangou, chef d’Etat major de l’armée ivoirienne, ou la différence entre l’esprit républicain et la servilité.
Etant de nationalité autrichienne je m’intéresse depuis un moment à l’actualité ivoirienne surtout depuis que des rumeurs de charniers de fosses communes et de fours crématoires de quartiers assiégés par l’armée, circulent dans le contexte de la répression féroce des manifestations favorables au président élu. Ces développements troublent profondément la conscience de l’Autrichien que je suis. Ce d’autant plus que je suis originaire de Salzbourg, une ville pas très loin de Braunau-am-Inn, la ville qui a vu naître Hitler ! Alors que la mutation de la société tunisienne vers la démocratie semble pouvoir s’opérer grâce à l’esprit républicain du chef de l’armée tunisienne, les élections présidentielles ivoiriennes qui devaient permettre à la société ivoirienne d’opérer un changement qualitatif vers une société plurielle démocratique et ouverte ont débouché sur une crise profonde qui conduit le pays au bord de la guerre et des massacres en raison de la démission de certains chefs occupant des postes clés dans l’armée ivoirienne.
La réflexion qui suit tente donc de dégager à ce propos la différence fondamentale qui sépare l’attitude du Chef de l’Armée tunisienne le Général Rachid Ammar et celle du chef de l’armée ivoirienne, le général Philippe Mangou. Le Général Rachid Ammar est-il l’acteur clef de la de Révolution tunisienne et de la Sauvegarde de la souveraineté nationale comme le soutient Jeune Afrique dans un article de l’édition du 24 Janvier 2011 ? Le général Philippe Mangou est-il le rempart de la souveraineté nationale ivoirienne, comme le pense l’intéressé lui-même, et comme le soutiennent plusieurs journaux favorables au pouvoir ou l’acteur clef de l’agression de la Souveraineté nationale et de la régression politique en cours en Côte d’Ivoire ? De quelle manière le sont-ils l’un et l’autre ?
Concentrons notre attention sur cette phrase énoncée qui sonne à la fois comme un serment et comme une profession de foi : « Je sais qui j’étais hier et ce que je suis aujourd’hui et je le dois à Gbagbo » cf l’Intelligent d’Abidjan du 24-11-2011. Cette phrase n’est pas dite par n’importe qui, et elle n’est pas proférée n’importe où à n’importe occasion ! Elle est dite par le Chef d’Etat major de l’armée ivoirienne, le Général de corps d’Armée Philippe Mangou, lors du dernier rassemblement en date des milices et prétendus patriotes du régime du président sortant au stade champroux à Marcory à un moment où, contre le verdict de la volonté populaire après le suffrage universel, le président sortant, battu dans les urnes, manœuvre pour s’accaparer le pouvoir d’Etat ! A ce moment crucial de la vie de la nation, le Chef d’Etat major de l’armée, rempart de la Souveraineté républicaine dans l’Etat de Côte d’Ivoire, déclare publiquement et solennellement une allégeance personnelle et une fidélité sans faille à la personne particulière du président sortant battu dans les urnes en reconnaissance des avancements et avantages matériels que ce dernier lui a accordés. En fait, comment un chef d’Etat major peut-il, en un moment aussi grave de la vie de la nation, déclarer publiquement sa partialité et son allégeance personnelle à un chef d’Etat battu à la régulière dans une élection présidentielle et qui s’accroche, envers et contre tout et tous, au pouvoir au lieu de prendre publiquement parti pour le peuple souverain ? Cela m’a conduit à chercher la nature précise de cette allégeance personnelle en comparant cette attitude à celle d’un autre chef d’Etat major qui adopte une attitude radicalement différente dans un contexte similaire sous une dictature. Pour avancer dans notre recherche retraduisons la phrase du chef d’état major de l’armée ivoirienne pour en faire ressortir la spécificité terrifiante : « Gbagbo a fait de moi un Général chef de corps d’armée. Donc je lui dois tout. Il est le propriétaire exclusif de mon existence et de mon être et je dois agir exclusivement dans le sens de la protection de ses intérêts personnels dans tous les cas, quoi qu’il fasse et quoi qu’il advienne ». Voilà le sens exact de la phrase terrifiante du chef d’Etat major de l’armée ivoirienne prononcée au stade Champroux lors d’un meeting des milices sanglantes du président battu Gbagbo. Elle me fait penser à la veulerie du maréchal Keitel envers Hitler et au serment de fidélité personnelle que les généraux de l’armée allemande prêtaient à Hitler sous le 3em Reich allemand. Cette fidélité servile du général Mangou renvoie au geste décisif terrible d’un autre complice au Conseil constitutionnel du président battu ; complice qui a, lui aussi, refusé le devoir d’ingratitude et légalisé en dépit du Droit et de l’équité un hold up électoral en reconnaissance amicale au président sortant pour services rendus. Le général Philippe Mangou est reconnaissant et fidèle à une personne contre l’intérêt général et la Souveraineté de la Nation. De même, les membres et le président du conseil constitutionnel sont reconnaissants et fidèles à une personne, à Gbagbo qui a fait d’eux ce qu’ils sont. Ils ne le sont pas à la nation et à la république de Côte d’Ivoire.
Au contraire, en Tunisie, le Général Rachid Ammar est fidèle à l’Etat et à la Souveraineté de la Nation dont il est le gardien suprême. Il n’est pas fidèle au gouvernement et à son chef. Il n’existe pas entre Ben Ali et Rachid Ammar une relation de dépendance personnelle. Le général Rachid Ammar n’est pas soumis à Ben Ali qui n’a pas fait de lui ce qu’il est. Et probablement, il a dû résister aux avancements factices et tentatives d’achats de sa conscience perpétrés par Ben Ali qui en avait les moyens financiers et par son clan. Tout homme à son prix pour lequel il se vend. Mais les grandes âmes savent résister aux tentations. Il est pour le moins curieux que le chrétien fils de pasteur qu’est le général Mangou qui sait, comme il dit, que toute autorité vient de Dieu n’ait pas su résister aux tentations et au pouvoir financier et politique d’un homme qui a fait du pouvoir son fétiche et qui n’a donc aucune autorité. Cette soumission servile s’expliquerait-elle par le fait que le général Mangou pense que l’autorité républicaine vient de Dieu, qui en a investi le président sortant Gbagbo, qui l’a élu lui Mangou comme chef de l’armée Ivoirienne ? Son invocation de Dieu, d’où viendrait toute autorité, le laisse penser. Alors que le général Mangou croit que l’Autorité républicaine vient de Dieu dont le chef de l’Etat est le représentant sur terre, le Général Rachid Ammar sait que l’Autorité républicaine émane du peuple souverain dont le chef de l’Etat et le chef de l’armée ne sont que les serviteurs. En cela, dans la République, le chef de l’armée répond de sa conscience dont il est le maître absolu devant le peuple. Maître absolu de sa conscience et de sa vie devant le peuple, serviteur conscient de soi de la Nation, le Général Rachid Ammar est, en tant que chef d’Etat major, la clef absolue qui ouvre la porte de l’avenir à un moment décisif de la vie de la nation. Le Général Rachid Ammar se tient résolument au côté de la Souveraineté et du peuple, tandis que le général Mangou ferme opiniâtrement, avec obstination, la porte de l’avenir en se tenant résolument au côté des milices sanglantes du président battu dont il empêche, par cela même, la reddition . Il tombe alors dans la servilité proclamée et assumée en bandoulière. Nous souhaitons vivement, en ces heures graves pour son pays, que le général apporte un démenti à notre jugement par sa conduite dans les jours à venir pour des raisons que nous avancerons dans la suite de notre propos.
Pour revenir à notre propos, intéressons nous donc à la scénographie de la présence des deux généraux à des manifestations significatives : d’une part, celle du peuple tunisien manifestant à Tunis et d’autre part, celle du peuple ivoirien manifestant ainsi que celle des milices manifestant et se réunissant à Abidjan. La scénographie de la présence du Général Rachid Ammar auprès du peuple tunisien et des manifestants durant la Révolution de Jasmin et durant « la marche du train de la liberté » à Tunis et, d’autre part, celle de la présence du général Mangou auprès des milices du pouvoir et ensuite auprès des prétendus « patriotes » lors de leur différents meetings et manifestations , est pleine d’enseignements que nous allons tenter de faire ressortir.
Durant les manifestations qui devaient conduire à la fuite de Ben Ali, le Général Rachid se tient résolument auprès du peuple et l’armée républicaine qui protège « la population contre les tirs des milices favorables à l’ancien président » note Jeune Afrique dans son édition du Mardi 25 Janvier 2011. Jeune Afrique précise que le général « Rachid Ammar a été l’homme clé de la fin du règne de Ben Ali. Durant la marche de « la caravane de la liberté » vers Tunis, il se tient auprès des manifestants. Il sort de sa réserve et proclame que « l’armée est garante de la Révolution », relate toujours JA. Au contraire, à Abidjan avant les manifestations de soutien au président , élu lors du suffrage universel, Alassane Dramane Ouattara, et lors de la marche du peuple sur la RTI, le général Mangou sort de sa réserve pour prendre parti contre le peuple. Il proclame l’interdiction des manifestations et l’interdiction de la marche. Il prend clairement parti pour le président sortant contre le peuple. Il se tient résolument au côté des milices et cautionne le mitraillage impitoyable de la manifestation par les milices locales et étrangères recrutées par le président sortant contre son propre peuple ! Un mois plus tard il se rend à l’invitation de Blé Goudé, le chef affairiste sulfureux et orgueilleux des prétendus patriotes. A cette occasion, le général Mangou réaffirme son soutien « sans faille » « au président Laurent Gbagbo » et à une légalité constitutionnelle qui n’est rien de plus qu’une illégalité instituée masquée sous la forme de la légalité constitutionnelle républicaine. Il ajoute, pour finir, qu’il est prêt à mourir avec l’armée pour Gbagbo à la place des milices et prétendus patriotes. « Quand on vous voit ainsi, on préfère mourir à votre place » précise-t-il entouré des miliciens « parce qu’une armée n’est rien sans le soutien de son peuple ». Pour le général Mangou, le peuple est représenté par les miliciens et par la minorité des provocateurs et agitateurs prétendument patriotes. En ce sens, il faut interpréter la passivité financièrement et matériellement rétribuée en avantages divers de certains chefs de l’armée devant les exactions des miliciens et mercenaires à la solde du pouvoir agonisant de Gbagbo, comme une complicité et une solidarité entre gens du même bord. Pour Mangou, qui apparaît de ce point de vue comme un chef mercenaire, le peuple se réduit aux miliciens et à la minorité des électeurs du président battu sortant. Tandis que pour le Général Rachid Ammar, le peuple est l’ensemble multiple et divers des citoyens tunisiens qui manifestent et que répriment les miliciens à la solde du pouvoir Ben Ali ! Le général Rachid Ammar « a eu le courage de s’opposer à Ben Ali, quand le dictateur tunisien a appelé la grande muette à la rescousse pour mater l’insurrection populaire dans les villes de Kasserine, Thala et Sidi Bouzid » note Rue89. « La retenue de l’armée a évité un effroyable carnage. Fidèle à une tradition de non-ingérence dans les affaires politiques héritée de la présidence Bourguiba, elle a tenu à ne pas apparaître sur le devant de la scène. Mais c’est bien elle qui a rendu possible le départ de Ben Ali». Au contraire le Général Mangou n’a pas le courage de s’opposer au président battu dont il soutient la réélection frauduleuse par le conseil constitutionnel en retour de la reconnaissance et de la gratitude pour les avancements professionnels et financiers reçus. Il n’intervient pas pour protéger les populations lorsque les miliciens et mercenaires mitraillent les manifestants et que les escadrons de la mort enlèvent nuitamment et font disparaître des opposants. Il ne répond pas à l’appel du président élu à le rejoindre pour soutenir la légitimité établi dans les urnes par le suffrage universel, à la différence du Général Rachid Ammar qui se place clairement du côté de la transition.
Cette différence essentielle dans les attitudes est celle de la différence entre la servilité mise aux services des ambitions personnelles et des intérêts particuliers et l’esprit républicain d’un chef de l’armée mis au service des intérêts généraux du peuple et de la défense de la Souveraineté dans un Etat de droit. Ben Ali avait marginalisé l’armée au profit d’une police pléthorique à sa solde. Le Général Rachid Ammar sera limogé par Ben Ali pour avoir refusé de tirer sur le peuple puis réintégré dans ses fonctions par Mohamed Ghannouchi le 14 janvier, lors du dénouement de la crise. Gbagbo à intégré l’armée à sa machinerie de contrôle totalitaire de la société et de conservation de son pouvoir en distribuant grades et prébendes à la haute hiérarchie militaire et en propulsant le plus fidèle d’entre eux général chef de corps d’armée.
La servilité du général Mangou illustre l’abaissement des esprits, qu’une dictature féroce et sans scrupule provoque dans le corps social. Le caractère scandaleux et l’énormité de ses propos prouve deux choses : ou bien le chef d’Etat major de l’armée ivoirienne donne des gages pour protéger sa propre vie jusqu’à l’affrontement final avec des forces armées infiniment supérieures constituées par la coalition des forces armées intérieures et étrangères. S’il ne perd pas la vie lors de cet affrontement, il pourra toujours retourner sa veste en prétextant qu’il était pris en otage par les forces hostiles surarmées des milices dans un contexte où l’armée nationale elle-même a été depuis longtemps désarmée par le dictateur et ses sécurocrates attitrés ; ou bien il exprime dans cette position une véritable conviction qui traduit un véritable engagement fondé sur une allégeance personnelle du dictateur, choix exprès motivé par l’appât du gain et des avantages matériels.
Dans le premier cas, de la part d’un général de corps d’armée, le souci de protéger sa vie personnelle au détriment des principes dont il est censé être le garant suprême, sauvegarde qui intègre le sacrifice courageux de sa propre vie, traduit l’immense démotivation qui mine la hiérarchie supérieure des ultimes remparts armés de la nation par suite de l’affaissement de l’esprit républicain sous les assauts d’un pouvoir clanique distribuant prébendes et grades en récompense aux allégeances et soumissions à la personne du dictateur . Cette condamnation sans appel peut-t- elle être, néanmoins, nuancée par le fait que, sous la dictature actuelle, qui fonctionne sur le principe tribal et clanique de la responsabilité collective de sang, tous les membres de la famille de l’auteur d’une opposition frontale qui menace les assises du régime sont considérés comme fautifs par ce fait même, et donc touchés par la féroce répression qui suit, lorsque celui-ci en réchappe lui-même ? Le cas du Docteur Dacoury-Tabley illustre parfaitement cette justice tribale et clanique fondée sur le droit du sang en laquelle la culpabilité est collective et non individuelle.
Dans le second cas, la capitulation devant le devoir sacré de la protection de la Souveraineté nationale contre les caprices et l’arbitraire du prince local, traduit une insondable veulerie. La capitulation devant l’agression de l’intérêt général par ses intérêts particuliers, capitulation motivée par les avantages matériels et les récompenses financières, manifeste une vénalité sans borne. Le fait que cette capitulation d’une frange minoritaire de la haute hiérarchie de l’armée soit exclusivement motivée par des raisons financières et soit d’ordre purement vénal est, cependant, un motif d’espoir. Il prouve que des calculs pragmatiques de survie détermineront les choix finaux lors du choc de l’affrontement armée si les sanctions économiques ne parviennent pas à briser l’échine de la bête. Le choix de la survie ne sera pas à la gloire des gradés qui le feront. Cet espoir est fondé sur notre conviction que le choix désintéressé de la défense de la dictature n’est pas encore atteint dans les cercles des forces armées et des milices du pouvoir. Les milices et les prétendus patriotes le font contre espèces sonnantes et trébuchantes. Or, pour jouir des avantages matériels, il faut vivre. L’agressivité et la férocité apparentes des milices et mercenaires devant les manifestants et les populations désarmées se transformeront en couardise et s’évanouiront comme les fragiles nuées des vapeurs matinales en face des adversaires et des forces armées massives décidées à imposer le droit par la force. Le comportements des têtes brûlées de l’espèce du général Dogbo Blé Brunot sont également ceux d’individus, tenus par les liens de la solidarité tribale, qui défendent des avantages matériels personnels ainsi que la survie du clan dont ils ne seront pas tenus pour responsables en face de forces infiniment supérieures.
Si l’étouffement financier produisait ses effets et si la haute hiérarchie militaire retournait sa veste par suite de l’incapacité du dictateur à payer ses troupes cela ne constituerait guère l’avènement d’un sursaut de conscience républicaine. Cela confirmerait le triomphe de la vénalité et du mercantilisme dans la haute hiérarchie de l’armée sur l’esprit du principe républicain de la défense de la souveraineté nationale.
Cette servilité intéressée de l’armée, cette vénalité, donne l’assurance de sa défaite lors des prochaines confrontations armées. Quand viendra l’heure de rendre des comptes au peuple, les chefs de l’armée devront répondre de leur responsabilité d’avoir laissé le principe de la vénalité et du mercantilisme, le principe de l’allégeance et de la solidarité clanique et tribale pénétrer l’Armée. Le pouvoir de Ben Ali était clanique et tribal. Mais le Général Rachid Ammar a su préserver l’armée de la pénétration du principe de l’allégeance clanique et de la solidarité tribale parce que, probablement, la majorité des officiers généraux était animée par des convictions républicaines qui primaient sur toute autre considération. Au contraire, chez beaucoup d’entre les officiers supérieurs de l’armée ivoirienne, et chez le plus gradé d’entre eux, l’appât du gain et des avancements faciles en grades et la vénalité ont triomphé sur la conviction républicaine. Il n’est pas exclu de penser que le Général Rachid Ammar a dû résister à l’achat des consciences auquel certains Officiers de l’armée ivoirienne n’ont pas su résister lorsque, préparant son coup d’Etat constitutionnel et son braquage électoral, Gbagbo leur avait proposé une cascade de grades et d’avancements salariaux pour acheter leur allégeance et fidélité. Les intérêts particuliers des individus ont ici primés sur les devoirs sacrés des gardiens et des défenseurs de la Souveraineté nationale.
Terminons notre propos par un clin d’œil sur le cadre culturel traditionnel africain qui rend possible cette imposture. Ce cadre culturel est celui de la relation et de la dépendance personnelle du subordonné et de l’inférieur au chef et au supérieur hiérarchique. Cette relation culturelle spécifique qui met, au centre de toutes les structures de l’Etat la reconnaissance, la fidélité et la gratitude personnelle envers le chef, corrompt la dynamique des relations impersonnelles et bureaucratiques requise par l’Etat moderne. Quand le chef de l’Armée où le président du conseil constitutionnel le sont par la volonté expresse du chef de l’Etat, auquel ils doivent reconnaissance et gratitude irréductible à partir des impératifs moraux des coutumes, ils ne sont pas encore entrés dans la modernité républicaine qui commande d’agir selon le principe de l’autonomie juridique et morale de la personne répondant de soi devant l’autorité suprême de sa propre conscience. Cette gratitude et cette fidélité des chefs des institutions du pouvoir républicain pose le problème de la gangrène des relations personnelles qui corrompent le fonctionnement des institutions dans les républiques et Etats d’Afrique. A partir de là, en effet, des institutions et des fonctions dûment désignées comme telles n’en sont pas en fait ! Le chef d’Etat major, désigné comme tel de l’armée, n’est pas en fait un vrai chef d’Etat major au service de la nation mais véritablement le conservateur et le gardien zélé du pouvoir personnel d’un dictateur qui lui procure des rentes. L’armée n’en est pas une mais véritablement une milice ou une force désarmée soumise au contrôle impitoyable d’une milice surarmée. Le président du conseil constitutionnel n’est pas en fait un vrai président de Conseil constitutionnel mais un ami personnel du dictateur chargé de valider les trucages électoraux.
On est donc en face d’une multitude de masques grimaçants qui n’exercent aucunement la fonction qui est véritablement la leur dans un Etat de droit et qui donnent le change à une nation et à une communauté internationale flouées. Dans ce contexte d’institutions masquées et grimaçantes qui trompent tout le monde, en dehors des commanditaires, tous les dénis du droit et de la justice peuvent s’opérer. C’est dans ce contexte de fausseté institutionnelle généralisée que de prétendus patriotes, en fait « chair à canon » et agitateurs politiques en service commandé, peuvent surgir pour défendre soi-disant la Souveraineté nationale et faire barrage de leur corps à une prétendue agression internationale. C’est dans ce contexte qu’un chef d’Etat major, en réalité protecteur clanique zélé et sans état d’âme du pouvoir en place, peut autoriser la répression impitoyable des manifestations hostiles au pouvoir et prétendre défendre, au prix de sa vie, le territoire national contre l’agression extérieure de forces armées étrangères. La servilité du chef d’Etat major de l’armée ivoirienne fait ressortir l’urgence sur laquelle devra reposer la reconstruction du tissu sociale et politique de la communauté ivoirienne déchirée et brisée par la dictature.
La restauration d’une Souveraineté nationale authentique et d’un esprit républicain véritable devront constituer l’une des tâches prioritaires à laquelle l’équipe dirigeante de la nouvelle société ivoirienne à venir devra s’attacher. Le développement d’une citoyenneté centrée sur le service de l’Etat et de la Nation et épurée de l’esprit de dépendance tribal et d’allégeance personnelle au Chef devra être la gageure à relever pour que la société ivoirienne s’engage résolument dans la voie de la modernité.
Par. Rudolph-Rosenberger. Graz. Autriche
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