Sommet de l’UA: Ce qui se prépare contre Gbagbo–Ouattara à Addis-Abeba

L’Inter

La bataille des soutiens et des ennemis de chaque camp

Du dimanche 30 au lundi 31 janvier prochain se tient à Addis-Abeba, à son siège, le 16è sommet ordinaire des chefs d’Etat de l’Union Africaine. Rencontre dont les travaux préparatoires vont bon train, depuis hier, dans la capitale éthiopienne. A l’ordre du jour, les chefs d’Etat africains vont avoir à porter leur réflexion, pendant les deux jours d’assise, sur le thème  »Valeurs partagées pour une plus grande unité et intégration ». Un thème bien évocateur qui annonce de nouveaux pas vers la création des États-Unis d’Afrique au menu des discussions depuis des années. Même s’il n’est fait pas mention, la crise en Côte d’Ivoire ne sera pas occultée dans les débats à ce sommet.

Face à la presse, le vendredi dernier, à l’issue d’une audience accordée au Premier ministre kenyan Raila Odinga, médiateur de l’Union africaine dans la recherche de solution à cette crise, le président sud-africain, Jacob Zuma avait déjà donné le ton. «Nous devons trouver un moyen de vérifier les faits et, en fonction des résultats, de pouvoir avancer. Le prochain sommet de l’Union africaine (qui s’ouvre le 30 janvier à Addis-Abeba) devrait étudier la question», a eu à devancer le successeur de Thabo Mbeki, à la tête du plus puissant pays d’Afrique noire. Ainsi, la question situation en Côte d’Ivoire devrait faire l’objet d’un chapitre des discussions entre les chefs d’Etat qui vont se réunir dans les jours à venir à Addis-Abeba. La position de la plus haute institution du continent noir est attendue quant aux voix et moyens envisagés jusque-là par la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour trouver une issue à ce conflit ivoirien dont les effets se ressentent déjà au delà des frontières de ce pays phare dans la sous-région. L’option diplomatique semblant piétiner, une intervention militaire reste, pour certains chefs d’Etat, le moyen sûr pour déloger du Palais d’Abidjan, Laurent Gbagbo, proclamé président par le Conseil Constitutionnel de Côte d’Ivoire. Et cela, afin d’installer son rival Alassane Ouattara déclaré victorieux de la présidentielle du 28 novembre dernier par la Commission électorale indépendante (CEI), avec un soutien infaillible d’une grande partie de la communauté internationale. A ce jour, cette option militaire peine à faire l’unanimité au sein du  »syndicat » des chefs d’Etat africains. Milieu dans lequel semble s’allonger la liste des amis de l’actuel locataire du Palais d’Abidjan, à mesure que passent des jours. A Addis-Abeba, il faudra s’attendre à un débat houleux entre les chefs d’Etat africains visiblement divisés sur la question ivoirienne. Cette crise à relent international révèle deux camps sur le continent noir. D’une part, ces partisans d’une nouvelle libération de l’Afrique, ceux-là pour qui les malheurs de ce continent relèvent de l’emprise exercée sur lui par les Occidentaux à l’affût des ressources inestimables dont il regorge. Des pays comme l’Afrique du Sud, qui ont un long passé de lutte coloniale, ainsi que l’Angola, le Zimbabwe et bien d’autres ne cachent pas leur soutien à Laurent Gbagbo. En plus des dirigeants révolutionnaires comme le Guide libyen, Mouhamar Kadhaffi, qui retrouve une nouvelle jouvence dans le combat pour une Afrique autonome, affranchie de toute emprise des Occidentaux. La menace sur les Etats du Maghreb, avec la révolution dite du Jasmin en Tunisie, pourrait accroitre encore les soutiens du président proclamé par le Conseil constitutionnel, notamment au sein du club des chefs d’Etat qui soupçonnent les Occidentaux de vouloir les déstabiliser. L’Algérien Abdelaziz Bouteflika rallongerait cette liste de soutien à Laurent Gbagbo, lui qui aurait été l’un des premiers à émettre des réserves sur l’option militaire pour le déloger de son fauteuil. Enfin, sans trop s’afficher, la voix de petits pays amis au rival de M. Ouattara, comme le Cap-Vert, la Gambie et surtout la Guinée Equatoriale de Obiang N’guema à qui devrait revenir la présidence de l’UA au sommet du lundi prochain, pourraient peser dans les débats. Mais en face, le géant Nigeria et ses alliés de l’Afrique de l’Ouest, qui ont réussi déjà à faire le poids dans la sous-région, ne vont pas laisser fondre leur suprématie. Jouissant de la caution de l’Onu et de l’Union européenne (UE) ainsi que de grands Etats comme les États-Unis et la France, les soutiens de Ouattara comme le Nigérian Goodluck Jonathan, le Sénégalais Abdoulaye Wade ou le Burkinabé Blaise Compaoré, partent sans complexe à Addis-Abeba. Où ils n’attendent rien d’autre que de voir leurs positions sur la Côte d’Ivoire, soutenues comme le veut la solidarité graduelle au sein des organismes. Pro-Gbagbo, et pro-Ouattara ne manqueront donc pas de s’empoigner à cette tribune africano-africaine, où les débats sur le néo-colonialisme ne tardent pas à refaire surface. Chaque camp peaufine sa stratégie. La diplomatie dans l’ombre continue de tisser sa toile. Le camp Ouattara ne cache plus ses offensives auprès de chefs d’Etat comptés dans le cercle des amis de l’adversaire. Dont des émissaires sillonnent, eux aussi, discrètement des capitales pour faire entendre sa cause. A Addis Abeba, à chacun ses soutiens et ses ennemis. Mais au bout, l’Afrique prendra une décision. Elle ne sera peut-être pas la meilleure. Mais, elle vaudra son pesant d’or dans la suite des débats. Ces débats qui consistent à trancher et à dire qui de Laurent Gbagbo ou de Alassane Ouattara doit rester dans le fauteuil présidentiel ivoirien. A moins d’envisager une solution de compromis pour revenir sur les décompte des voix, couper la poire en deux ou envisager un 3ème tour pour départager les deux protagonistes. Que va décider, enfin, l’Afrique qui planchera véritablement sur la question pour la première fois, après les déclarations précédentes? Le bras de fer Gbagbo – Ouattara pourrait se jouer à ce rendez-vous capital à l’issue duquel une nette lisibilité devrait se profiler à l’horizon quant à la voix pour débloquer la situation sur les bords de la Lagune Ebrié.

Félix D.BONY

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