Adama Dahico, président du parti du Doromikan a été candidat à la précédente élection présidentielle. Après cette phase de sa vie, l’artiste s’est vite remis à ses anciens amours, la comédie. D’où Adama Dahico revient avec un trophée glané dans le domaine de l’humour. Le Temps l’a rencontré.
Quelles sont les nouvelles en ce début d’année ?
Les nouvelles sont bonnes. C’est la meilleure façon de souhaiter une bonne et heureuse année à tous ceux qui vous accompagnent dans le combat. Effectivement, les grands Prix Afrique du théâtre dont la troisième édition a eu lieu à Cotonou, au Benin, dans le mois de décembre, a consacré Adama Dahico, comédien humoriste, meilleur humoriste 2010, pour l’Afrique francophone. Mais il y a aussi une exposition des Icônes du théâtre en Afrique francophone de 1960 à 2010. Je fais partie des Icônes du théâtre. Mais cet événement arrive au moment où la Côte d’Ivoire est dans une situation de crise. J’en profite pour dire merci à tous ceux qui contribuent au rayonnement de notre métier.
Au moment où vous recevez ce prix, quels sont les sentiments qui vous animent ?
Vous savez, quand vous pratiquez ce métier vous avez besoin qu’on vous reconnaisse un peu.
Pour le travail que vous abattez. Mais si c’était un trophée national, on aurait dit en Côte d’Ivoire, il n’a plus rien à prouver. Or, il s’agit d’un trophée continental. C’est pour dire que, le travail que nous faisons est apprécié par des professionnels. Parce que le jury était composé de professionnels. Cela dit, les gens font attention à toutes nos différentes œuvres. Je suis l’un des rares humoristes qui écrit. J’ai publié trois livres. Et j’ai un festival. En outre, je fais ce métier depuis 18 ans sans relâche. Mais j’ai aussi apporté un autre discours dans le texte humoristique. J’ai fait également une communication au Bénin sur la culture et la politique et ma vision pour l’humour dans l’espace francophone. Donc, voici les éléments qui ont contribué à ma nomination. Parce que vous pouvez être nominé et ne pas avoir le prix. A cette étape j’ai convaincu encore le jury que je suis la personne bien indiquée qui travaille sur le plan africain et je crois que c’est à l’honneur de la Côte d’Ivoire qui est un grand pays de la sous-région. Malgré la crise que nous traversons nous sommes en train de démontrer à travers la culture que nous sommes une grande Nation.
Monsieur le président, cette bonne nouvelle peut-elle apparaître comme une consolation pour vous qui avez été candidat malheureux à la dernière élection présidentielle en Côte d’Ivoire ?
Vous savez, je n’aime pas l’expression candidat malheureux à l’élection présidentielle, ça n’existe pas. Mais je suis le seul candidat heureux de l’élection présidentielle. En 56 semaines de politique, j’ai été 11e sur 14 candidats. Alors qu’il y a des gens qui ont fait la politique depuis 40 ans (rire).
Ils n’ont pas fait mieux. Cela dit, mon entrée en politique n’est pas usurpée, non. Je suis le président du «Doromikan». Donc que je puisse être candidat à une élection présidentielle, c’est la moindre des choses. Mais c’est pour dire que notre objectif a été atteint, c’était de participer à une élection présidentielle.
Mais vous étiez sur deux fronts?
Ah non. Sur le plan politique, je suis sorti d’une manière honorable. Mais sur le plan culturel qui est mon champ de bataille, j’ai battu tous mes adversaires.
Qu’est-ce que la Côte d’Ivoire gagne avec ce prix ?
Mais la Côte d’Ivoire rentre dans l’histoire des grands prix africains francophones. Cela dit, sur le plan culturel, la Côte d’Ivoire existe. Et l’humour est un art que tout le monde ne pratique pas en Afrique. C’est en Europe qu’on peut voir de grands humoristes. Mais en Afrique, c’est presqu’une denrée rare ; c’est comme du pétrole. Car, ce n’est pas dans tous les pays qu’on les voit. Nous voulons dire tout simplement que ce Prix représente pour la Côte d’Ivoire son engagement et surtout ce que ce pays accorde à la chose culturelle. Maintenant, pour l’humoriste, sur le plan africain, cela impose le respect et la considération. Et il y a beaucoup d’ouverture. Bientôt, j’irai en Europe pour animer un stage. Pour la formation des jeunes humoristes européens francophones.
En outre, mes prochaines œuvres seront éditées par des maisons européennes. En Belgique par exemple. Et aujourd’hui, Adama Dahico est sollicité par certains Etats africains francophone.
Pour animer des stages sur ma façon de pratiquer l’humour parce que c’est unique en son genre.
Et aujourd’hui, l’humour n’est plus un art de divertissement. Mais c’est surtout un outil de communication, d’éducation et de sensibilisation. Et c’est ce que, nous avons utilisé pour faire notre campagne présidentielle dans la tranquillité et dans la paix. Cela dit, l’humoriste doit se considérer aujourd’hui, comme un agent au développement et non un simple amuseur public.
Lorsque vous êtes rentré avec le prix, vous êtes allé le présenter au Président de la République. Comment doit-on l’interpeller ?
(Rire). Je m’attendais à une telle question. Vous savez qu’un Président de la République est le premier magistrat d’une Nation, le Chef suprême des armées. Mais c’est aussi le protecteur des arts dans cette Nation. Alors, quand vous recevez un Prix continental, la première personnalité du pays qui doit recevoir ce Prix c’est le Président de la République donc c’est ce que je suis allé faire. Pour lui dire merci pour toutes les actions qu’il mène dans le domaine de l’art. Il a souvent parrainé les différentes éditions du festival du rire que je fais. Je me souviens très bien qu’il est venu à la dédicace de mon deuxième livre, «Donnez-moi le pouvoir et je vous rendrai le rire». Ce jour là, il est venu au palais de la culture Bernard Dadié. Vraiment, il fait partie de ceux qui encouragent Adama Dahico dans son combat pour le rayonnement de la culture. C’est normal que ce Prix lui soit présenté et cela va l’encourager. Afin d’avoir toujours une oreille attentive aux sollicitations des artistes.
Mais il y a aussi le fait que le Président de la République vous admire beaucoup.
Je crois que tout le monde sait qu’en Côte d’Ivoire le Président Gbagbo est un ami. On s’appelle d’ailleurs collègue. Et ce monsieur m’a vu sur le champ de bataille. C’est-à-dire sur les faits. Il m’a vu jouer. Il sait ce que c’est que l’art. Donc, il a aimé ma façon de travailler. Parce qu’il est artiste.
J’ai été même décoré par lui en 2004. Cela dit, l’Etat de Côte d’Ivoire reconnaît mon travail. Je pense que si la première personnalité de votre pays vous encourage, vous ne devez pas la décevoir. C’est tout ça qui m’a incité davantage au travail. Je continue de travailler et le Président de la République aime ce que je fais et il me le rend bien.
Vous avez dit que l’humour est un instrument de communication. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est attaquée de partout par les médias occidentaux, à cause d’une crise post-électorale qu’elle vit. Quel combat menez-vous dans ce sens ?
Je voudrais vous dire que le jour où suis allé présenter ce prix au Président de la République, il y a un fait qui m’a marqué. Le protocole d’Etat m’a demandé si je souhaiterais que l’audience soit filmée.
Sincèrement, j’ai reçu cela comme un message fort. Parce que c’était un moment très difficile dans la vie de la Nation. Parce qu’il y avait beaucoup d’incertitude. J’ai dit oui que cela soit fait. Pour que le monde entier sache que j’ai reçu ce Prix. Et que, je suis venu le présenter au Président de la République. Mais quand je parle d’outil de communication c’est pour vous dire que bientôt, je vais me proclamer officiellement comme Président de la République africaine du Doromikan. Pour dire, qu’avec l’humour on peut dépasser les frontières. Tout ce qui se passe actuellement avec le ballet diplomatique, je vais le mettre en scène. En fait, je vais le mettre sur un support audio-vidéo pour le mettre à la disposition des Ivoiriens et ceux de l’extérieur. Ils comprendront qu’avec l’humour, on peut se parler et dialoguer. Il n’y a que les êtres humains qui peuvent se parler et l’humour a cette capacité. Nous, à la République africaine du Doromikan on ne connaît pas de désobéissance civile.
Mais la désobéissance civilisée. C’est-à-dire on n’est pas content du président légalement élu, légitiment élu, on n’est pas content des militants des uns et des autres. Mais on va au travail parce qu’il y a plusieurs façons de manifester son mécontentement. Car, les hommes passent mais la Nation demeure. Pour dire que dans la vie d’une Nation il y a des moments difficiles pour les uns et les autres. On a fait 8 ans de crise mais on ne peut pas en sortir aussi facilement. Et ce que nous avons actuellement va nous servir de leçon sur le plan moral spirituel. Et quand on va sortir de là, la Côte d’Ivoire va se réconcilier avec elle-même. Et nous allons reprendre notre train de développement dans de très bonnes conditions.
Et ce projet démarre à partir de quand ?
Ce projet fait partie des projets phares du président du Doromikan. A partir de début février, on aura les éléments sonores et vidéo. Pour dire aux Ivoiriens que la vie d’une Nation ne s’arrête pas à une élection. On a fini les élections alors place au travail. Il n’y a que le travail qui peut nous permettre de nous affranchir. J’ai dit que je fais la politique parce que les hommes politiques jouent la comédie à notre place. On a fini avec la politique je reviens à la comédie. Si j’étais médecin, je serais à l’hôpital. Je n’ai pas gagné les élections, ce n’est pas une fin en soi. En 2015, si je dois me présenter je n’ai qu’à déposer mes dossiers. Si le Conseil constitutionnel les valide je bats ma campagne. C’est le peuple qui choisit s’il me porte à la tête de l’Etat, je gouverne dans le cas contraire je retourne encore sur les planches. Cela dit notre candidature c’est notre contribution à la paix. Par les messages forts et justes que nous avons passé.
Mais par rapport à la situation qui prévaut dans le pays. Quelle est la position de Adama Dahico?
Mais vous savez que je suis culturel et j’ai été candidat à l’élection présidentielle. Au premier tour. Je n’ai pas été retenu pour le second tour j’ai reconnu humblement ma défaite. C’est une défaite honorable. A la fin du second tour, le Conseil constitutionnel a proclamé un résultat et la Commission électorale indépendante a proclamé des résultats provisoires qui sont certifiés par l’Onu. Cela nous amène aujourd’hui, à la reconnaissance d’un résultat par la communauté internationale et un autre par le Conseil constitutionnel. Alors chacun a sa position et les Ivoiriens continuent de vaquer à leurs occupations. Mais je n’aimerais pas en tant qu’artiste parler de position. Je crois que j’ai un grand prix que je suis allé présenter à son excellence, M. le Président de la République. Je pense que tous ceux qui sont observateurs doivent savoir qu’Adama Dahico est au travail. Mais tout ce que je peux dire c’est qu’on assaie de discuter. Parce qu’après tout, nous sommes les enfants du même pays. Afin de sauver la Nation Ivoire. Il y a trop de compétences, je crois qu’on doit être compréhensible et s’unir pour faire avancer les choses.
Interview réalisée par
Renaud Djatchi
Le Temps
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