Régime sans oignon pour beaucoup de ménages citadins ivoiriens, depuis une dizaine de jours. Cette denrée alimentaire étant pratiquement hors de portée. D’ordinaire cédée à 350 ou 500 Fcfa le kilogramme, elle a enregistré une montée vertigineuse sur les marchés. La même quantité est vendue actuellement autour de 1300 Fcfa. Les vendredi 14 et samedi 15 janvier derniers, l’oignon a même atteint le pic historique de 1500 Fcfa. Soit une hausse de 200%. Faisant de cette denrée, le sujet principal de discussion dans les marchés et foyers pendant tout le week-end. De Cocody-allocodrome, à Port-Bouët-Burkina en passant par l’Onu de Treichville, ou encore Yopougon rue princesse, les vendeuses dans les maquis n’avaient à la bouche que l’augmentation du prix de l’oignon pour se défendre face aux clients qui se plaignaient des petites quantités de nourriture servies : alloco au poisson, poisson braisé à l’attiéké, poulet braisé, frites de pomme de terre ou d’igname, tous accompagnés d’une vinaigrette contenant de l’oignon.
Si d’une manière générale, les prix des denrées alimentaires ont connu une hausse, comment en est-on arrivé à cette flambée spectaculaire du prix de l’oignon?
Goût amer
Sur les marchés, les vendeuses accusent les gros revendeurs de leur livrer le produit à des coûts élevés. « Nous ne faisons que répercuter sur les consommateurs, le niveau auquel nous achetons l’oignon. Il manque sur le marché et donc il a augmenté », explique dame Édith Agnimel, du grand marché du quartier Belleville de la commune de Treichville. Pour leur part, les grossistes rencontrés affirment simplement que ce renchérissement est lié à une rareté constatée sur les étals. Sans plus.
C’est au niveau des importateurs grossistes qu’il nous est livré d’autres causes. Spécialisée dans le commerce de marchandises diverses, la Société abidjanaise d’import-export (Sabimex) consent à nous ouvrir ses portes, sans difficultés, après plusieurs tentatives infructueuses ailleurs. « Nous travaillons en toute transparence et n’avons rien à cacher », nous rassure le chargé des relations extérieures, Georges Kouamé. Cette société située à Treichville, est installée en Côte d’Ivoire depuis 1972, soit 39 ans. Donc parfaitement au fait des réalités du terrain. Entre les grands magasins frigorifiques et les entrepôts couverts qu’il nous fait visiter, M. Kouamé souligne que trois facteurs concourent à l’envolée des cours.
Crise ivoirienne
Le premier est que traditionnellement, la période de fin décembre à mi janvier (celle que nous traversons) est caractérisée par l’arrivée d’oignons violets et rouges en provenance du Burkina Faso et du Niger.
Cette année, avec la crise post- électorale qui a pour conséquence la perturbation du trafic routier à Bouaké, l’approvisionnement des importateurs n’a pu être effectif. Cette raison est renforcée par un autre aspect, et c’est la deuxième cause- , c’est que les récoltes du produit ne sont pas satisfaisantes dans les grands pays producteurs du monde. C’est le cas de la Russie. Cela étant le fait des mauvaises conditions atmosphériques. En même tant qu’elle est productrice d’oignon, la Russie en est également un grand consommateur, tout comme l’Allemagne. Ces géants de la consommation de l’oignon se tournent du coup vers le marché européen. Renvoyant, de ce fait, la troisième cause de l’inflation à la réalité du marché international. En effet, au plan mondial, il y a une très forte demande de la denrée. La situation est très tendue. Et comme l’enseigne le principe économique, dans une telle configuration, le marché tire les prix vers le haut. La conséquence a été immédiate, selon M. Geoges Kouamé. A l’international, le prix de l’oignon a enregistré une hausse de 25 à 35%. Les grands consommateurs tels que la Russie et l’Allemagne subissent en premiers ces contrecoups. Finalement, c’est la combinaison de ces trois circonstances qui a dopé le marché de l’oignon. Surtout que les entreprises importatrices ne constituent pas leurs stocks uniquement avec des produits originaires de la sous-région.
Forte spéculation
Elles sont donc frappées aussi bien par les conséquences de la crise ivoirienne que par les réalités du marché mondial. Mais, en plus des trois raisons évoquées, il apparaît que de fortes spéculations ont lieu sur la denrée. A preuve, le sac de 25 kilogrammes est livré à l’usine à 13.000 Fcfa. Ce qui donne un prix au kilogramme de 520 Fcfa à l’achat. Pourtant, le marché affiche 1200 à 1500 Fcfa. «Nous, nous ne maîtrisons que le prix auquel nous vendons aux opérateurs, c’est-à-dire 520 Fcfa en moyenne. Nous ne pouvons nous prononcer sur le prix dans les marchés», déclare M. Kouamé. En fait, au contact du terrain, les grossistes intermédiaires, sachant que l’oignon manque, font jouer la spéculation. Les rares qui ont voulu donner un petit avis sous anonymat, évoquent d’autres charges telles que le transport, les frais de stockage, etc. qui, en combinaison avec la rareté, font gonfler considérablement les prix à la consommation. Toutefois, la société Sabimex attend ce week-end, un navire qui se trouverait déjà aux portes d’Abidjan pour livrer de la marchandise: «Cela permettra, nous le pensons, de soulager quelque peu la population », indiquent les responsables de l’entreprise. 50 conteneurs d’oignon qui viendront certainement changer l’arrière goût amer des prix sur les marchés.
ADAMA KONÉ
FratMat
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