L’Intelligent d’Abidjan
Deux semaines plus tôt, je me suis prononcé sur l’actualité économique de la Côte d’Ivoire et exprimé mon opinion sur la création d’une monnaie nationale. Certains concitoyens, bien que n’étant pas économistes, ont souhaité être plus instruits sur le sujet afin de mieux cerner tous les contours de la monnaie. Avant de répondre à leurs aspirations, permettez-moi la mise au point suivante. Contrairement à ce qu’un journal de la place affirmait le vendredi 31 décembre 2010 suite à la publication de ma première contribution, je ne suis pas un expert du RHDP. Je ne travaille pas pour le Président OUATTARA que je ne connais d’ailleurs pas, lui non plus ne me connais pas. Les idées que j’ai développées sont d’actualité et ma position sur la signature sur les comptes de la Côte d’Ivoire à la BCEAO est une analyse personnelle fondée sur ma connaissance des textes qui régissent l’UEMOA. L’évolution de la situation semble me donner raison puisque les choses sont en train de se préciser et M. GBAGBO aura de plus en plus de difficultés à faire fonctionner les comptes de l’Etat de Côte d’Ivoire. J’aime autant mon pays que tous les autres Ivoiriens et je ne saurai rester indifférent à la situation que nous vivons ; surtout dans le domaine de la finance, si j’estime que ma contribution peut faire avancer les choses. La contribution de ce jour portera essentiellement sur deux points à savoir :
– La création de la monnaie par la Côte d’Ivoire et le fonctionnement des comptes d’opérations logés au Trésor Français ;
– Les conséquences de la mise en œuvre effective de la signature de M. OUATTARA sur les comptes de la Côte d’Ivoire à la BCEAO.
I- La création de la monnaie et le fonctionnement des comptes
I-1- La monnaie
Il faut retenir que la monnaie est un moyen de paiement généralement accepté par les membres d’une communauté en règlement d’un achat, d’une prestation de service ou en règlement d’une dette. Elle remplit essentiellement trois fonctions : La fonction de réserve de valeurs, la fonction d’unité de compte et la fonction d’intermédiaires dans les échanges.
En l’absence de monnaie, les échanges ne peuvent se réaliser que sous forme de troc ; ce qui devra nécessiter la double coïncidence des désirs qui limite les échanges. En facilitant les échanges, la monnaie est un outil essentiel de commerce libre. Il est important de noter que la monnaie se caractérise par la confiance qu’ont ses utilisateurs dans la persistance de sa valeur et sa capacité à servir de moyen d’échange. Elle a donc une dimension sociale, politique, psychologique, juridique et économique. C’est pourquoi, elle est très sensible et il faut la manipuler avec le maximum de précaution possible.
Ainsi, en période de trouble, de perte de confiance, la monnaie peut perdre de la valeur. L’or et l’argent ont été pendant longtemps les supports privilégiés de la monnaie mais elle a pris au cours de l’histoire, diverses formes : bœuf, sel, cauris… Elle est aujourd’hui presque entièrement dématérialisée (surtout dans les pays développés) et circule majoritairement sous des formes scripturales ou électroniques ; bien que les formes papier et divisionnaire soient encore utilisées (surtout dans les pays en développement). Chaque monnaie est définie sous le nom de devise dans une zone monétaire donnée (le plus souvent un Etat ou un ensemble d’Etats comme c’est le cas de la zone franc) et prend dans cette zone, la forme de dépôts, de billets de banque et de pièces de monnaie. Les devises s’échangent entre elles dans le cadre du Système Monétaire International (SMI) et leurs valeurs fluctuent sur un marché international de devises dans un système de change flottant ou flexible. Dans des pays appartenant à certaines zones monétaires, la convertibilité entre les monnaies peut être fixe.
La valeur de la monnaie par rapport aux autres, et donc sa convertibilité, est déclarée au FMI par les autorités de la zone monétaire. Dans notre cas, il revient au Conseil des Ministres de l’UEMOA de faire cette déclaration. Ceux qui proposent la création de notre monnaie devront donc nous dire comment il faut gérer tous les aspects liés à la création de la monnaie surtout que le régime de M. GBAGBO n’est pas reconnu par le FMI. Sans toutefois oublier les investissements additionnels à réaliser et bien d’autres conditions préalables au fonctionnement de cette zone monétaire. Je souhaiterais particulièrement demander à M. BLE GOUDE CHARLES, Ministre de l’emploi du gouvernement AKE N’GBO et Président du COJEP qui a fait sienne l’idée de la création d’une monnaie ivoirienne que les experts qui sont au labo nous donnent des réponses claires aux préoccupations suivantes afin de nous rassurer sur la viabilité de cette monnaie :
– Comment la convertibilité de cette monnaie sera-t-elle assurée ?
– Dans quel système financier évoluera-t-elle ; puisque le régime politique n’est pas reconnu ?
– En quoi la monnaie sera-t-elle opportune si elle n’est valable qu’à l’intérieur du territoire ivoirien ? Quelles actions comptent-ils mener pour qu’elle soit convertible à l’extérieur ?
– Quel est le système de change qui sera adopté (fixe ou flottant) et par rapport à quelle monnaie de référence et comment cette monnaie pourra-t-elle favoriser le développement économique et social des Ivoiriens ?
– Comment reconstituerons-nous nos réserves de change sans subir le diktat d’une quelconque puissance étrangère ? A ce niveau, j’ai suivi la proposition de M. Nicolas AGBOHOUN à la télévision ivoirienne qui n’était nullement convaincante.
– Quels avantages aurons-nous à utiliser cette monnaie par rapport au franc CFA qui respecte tous les standards internationaux en matière monétaire ?
Lorsqu’il aura des réponses à ces questions, il pourra à nouveau reprendre son bâton de pèlerin et mobiliser les ivoiriens pour qu’ils adhèrent à cette idée. Qu’on ne l’induise pas en erreur comme ils l’ont si bien fait dans la filière café-cacao en encourageant la dissolution de la CAISTAB.
I-2- Le fonctionnement des comptes d’opération logés au Trésor français.
Leur existence découle des principes de coopération entre la France et les Pays Africains de la Zone Franc (PAZF).
En effet, l’union monétaire réalisée entre les pays de la Zone franc fonctionne selon des principes inhérents à ce type d’association auxquels viennent s’adjoindre des particularismes issus de la mise en œuvre d’une coopération monétaire entre la France et les pays concernés. Ces principes ont été rappelés dans l’accord de coopération entre les pays membres de l’Union Monétaire Ouest-Africaine et la République française du 4 décembre 1973. Les principes fondamentaux sont au nombre de quatre :
– la garantie illimitée du Trésor français : la convertibilité des monnaies émises par les différents instituts d’émission de la Zone franc est garantie sans limite par le Trésor français ;
– la fixité des parités : les monnaies de la zone sont convertibles entre elles, à des parités fixes, sans limitation de montants ;
– la libre transférabilité : les transferts sont, en principe, libres à l’intérieur de la zone ;
– la centralisation des réserves de change : elle apparaît à deux niveaux puisque les États centralisent leurs réserves de change dans chacune des deux banques centrales tandis qu’en contrepartie de la convertibilité illimitée garantie par la France, les banques centrales africaines sont tenues de déposer 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor français, sur le compte d’opérations ouvert au nom de chacune d’elles. Depuis 1975, ces avoirs bénéficient d’une garantie de change vis-à-vis du DTS (Droits de Tirage Spéciaux).
Le DTS est l’unité de compte du Fonds Monétaire International. Sa valeur résulte du calcul journalier d’un panier de quatre monnaies (le dollar US, la livre, le yen et l’euro, ce dernier remplaçant respectivement le franc français et le deutsche mark à partir du 1er janvier 1999). Il faut tout simplement retenir que les comptes d’opérations sont des comptes à vue ouverts auprès du Trésor français au nom de chacun des trois instituts d’émission : la BCEAO, la BEAC et la Banque Centrale des Comores. Ces comptes sont rémunérés et offrent la possibilité d’un découvert illimité (un dispositif de sauvegarde est prévu à cet effet et c’est ainsi que cette faculté doit, dans l’esprit des accords, revêtir un caractère exceptionnel).
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