L’Inter
«Quand claquent les bombes, les larmes tombent, et c’est l’hécatombe»; l’artiste ivoirien de renommée internationale, Alpha Blondy, met ainsi les hommes politiques en garde, dans l’une de ses chansons, contre l’utilisation des armes dans le règlement des conflits. Et il n’a pas tort. Le seul cas du Libéria, pays voisin de la Côte d’Ivoire, suffit pour se rendre compte clairement du danger qu’il y a à recourir aux armes. Au moment où l’option militaire, à travers les forces de l’Ecomog, est en préparation pour contraindre Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir, un retour sur le cas du Libéria voisin paraît nécessaire pour calmer les esprits. Le Libéria, faut-il le rappeler, a été ravagé par plusieurs années de guerre civile, entretenue par des factions armées. Le bilan faisait état de centaines de milliers de morts, de millions de réfugiés et de dégâts matériels considérables. En un mot, le Liberia vivait déjà dans le chaos, la situation était intenable, l’Etat n’existait plus et le pays était morcelé entre des chefs de guerre qui régnaient chacun sur « son territoire », en véritable seigneur. C’est pour justement mettre fin à cette pagaille qui risquait d’embraser toute la sous-région ouest-africaine, que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) avait, à raison, décidé d’utiliser la force militaire pour mettre de l’ordre. L’envoi des troupes de l’Ecomog visait en effet cet objectif. Entre août 1990 et octobre 1999, la force ouest-africaine, forte de plusieurs milliers de soldats, a assuré cette mission de maintien d’ordre et de restauration de la paix. L’Ecomog, selon des sources, n’y est pas allé de mains mortes. Des actes malheureux de pillage tous azimuts, des viols et d’autres exactions ont été déplorés durant leur séjour sur le territoire libérien. En tout cas, le passage de cette force africaine au Liberia, a laissé de tristes souvenirs dans la mémoire des populations et de la communauté internationale, même si malgré tout, son intervention a quelque peu été salutaire. A contrario, le cas ivoirien est totalement différent de celui du Liberia. Ici, une intervention militaire, dont on ne peut prétendre connaître l’issue à l’avance, pourrait précipiter la Côte d’Ivoire dans le chaos, tant les deux camps restent déterminés à en découdre. Cela pourrait aboutir à une guerre entre partisans civils des deux rivaux, comme ce fut le cas au Liberia. Est-ce cela qu’on veut pour la Côte d’Ivoire ? Veut-on installer le chaos dans ce pays, plutôt que de l’en épargner ? Certes le débarquement des troupes de l’Ecomog dans un pays, n’est pas une première en Afrique, mais les cas Libérien et Ivoirien ne sauraient être comparés. En Côte d’Ivoire, l’arrivée des soldats de l’étranger intervient dans le cadre d’un conflit post-électoral. Ce sera sans nul doute une première en Afrique, que des troupes étrangères interviennent dans un contentieux électoral entre deux candidats qui se disputent le fauteuil présidentiel, avec pour but de mettre un président à l’écart et installer un autre. Sous d’autres cieux, cela est simplement perçu comme un coup d’Etat. De plus, toujours à la différence de l’exemple libérien encore récent dans les esprits, la Côte d’Ivoire n’est pas désagrégée. Les institutions sont en place. Les populations vaquent tant bien que mal à leurs occupations. La vie se déroule plus ou moins normalement. Et selon des analystes, rien n’urge pour une opération militaire aux lendemains incertains en Côte d’Ivoire. La communauté internationale peut contraindre les deux personnalités en conflit à trouver une solution pacifique. En tout cas, elle ne devrait pas se lasser de multiplier les initiatives de paix, comme elle l’a fait ailleurs, afin d’épargner les vies d’innocentes de populations civiles et même des militaires. Le médiateur de l’Union africaine, le Premier ministre kényan Raïla Odinga, est un exemple vivant de la volonté de la communauté internationale de résoudre des crises par la voie pacifique. Si elle veut, elle peut. L’Onu n’a pas eu besoin d’encourager et de soutenir une opération militaire au Kenya pour parvenir à la paix, alors que le président sortant Mwaï Kibaki et son opposant Raïla Odinga se disputaient le fauteuil présidentiel. On peut rééditer l’exemple kényan en Côte d’Ivoire plutôt que de s’entêter à imposer une guerre à un pays présenté jusque là comme le poumon de la sous-région ouest-africaine. A moins que l’on n’ait de souci pour le bien être de cette sous-région en danger par le fait de la crise en terre ivoirienne.
Hamadou ZIAO
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