L’Expression
Après l’échec de toutes les médiations, Gbagbo sait qu’il a perdu la bataille et la guerre. Mais avant sa sortie par la petite porte, le Machiavel des lagunes n’a pas encore dit son dernier mot. Il se prépare à lancer des opérations aussi sinistres les unes que les autres.
Les carottes sont cuites ou presque pour Laurent Gbagbo. Après avoir roulé tous les médiateurs de l’Union africaine et ceux de la Cedeao dans sa légendaire farine, le Machiavel des lagunes sait qu’il a grillé toutes ses cartes pour se maintenir au pouvoir. Malgré tout, il ne veut jamais s’avouer vaincu. Avec le revers qu’il vient de faire subir au Premier ministre kenyan, Raila Odinga, Gbagbo a définitivement compris que remettre en cause la volonté et la décision de la communauté internationale n’est plus possible. Devant les bruits de bottes qui deviennent de plus en plus assourdissants à Bouaké, il a fini par comprendre aussi que toutes ses tentatives pour fissurer cette communauté internationale, et s’attirer la sympathie de certains chefs d’Etat sont désormais vaines. Mais comme un chat qui rebondit toujours de sa chute, Laurent Gbagbo, le magicien noir de la politique tropicale, concocte savamment dans ses officines obscures des plans pour freiner les ardeurs de la communauté internationale. Les derniers katas du Machiavel des lagunes sont de trois ordres, les uns aussi sinistres et cyniques que les autres : jouer sur le temps, se constituer des otages et couper l’eau et l’électricité dans plusieurs parties du pays sont ses derniers espoirs.
Jouer sur l’agenda électoral de la sous-région
En cette année 2011, c’est un total de 17 élections présidentielles qui seront organisées sur le contient. Dans la sous-région ouest-africaine, les chefs d’Etat qui ont pris les devants de la contestation du hold-up électoral de Gbagbo sont tous dans le starting-block des élections dans leur pays. Le Nigeria et le Benin ont des élections qui doivent se tenir dans le premier semestre de 2011. Jouer la montre pour atteindre le mois de mars va inéluctablement emmener les acteurs de l’option militaire à se détourner de la Côte d’Ivoire pour se consacrer à leurs agendas locaux. S’il arrive à tenir jusqu’à cette échéance, il deviendrait difficile pour Goodluck Jonathan de lancer ses troupes au sein de l’Ecomog à la veille de la campagne présidentielle dans un pays aussi difficile que le Nigeria. Le Benin, autre pays fournisseur des troupes s’apprête à aller aux élections. Thomas Boni Yayi qui affrontera Adrien Houngbedji et Abdoulaye Bio Tchané, deux candidats très sérieux pourrait se rétracter pour emmener ses soldats au bord de la lagune Ebrié. Au plan international, la France, qui doit fournir la logistique et les renseignements, prépare activement 2012. Nicolas Sarkozy ne prendra pas le risque de mettre en péril la vie de plus 15.000 Français et de leurs biens à la veille d’élections qui s’annoncent déterminantes. S’il arrive à grignoter encore deux mois, Gbagbo sait qu’il aura fait un pas de géant pour sauver son fauteuil. Mais cette hypothèse tient-elle encore la route quand on sait que le débarquement des Casques blancs de l’Ecomog est maintenant une question de jours ?
Français et ressortissants Cedeao dans sa ligne de mire
Devant l’arrivée imminente des troupes de la Cedeao pour le chasser du palais du Plateau, Laurent Gbagbo veut se créer un bouclier humain à travers ses jeunes patriotes qui sont abondamment instrumentalisés par Charles Blé Goudé. Mais Gbagbo et son ministre de la rue ne sont pas dupes. Ils savent que ces jeunes patriotes, les miliciens, mercenaires et autres zélés de la Garde républicaine et du CeCos prendront la «fuite comme des rats» devant la puissance de feu de l’Ecomog. Selon des sources proches du palais, Gbagbo a indiqué à tous les Go-between et autres médiateurs qui l’ont rencontré que les Ivoiriens qui sont prêts à en découdre avec les millions de ressortissants de la Cedeao et les Français qui vivent en Côte d’Ivoire si jamais une troupe étrangère s’aventure dans son pays pour prétendre le chasser du palais. De bonnes sources, l’on indique même que des prises d’otage de personnalités de premier plan sont en vue. L’on sait également que ce n’est plus un secret pour personne, Gbagbo et ses hommes ont dissimulé des armes dans plusieurs communes d’Abidjan et des villes de l’intérieur du pays. Au moment venu, ses miliciens pourront s’en servir pour perpétrer des massacres à grande échelle sur des ressortissants de la Cedeao et des Français pour emmener la communauté internationale à réviser sa position dans la gestion de la crise postélectorale. Devant ce risque qui n’est pas à négliger, Gbagbo agite le chiffon rouge de la guerre civile pour freiner l’ardeur de l’Union africaine et surtout de la Cedeao qui compte plus six millions de ressortissants en Côte d’Ivoire.
L’eau et l’électricité : l’arme fatale
Le dernier kata de Gbagbo pour faire plier la communauté internationale, c’est le contrôle de tous les secteurs clés de la vie du pays. Dans cette dynamique, il a jeté son dévolu sur les secteurs de l’eau et de l’électricité. Gbagbo veut se rendre maître de ces deux secteurs. De source proche de ces deux entreprises, Gbagbo manœuvre fort pour s’emparer des services de dispatching de la Sodeci et de la Cie. S’il parvient à contrôler ce secteur névralgique, Gbagbo aurait alors une arme fatale entre ses mains et les actes qu’il s’apprête à commettre seront lourds de conséquence pour ses adversaires. Gbagbo coupera l’eau et l’électricité dans un premier temps au Golf Hôtel, ensuite à l’hôtel Sebroko qui est le siège de l’Onuci, puis la base de la force Licorne et enfin à Abobo et toutes les autres communes d’Abidjan qui lui montrent des vertes et des pas mûres. Mais le Machiavel des lagunes ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Il en fera autant pour toutes les zones CNO et des localités comme Bondoukou, Tanda, Abengourou, Daoukro et Tiébissou qu’il considère comme des villes ‘‘rebelles’’. L’autre objectif de cette opération, en dehors de l’étrangement et de l’asphyxie des populations qui ne lui sont pas favorables serait d’avoir la vie des entreprises et des industriels qui ne peuvent pas se passer de l’eau et de l’électricité en main. L’ancien président veut contraindre les patrons d’entreprises à s’aligner derrière lui dans sa guerre contre l’étranger. Comme on le voit, Gbagbo a perdu la guerre et la bataille. Mais il n’est pas prêt à abdiquer c’est pourquoi il veut dire son dernier mot avant de sombrer.
Kra Bernard
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