Par Frédéric Couteau RFI
Cela fait maintenant presque deux mois que la situation politique est bloquée dans le pays… Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara : deux présidents pour une même nation. Les différentes pressions et médiations de la communauté internationales n’ont rien donné. Laurent Gbagbo joue sur le temps, sur l’usure… Alassane Ouattara, lui, est piégé à l’Hôtel du Golf, et il hausse le ton. Dans un entretien accordé au quotidien français La Croix ce jeudi, et repris déjà notamment dans les colonnes de L’Intelligent, le président reconnu par la quasi-totalité de la communauté internationale est catégorique :
« l’intervention militaire est déjà prévue, organisée. Elle sera programmée, affirme-t-il. J’ai parlé avec le président nigérian Goodluck Jonathan dimanche, il m’a assuré de sa détermination. C’est pour cela que les chefs d’état-major des pays de la Cédéao se sont réunis mardi à Bamako, poursuit Alassane Ouattara. Des arrangements sont en cours pour qu’ils aillent faire des reconnaissances à Bouaké, qui sera peut-être le centre de regroupement des soldats.
La Côte d’Ivoire ne peut pas continuer comme ça, s’exclame-t-il, avec ce monsieur qui se prend pour un président. C’est un clown, et c’est tragique pour notre pays. »
Alassane Ouattara s’explique longuement aussi dans Libération. Même discours : « Laurent Gbagbo fera l’objet d’un recours à la force », affirme-t-il.
Concentration militaire à Bouaké
Alors, en effet, ce matin la presse ivoirienne rapporte des mouvements de troupes dans ville de Bouaké, dans le nord, contrôlée par l’ex-rébellion. « Aéroport de Bouaké – Comment se prépare le débarquement de l’Ecomog », titre le quotidien Nord-Sud qui remarque de nombreux déplacements dans la ville des forces onusiennes et de la force Licorne depuis ces derniers jours. Pour le journal, « même si aucun officiel ne veut se prononcer sur le sujet, les observateurs pensent que ces mouvements militaires, en cours, ont un lien avec l’arrivée de l’Ecomog, la force sous-régionale de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest dont la mission essentielle sera de déloger le président sortant Laurent Gbagbo. »
Même constatation pour L’Inter : « un vaste mouvement de troupes des forces impartiales s’opère depuis un certain temps à Bouaké, affirme le journal, fief de l’ex-rébellion qui a pris fait et cause pour ADO dans cette bataille pour le palais présidentiel. » L’Inter qui note le retour dans la ville de la Force française Licorne, deux ans après son départ, ainsi qu’une intense activité au sein de la base aérienne militaire de l’ONUCI qui serait en train d’être agrandie. « D’autres sources indiquent que plusieurs centaines de soldats étrangers autres que des Français ont également débarqué dans le fief de l’ex-rébellion, affirme encore L’Inter. En clair, poursuit-il, au moment où les différentes médiations ont montré leur limite quant à la résolution pacifique de la crise-post-électorale ivoirienne, ces différentes manœuvres militaires des forces impartiales à Bouaké ne sont pas loin de faire le lit à une intervention militaire avec la capitale du centre comme base. »
La diplomatie céderait-elle le pas ?
Sur le plan diplomatique, intense activité ces derniers jours… Comme le relève le site d’information Fasozine, « à la tête d’une délégation de la Cédéao, le président burkinabé, Blaise Compaoré a eu, lundi et mardi, des séances de travail avec le président français, Nicolas Sarkozy et le vice-Premier ministre britannique, Nick Clegg, sur la crise ivoirienne. »
Dans le même temps, rapporte L’Observateur au Burkina, « les chefs d’état-major des armées de la Cédéao se concertaient à Bamako pour trouver la meilleure formule pour déloger militairement Gbagbo du palais de la présidence. » Officiellement, la Cédéao affirme toujours privilégier le dialogue pour régler la crise. Alors, s’interroge L’Observateur, « lorsque d’un côté, on parle de négociation et que de l’autre, on s’affaire à trouver des stratégies pour chasser Gbagbo du pouvoir, est-ce à dire que la Cédéao ne parlerait pas d’une même voix ou bien est-ce une façon d’endormir le pestiféré d’Abidjan pour le surprendre comme un boxeur face à son adversaire ? »
Quoi qu’il en soit, constate Le Pays, toujours au Burkina, « opération de dernier recours, l’intervention militaire est aujourd’hui plus que jamais d’actualité. En effet, que faire d’autre, se demande le journal, l’échec de la mission Odinga venant s’ajouter à ceux de précédents négociateurs ? Persister à envoyer des émissaires pour obtenir en retour les mêmes résultats ? Ou se résigner à recourir à une intervention militaire bien ciblée, et circonscrite aussi bien dans l’espace que dans le temps ? D’un moment à l’autre, la crise ivoirienne pourrait connaître un dénouement sanglant, estime Le Pays. Force est de reconnaître aujourd’hui, qu’on aura tout fait pour l’éviter. Mais il faut se rendre à l’évidence : la diplomatie ne semble pas convenir au cas Gbagbo. »
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