Félix D.BONY | L’Inter
Inquiétantes ces violences qui sévissent à Abidjan et dont les forces de défense et de sécurité (FDS) payent le prix depuis quelques jours. En l’espace de 48h, les forces loyales au président de la République proclamé par le Conseil Constitutionnel ivoirien, Laurent Gbagbo, ont perdu une dizaine d’éléments. Précisément dans la zone de PK 18, un quartier de la périphérie nord de la commune d’Abobo. A l’origine de ces tueries, une opération de ratissage organisée par les FDS pour démanteler des réseaux de caches d’armes soupçonnées dans ladite commune majoritairement acquise au Rassemblement des Houphouétistes (RHDP). Coalition de l’opposition ivoirienne dont le mentor, Alassane Ouattara, enfermé dans un hôtel de la place avec son gouvernement, recherche encore les voies et moyens de regagner le palais occupé par Laurent Gbagbo, après avoir été désigné vainqueur du même scrutin présidentiel par la Commission électorale indépendante (CEI). Des policiers ont essuyé des tirs à l’arme de guerre, faisant plusieurs morts et de nombreux blessés, témoins des faits dans leur rang. L’ampleur des rafales, les types de douilles ramassées sur le théâtre des opérations, font penser à de véritables professionnels au maniement des armes, qui ont engagé une riposte terrible face aux hommes du Général de Corps d’armée, Philippe Mangou, chef d’état-major des FDS. Le mois dernier, sous le couvre-feu, deux policiers de la Compagnie républicaine de sécurité sont tombés dans une embuscade similaire sur l’axe Adjamé – Abobo, dans les environs de l’entreprise FILTISAC, où ils ont mortellement été criblés de balles dans un barrage fictif, alors qu’ils regagnaient le terrain pour veiller à l’application du couvre-feu décrété. Qui sont-ils, ces hommes armés qui ont tué les FDS?
Une chose est certaine, depuis les scrutins des 31 octobre et 28 novembre dernier, beaucoup d’éléments des Forces nouvelles ont rallié la capitale économique ivoirienne. Au 2ème tour, notamment, 1500 hommes du Gal Soumaïla Bakayoko avaient débarqué sur les bords de la Lagune Ebrié dans le cadre du Centre de commandement intégré (CCI) pour la sécurisation du processus électoral. A la faveur du bras de fer, engagé par les deux candidats à l’arrivée, autour du fauteuil présidentiel, à l’issue de l’imbroglio survenu à la proclamation des résultats, bien de ces éléments ont regagné l’Hôtel du Golf. Quartier général de Alassane Ouattara, qui a reconduit leur secrétaire général, Guillaume Soro, à son poste de Premier ministre. Poste qu’il cumule avec le porte-feuille de la défense pour les besoins de la situation. A ce jour, les Forces nouvelles réclament 800 éléments au Golf Hôtel pour les Forces nouvelles du CCI, qui étaient présents à Abidjan, et leurs armes? Sont-ils retournés à Bouaké, leur base? Toujours est-il que dans l’opinion abidjanaise, l’on soupçonne les hommes de Soro d’avoir infesté le plus grand district de Côte d’Ivoire. Notamment les communes populaires comme Anyama et Abobo où les FDS se font plus regardants. D’où l’opération dite de démantèlement de caches d’armes, qui a viré aux affrontements meurtriers des mardi et mercredi dernier. Au lendemain de ces tueries, avant qu’on ne les pointe du doigt, les Forces nouvelles se sont empressées de réagir. Dans un communiqué produit par leur porte-parole, Félicien Sékongo, Soro et ses hommes ont très vite décliné toute responsabilité les concernant. «Les Forces Nouvelles tiennent à préciser que soucieuses qu’elles sont du respect de la vie des Ivoiriens, elles ne sont ni de prêt, ni de loin impliquées dans ces affrontements.(…).
Comprenons tous que les affrontements d’Abobo et d’Anyama sont des combats qui opposent des FDS à leurs frères d’armes FDS d’une part et d’autre part, des FDS à des milices étrangères au service de M. Laurent Gbagbo». Diversion ou réalité? Toujours est-il que les FN de Soro disent ne pas se sentir concernées par les violences d’Abobo. Qui donc tire sur les policiers en opération?
Sont-ce des soldats pro-Ouattara au sein des FDS (le mentor réclamant plus de 64% de voix dans les caserne au 2ème tour), qui tirent sur leurs frères d’armes pro-Gbagbo? L’armée serait-elle alors divisée, contrairement à ce qu’elle laisse croire? Pourquoi, jusque-là, n’a-t-on pas communiqué l’identité des assaillants? Stratégie militaire oblige? D’où sortent ces hommes avec des armes de guerre qu’on ne peut dissimuler? Comment ces armes ont-elles pu rentrer sur Abidjan? Y a-t-il des complicités internes aux FDS? Pourquoi Abobo et Anyama? En stigmatisant, une fois de plus, le racket, qui laisse poreuse les dispositifs de sécurité, l’autre hypothèse, c’est cette autre opération dite »Cyrus » qui se trouve dénoncée sur Internet. Celle-ci serait relative à un assaut probable de soldats français, entrainés au maniement des langues du pays et infiltrés dans les populations, qui attendraient dans des quartiers périphériques et favorables à leur action comme Anyama, Abobo ou Adjamé. Vrai ou faux ? Une chose est certaine, des hommes en armes, lourdement armés, menacent la quiétude des FDS à Abidjan. L’exemple, cette semaine, d’Abobo et d’Anyama, sont des signes précurseurs d’une guérilla urbaine, qui guette le camp Gbagbo. A l’image des violents affrontements, qui ont causé beaucoup de dégâts et occasionné des milliers de morts, il y a quelques années, à Monrovia, la capitale du Liberia voisin. Dans ce pays, des factions armées ont livré combat, jusqu’aux portes du Palais de Monrovia, avec les forces de défense restées fidèles au président d’alors Charles Taylor, dans une guerre comme celle qui menace la Côte d’Ivoire, pour le contrôle de l’Exécutif. En suivant de près, ce qui se passe à Abidjan, le schéma des zones d’affrontement ressemble fort bien à un plan de partition de la capitale économique ivoirienne. La configuration politique actuelle sur le terrain laisse entrevoir un axe Anyama, Abobo, Adjamé – zones chaudes où Laurent Gbagbo se trouve minoritaire face à ses adversaires – très favorables à une telle partition face au pouvoir contesté du champion de La majorité présidentielle (LMP). La Côte d’Ivoire n’est pas au bout de ses peines avec le blocage institutionnel actuel. Le feu couve gravement. Le risque d’explosion est énorme face à des dirigeants politiques prêts à tout sauf préserver les vies des populations dont ils prétendent, de manière machiavélique, lutter pour le bien-être.
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