La ligue ivoirienne des droits de l’homme (Lidho) dans un communiqué qui nous est parvenu condamne les récents affrontements et incidents survenus dans le pays. Lire le communiqué.
DECLARATION DE LA LIDHO RELATIVE
A LA SITUATION SOCIOPOLITIQUE EN COTE D’IVOIRE
Depuis le second tour de l’élection présidentielle et la proclamation des résultats contradictoires par la Commission Electorale Indépendante et le Conseil Constitutionnel, la Côte d’ivoire est (re)plongée dans une crise sociopolitique avec ses corollaires de graves violations de Droits de l’Homme dont malheureusement le droit à la vie. Ces violations, loin de s’arrêter malgré les appels répétés de la LIDHO à toutes les autorités politiques, administratives et militaires, ainsi qu’aux populations, connaissent au contraire une évolution qui laisse planer le sceptre d’une guerre civile. En témoignent les faits suivants.
I-LES FAITS
A travers les divers canaux de diffusion de l’Information et les rapports de ses sections d’Abidjan et de l’intérieur du pays, la LIDHO est constamment tenue au fait des événements douloureux qui ont secoué le pays çà et là, occasionnant des morts, des disparus, des blessés graves, des destructions de biens meubles et immeubles. Ainsi, du 03 au 13 janvier 2011, la LIDHO a noté ce qui suit :
A Duékoué : un conflit intercommunautaire opposant les populations majoritairement originaires du Nord (Malinké, Sénoufo, lobi …) et de l’espace CEDEAO (Burkinabé, Maliens …) aux autochtones Wê a causé la perte en vie d’une trentaine de personnes, des centaines de blessés et de milliers de déplacés à l’intérieur de Duékoué (plus de 12000 individus à la Mission Catholique et près de 1000 à l’Eglise Protestante), ainsi qu’à Man (près de 2000 déplacés) et aux frontières entre le Libéria, la Guinée et la Côte d’Ivoire (plus de 20 000 déplacés).
Les principales victimes de ces affrontements armés sont majoritairement des femmes et des enfants. La raison du conflit réside dans la désinformation et la rumeur. Rendue surchauffée par la crise postélectorale et la méfiance qui s’est installée entre les populations, l’affrontement était inévitable, surtout que cette région proche du Libéria se caractérise comme un terreau fertile à la prolifération d’armes légères et de petits calibres.
A Zuénoula : un affrontement entre les communautés autochtones Gouro et allogènes Malinkés a causé la mort de trois personnes.
A Oumé : les autochtones Gagou et les allogènes Baoulé se sont affrontés, occasionnant de nombreux blessés et des destructions de biens.
A Daoukro : des militants du RHDP, répondant à l’appel à la désobéissance civile lancé par le Gouvernement Ouattara ont été bastonnés par les FDS, des blessés graves ont été enregistrés.
A Bondoukou : des jeunes du RHDP ont saccagé le domicile de M. Sécré Kouamé Richard, Ministre du Tourisme et de l’Artisanat du Gouvernement Gbagbo. En réaction, les FDS ont battu les jeunes parmi lesquels on dénombre de nombreux blessés.
A Lakota : Sous le prétexte de réguler le transport en commun, des jeunes Dida et Malinké en sont venus à s’affronter. Le bilan de cet affrontement fait état de morts (2 ou 4) selon la Presse, des blessés et des dégâts matériels importants.
A Abobo : des affrontements entre les FDS et des individus armés ont eu lieu dans le quartier PK 18. Le bilan de ces affrontements établi par la Police fait état de 9 morts dont 3 du côté des populations et 6 du côté des FDS.
Ces faits appellent de la LIDHO l’analyse suivante.
II- L’ANALYSE
Pour la LIDHO, les faits tels que rappelés supra sont graves en ce qu’ils sont attentatoires aux droits de l’Homme protégés par les textes internationaux ratifiés par la Côte d’Ivoire et par la Constitution ivoirienne.
A Duékoué se déroule particulièrement un drame humanitaire auquel il urge d’apporter une réponse adéquate et efficiente.
Pour les autres localités où des affrontements intercommunautaires ont été observés, la LIDHO craint qu’elle ne fasse école ailleurs, car les risques d’un affrontement généralisé entre les populations seraient la porte ouverte à la guerre civile qu’aucun être sensé ne saurait accepter encore moins souhaiter en raison de ces conséquences incalculables.
En ce qui concerne les descentes des FDS à la recherche d’armes illégalement détenues par des individus, la LIDHO, tout en reconnaissant le bien fondé, note qu’elles devraient se faire avec davantage de précision et d’efficacité pour éviter de faire des victimes innocentes.
En conséquence de cette analyse, la LIDHO fait les recommandations suivantes.
III- LES RECOMMANDATIONS
Aux autorités politiques et militaires
La LIDHO leur demande de prendre toutes les mesures visant à faire immédiatement cesser les violations de Droits de l’Homme engendrées par les affrontements entre groupes ethniques sur fonds de rivalité politique. La LIDHO les tient pour responsables de tout ce qui arrive aux populations civiles.
La LIDHO leur demande de trouver une solution pacifique, négociée à la crise postélectorale pour éviter d’autres coulées de sang d’êtres humains, de sang d’ivoiriens, de sang de frères et sœurs.
Particulièrement aux FDS, la LIDHO leur demande d’avoir un esprit républicain de protection de l’ensemble des populations sans distinction d’ethnie, de région et de réligion.
A la Commission Internationale d’Enquête
La LIDHO, après avoir salué l’initiative de sa création, quoique n’y figure aucune ONG de Droits de l’Homme, lui demande prestement de se mettre au travail afin de faire cesser toutes les violations de Droits de l’Homme comme le stipule clairement son mandat.
Aux populations
La LIDHO les appelle au calme et à la retenue. Elle leur rappelle que la crise postélectorale est une crise politique qui ne regarde que les politiques. Par conséquent, la LIDHO leur demande de s’en éloigner et de laisser jouer la diplomatie et la médiation politique.
En outre, la LIDHO, tout en leur reconnaissant leur droit légitime à la sécurité, leur demande de se désolidariser de toutes actions violentes illégitimes.
Aux familles des morts et aux blessés de ces événements
La LIDHO salue la mémoire des morts (FDS et civils). Elle présente à leurs familles respectives ses condoléances les plus attristées. Aux blessés, la LIDHO souhaite un prompt rétablissement.
Aux déplacés
La LIDHO leur exprime sa compassion.
Elle appelle les ONG Humanitaires et toutes les bonnes volontés à leur apporter de toute urgence l’aide et le secours nécessaires car il s’agit d’un véritable drame humanitaire.
CONCLUSION
La LIDHO regrette la survenue de tant de violations alors que les élections étaient censées y mettre un terme. Toutefois, rejetant toute idée de fatalité, la LIDHO invite les populations ivoiriennes à garder espoir pour un avenir bientôt plus radieux.
Fait à Abidjan, le 13 janvier 2011
Pour le BEN de la LIDHO
Le Président
Dr André Banhouman KAMATE
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