Tout ce qui se passe depuis ces dernières quarante huit heures à Abobo, un quartier populaire d’Abidjan, sont les premiers signes avant-coureurs du grand malaise qui traverse actuellement le camp Gbagbo Laurent. Et singulièrement, le malaise qui mine son seul instrument de confiscation d’un pouvoir qu’il a perdu dans les urnes, le 28 novembre dernier. L’armée ou du moins, ceux de cette grande muette qui ont choisi de marcher avec l’ancien président dans la grande forfaiture d’usurpation d’un pouvoir que le peuple souverain de Côte d’Ivoire a confié, à 54%, à Alassane Ouattara.
Gbagbo pris en otage ?
Si le récent passage de l’ancien président nigérian, pour tenter de dénouer pacifiquement la crise, n’a rien donné de notable, elle a, par contre, selon des sources bien introduites, fait bouger les lignes chez Laurent Gbagbo. Il revient que depuis le départ d’Olusegun Obasanjo et la poursuite des pressions diplomatiques et financières, l’ancien chef de l’Etat ivoirien a commencé à envisager un retrait pacifique. Certains disent qu’il est en train de foncer tout droit dans le mur. Et à présent, convaincu qu’il est, que ses espoirs de voir la communauté internationale abandonner et lui laisser le pouvoir ne sont que pures rêveries. Il se serait, à ce sujet, confié à certains de ses proches du dernier carré. Mais les ultras de son camp, dirigés par son épouse Simone Gbagbo, le général Dogbo Blé et le ministre Guiriéoulou, se sont opposés à toute idée de retrait. Ces derniers l’ont même menacé et se sont décidés à prendre les devants. Et c’est pour prouver au chef que la résistance va payer que Dogbo Blé et Guiriéoulou ont entrepris de faire le siège d’Abobo.
Fissures au sein des troupes
Le patron de la Garde républicaine et le ministre de l’Intérieur de l’ex-président ivoirien décident, de commun accord, de soumettre Abobo, qui passe pour être dans la capitale ivoirienne le plus grand fief de leur rival, Alassane Ouattara, à un siège militaro policier. L’opération est montée mais à la dernière minute, Dogbo Blé, prétextant qu’il doit protéger les institutions et le Président Laurent Gbagbo, refuse de mettre ses hommes en avant. Dans la nuit du lundi au mardi matin, le ministre de l’Intérieur de Gbagbo, Emile Guiriéoulou donne l’ordre à la police de passer à l’action. Selon lui, cette opération avait pour objectif de débarrasser cette commune de « grands bandits armés». Mal coordonnée et, surtout, sans l’accord de la chaîne de commandement complète de l’Etat-major des FDS, les policiers de Guiriéoulou tombent sur une farouche résistance des populations qui se solde par de nombreuses pertes en vies humaines. Une fois de plus, le camp de Gbagbo venait de verser le sang des Ivoiriens. Mais pour la première fois, des policiers sont tués en grand nombre. Cela, pour la simple raison que pendant l’attaque d’Abobo PK18, aucun autre corps n’a osé répondre à l’appel d’appui lancé par les éléments sur le théâtre des opérations. Il ressort que des chefs de corps ou d’unités, appelés en renfort, ont refusé d’engager leur troupe dans une action qu’ils ne maitrisaient pas. Naturellement, selon certaines indiscrétions, une réunion a eu lieu le mardi au niveau des FDS. A cette réunion, la crème de la hiérarchie militaire aurait reproché au Général Dogbo Blé ses agissements non coordonnés. Vraisemblablement, Dogbo Blé et Guiriéoulou n’ont tiré aucune leçon du mardi. Ils ont remis çà hier et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les policiers en mission et les populations riveraines ont connu de lourdes pertes. On parle de plus d’une vingtaine de tués. Une autre réunion a été convoquée hier avec Gbagbo et à cette séance, le général Dogbo, informe une source anonyme, aurait fait la proposition d’envahir Abobo et de soumettre la population par le feu des canons. Ce que la plupart des gradés et chefs de corps ont refusé. Finalement, il en aurait été dissuadé par Gbagbo lui-même. Ce dernier craignant d’aggraver son sort en cas de “massacre” massif des populations civiles à Abobo.
Les agissements de Dogbo Blé et d’Emile Guiriéoulou laissent clairement transparaître le grand malaise qui étreint la grande muette. Les dissensions sont claires et de plus en plus, plusieurs chefs de corps se désolidarisent des missions punitives qui se soldent par des tueries massives d’innocentes populations. Cette manière de faire des ultras de Gbagbo, avec à leur tête Simone Gbagbo, prouve que les opérations ne sont pas coordonnées normalement par la chaîne de commandement tenue par le Général Philippe Mangou. Selon des propos rapportés par une radio de la place, des hommes de l’armée loyaliste ont revendiqué les attaques contre leurs propres collègues.
Cependant, le Chef d’Etat-major de l’armée a attribué les attaques d’Abobo “aux hommes politiques du Golf Hôtel qui ont appelé à la désobéissance civile”.
Les populations abandonnées à leur sort
Attaquées chaque nuit, violées, pillées et tuées, les populations de cette grande cité dortoir d’Abidjan ont fini par en avoir marre. Et depuis, elles tentent de résister à la furia meurtrière des hommes de Gbagbo Laurent. Pendant deux jours et deux nuits, elles ont luttés pour préserver leur vie contre ceux qui sont censés les protéger. Parce qu’elles n’avaient d’autres recours que de bander leurs muscles. Tous les appels jusque-là, à l’attention des FDS et surtout des soldats onusiens sont restés vains. Pourtant, les Casques bleus, qui interviennent sous le chapitre 7 des Nations Unies, ont le devoir de protéger les civils. Malheureusement, Gbagbo, battu dans les urnes et qui tente d’asseoir une dictature les fait tuer sans que l’armée ivoirienne trouve à redire (si elle ne se montre pas de complice des miliciens et autres mercenaires tueurs). Et l’Onuci assiste passivement à ce génocide. C’est le lieu d’attirer l’attention de toute la communauté internationale qui doit tout faire pour freiner ce cycle de violence. Sinon, l’exemple d’Abobo risque de faire des émules.
Koné Lassiné
Le Patriote
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