La déclaration des évêques du 03 janvier 2010 relative à l’intervention armée prévue en Côte d’Ivoire par l’organisation sous régionale ouest africaine n’a certainement pas échappé à bon nombre de chrétiens, tant elle a été relayée par diverses presses. Et si leur appel à l’apaisement rencontre l’assentiment d’une frange considérable de la population, il n’en demeure pas moins que certaines allusions et les circonstances du message suscitent bien d’interrogations.
Pourquoi cette déclaration en marge du forum des confessions religieuses, alors que l’habitude nous avait été donnée de les voir ensemble porter les messages de paix, démentant ainsi l’opinion selon laquelle le drame vécu par notre pays reposait sur un conflit religieux ? Peut-on admettre que des dignitaires d’une Eglise, catholique de surcroît, trouvent argument dans un prétendu principe de solidarité africaine donc régionale, plutôt qu’universelle selon l’essence même de la dénomination de cette Eglise, et ce dans un but proprement égoïste puisqu’il s’agit de se préserver soi-même ? Quand la case du voisin brûle il faut l’aider à éteindre l’incendie pour éviter de voir la sienne s’embraser, rappellent-ils, comme si renoncer à une intervention armée signifiait porter secours à la Côte d’Ivoire.
Quel crédit donner à leurs différents appels y compris celui au respect des droits de l’homme par l’ONU, une institution virtuelle alors que, des années durant, des populations ont été privées de leurs droits les plus élémentaires si elles n’ont été victimes d’exactions qui se poursuivent encore aujourd’hui au nez et à la barbe de tous, par des personnes physiques, accessibles ? Enfin, à quoi rime cette invite à la sauvegarde de la dignité et de la souveraineté de notre pays par le respect de ses Institutions, quand on sait que l’une d’elle est, fort justement, à la base des troubles actuels qui ont vu disparaître au propre comme au figuré tant de victimes ? On est tenté de leur demander, même avec tout le respect qui leur est dû, à quoi se résume la Côte d’Ivoire ? Quelles en sont les limites ?
Autant de questions qui dévoilent le caractère exclusiviste de cette intervention, laquelle, on s’en doute, ne pouvait que provoquer de vives réactions parce que venant d’Autorités ecclésiastiques ; D’autant plus que cet exclusivisme se ressent fortement dans les comportements et les propos de bon nombre de chrétiens dans le contexte actuel du pays, suscitant inquiétudes et tristesse. C’est pourquoi, j’ai considéré qu’il était du devoir de tout chrétien d’interpeller tous nos frères et sœurs quelque soit leur statut dans l’Eglise, sur la nécessité de s’imprégner des valeurs de leur confession, pour endiguer le péril qui guette notre maison commune ; Car, s’il est une institution à sauvegarder, c’est bien Elle parce qu’elle est la plus illustre en ce domaine, n’étant pas une œuvre des hommes, mais de Celui dont nous nous réclamons et qui nous l’a confiée : Le Christ.
MAIS, SOMMES-NOUS VRAIMENT CHRETIENS ?
Prêtres (toutes hiérarchies confondues), Pasteurs et laïcs, osons nous poser la question, sans pour autant se précipiter pour y donner suite car être baptisés et avoir la foi ne suffisent pas à répondre par l’affirmative. J’ai appris que «la foi était d’abord une question d’intelligence et non de croyances. Les hommes sont lâches, veules et violents souvent non pas par méchanceté, mais par faute de cette intelligence qui nous fait apercevoir la désertique illusion des mirages du court terme et des satisfactions immédiates. J’ai appris que la sagesse, qui est le reflet de cette foi, est un souffle qui nous porte à prendre le contrepied des repères du monde actuel.»
Sommes-nous vraiment chrétiens ? J’ai appris qu’«il fallait porter cette question dans l’humilité et la patience, deux vertus essentielles : l’humilité parce qu’elle nous rappelle que la Vérité n’est pas notre œuvre, celle de notre volonté et de nos actes, qu’elle n’est pas notre possession, celle de nos idées et de nos projets, mais un don de Dieu dont nous ne connaissons que l’approche discrète et fidèle par le cœur. La Vérité est d’abord silencieuse et intérieure. La patience en est la conséquence. Patience envers soi-même, patience envers le monde car la foi qui nous manque le plus, c’est celle de l’espérance, cette conscience d’attendre de Dieu la –réalisation- de nos désirs et la nourriture de nos faims.»
Sommes-nous vraiment chrétiens ? J’ai appris qu’«il fallait cependant oser nous dire chrétiens, non par vantardise ou par habitude, mais par grâce. Car, baptisés et confirmés dans l’enfance de Dieu en ce monde, nous portons bon gré, mal gré ce projet de salut du Christ -avec qui nous formons l’Eglise-. Cette Eglise, c’est l’honneur de Dieu qu’Il nous remet entre les mains pour qu’en nous voyant agir, Il soit connu et aimé. Oui, nous sommes responsables de l’honneur de Dieu en ce monde qui en parle trop –sans- le connaître en vérité. L’Honneur de Dieu est mis à l’épreuve quand nous sommes médiocrement évangéliques et timidement frileux à l’accueil de sa grâce.»
Ces enseignements sont extraits d’un livre intitulé « lettre à un jeune chrétien ». Ils sont rapportés ici avec une rigoureuse fidélité dans les termes pour ne pas diluer la moindre parcelle de leur valeur, vu les conjonctures politique et sociale actuelles ; Ce, d’autant plus qu’ils sont dispensés par un Evêque (aujourd’hui Archevêque), assurément formé aux mêmes principes chrétiens que ceux dont l’attitude trouble aujourd’hui de nombreux chrétiens, voire des non-chrétiens.
Quand bien même elles seraient adressées à un jeune, ces instructions sont de nature à préciser les obligations de tous les chrétiens dans la société, au nom du Christ et de son Eglise, pour être dignes de répondre par l’affirmative à la question qui nous est posée et que nous devons nous poser devant chaque situation, avant chaque engagement « Sommes vraiment Chrétiens ». Mieux, ils nous aident à ouvrir les yeux et les oreilles de nos cœurs au langage biblique que nous croyons saisir mais qui semble nous être encore hermétique.
Sinon, comment comprendre que nous soyons demeurés sourds aux messages d’espérance et de délivrance que n’a cesse de nous transmettre la liturgie de l’Avent ? Citons au hasard quelques versets, tirés des écrits de Prophètes, de Psaumes ou de l’Evangile : « Ce jour là, le Seigneur…enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples et le linceul qui couvrait toutes les nations. Il détruira la mort pour toujours ; il essuiera les larmes sur tous les visages et par toute la terre, il effacera l’humiliation de son peuple » (Isaïe 25, 6- 8) et du même prophète au chapitre 29, 19-21 «…de plus en plus, les humbles se réjouiront, … car ce sera la fin des tyrans, ceux qui se moquent de Dieu disparaîtront, et tous les gens empressés à mal faire seront exterminés, ceux qui font condamner quelqu’un par leur témoignage, qui faussent les débats du tribunal et font tomber l’innocent par leurs mensonges». Ou encore « Je veux, dit le Seigneur, apporter la Paix, non le malheur, et vous donner un avenir plein d’espérance. Alors vous m’invoquerez et je vous écouterai. Vous me chercherez et vous me trouverez parce que vous m’aurez désiré de tout votre cœur ! » (Jérémie 29, 11-13).
Et ailleurs, l’invitation à la prudence dans les jugements que nous nous permettons parce que nous ne recherchons pas toujours, à travers la sagesse de Dieu, le vrai sens des choses de ce monde : « Jean-Baptiste est venu ; en effet il ne mange pas, il ne boit pas, et l’on dit « C’est un possédé ! ». Le fils de l’Homme est venu ; Il mange, il boit et l’on dit : « C’est un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs » Mais la sagesse de Dieu se révèle juste à travers ce qu’elle fait ». (Matthieu 11, 19). Cette invitation est importante parce que l’exaucement de nos nombreuses prières en est fonction. Dieu nous écoute quand nous faisons une demande conforme à sa volonté. C’est St Jean qui le dit dans sa première lettre au chapitre 5, verset 14. Nous le savons tous, Dieu est fidèle en ce qu’Il dit, et nul ne peut prétendre connaître les voies qu’Il emprunte pour l’exaucement de nos prières. Elles peuvent être tortueuses et douloureuses, mais Dieu est juste en tout ce qu’Il fait. Mettons notre foi dans nos prières et gardons notre confiance en Lui.
Nous le pensons, l’Eglise est pleinement dans son rôle quand elle s’immisce dans la politique, car c’est en elle que peut mieux s’exercer sa mission si tant est que le rôle de la politique est d’organiser la société pour son bien-être. Mais elle doit le faire dans le strict respect de ses principes et de ses valeurs qui sont universelles. C’est de l’univers que Christ est Roi, et non de ce monde, c’est Lui-même qui l’a dit. (Jean 18,36). Le monde est des ténèbres et c’est pourquoi nous avons la charge de l’éclairer avec l’aide précieuse de nos guides, nos Autorités ecclésiastiques : « Vous êtes la lumière du monde ». (Matthieu 5,14).
Chers frères et sœurs en Christ, l’Avent « oriente nos regards vers la fin de toutes choses ». Que ce que nous vivons actuellement se situe dans cette période n’est pas fortuit et devrait nous amener à réfléchir, à observer ce qui se passe autour de nous pour réaliser que toutes les révoltes qui éclatent sont des coquilles d’œufs qui se brisent pour des omelettes au goût d’un meilleur avenir. Si ailleurs elles conduisent à l’amélioration des conditions de vie, pourquoi devrions-nous nous enfermer dans notre aveuglement ? C’est là que l’Eglise a un rôle à jouer. Elle doit continuer d’œuvrer à guérir le peuple qui lui est confié, de cette cécité spirituelle qui l’éloigne des desseins de Dieu.
Je remercie particulièrement nos Autorités religieuses ainsi que celles des autres confessions, qui ont su adopter des attitudes courageuses durant toutes ces périodes difficiles en conservant parfois contre leur gré une impartialité, afin de mieux conduire le peuple de Dieu. Que le Tout-Puissant les fortifie en les éclairant davantage et toujours. Et que l’œcuménisme s’instaure davantage pour la consolidation des rapports entre les fils et filles de ce pays. A tous ceux que les flux de vérités et contre-vérités ont entraînés dans un tourbillon, et plus particulièrement aux chrétiens avec en tête les conducteurs de nos Ames, je lance un appel à regarder le Christ : Jésus n’a pas été là que pour le peuple de sa race ou ses disciples. Il a guéri la fille malade d’une cananéenne, répondu à l’appel du centurion romain pour son esclave, il a éprouvé de la tendresse pour la samaritaine. Il a répondu à l’appel de tous, y compris des Etrangers.
Le CHRIST a mangé à la table des publicains, n’a pas rejeté la prostituée. Il n’a pas craint de bouleverser les convenances, sachant les conséquences des résistances qui en découleraient. Il a prévenu que ceux qui le suivront seraient insultés et persécutés, mais qu’ils devraient porter leurs croix. (Lc 14,27). O prêtres, sachant cela vous avez accepté de le servir, ainsi que nous tous, mes frères, mes sœurs. Ne réduisons pas l’EVANGILE, la Bonne Nouvelle, à d’inutiles sermons. Avec un peu de foi, Dieu mettra assurément sa puissance à notre service, et ainsi, nous pourrons résister aux prestiges des slogans et à l’appât des biens éphémères, pour ne rechercher que la Vérité et la poursuivre. Lui la connaît et nous donnera en toute justice le dirigeant qui convient à notre chère patrie.
Chers Evêques, vous savez mieux que quiconque ce qui précède, vous « avez » le don de Dieu ! Vous savez la grâce exceptionnelle et divine que vous avez de Représenter son Fils unique sur cette terre des hommes ! Vous avez la conscience du pouvoir que cette grâce vous procurerait si « vous aviez une Foi « même » grosse comme un grain de moutarde ! Et cet honneur exceptionnel de lier et délier ce qu’il convient dans le cadre de vos fonctions ! Qui sauriez-vous craindre ici-bas ? Devant qui trembleriez-vous ? Il n’y a rien sur cette terre qui vaille la peine de perdre tant d’avantages divins. « Cherchons à sauvegarder et à préserver la dignité et la souveraineté de notre Eglise, en la respectant et en faisant respecter ses principes et ses valeurs dans le dialogue œcuménique et dans la concertation franche, sincère et fraternelle ». C’est ainsi et seulement ainsi que la Côte d’Ivoire sera sauvée et qu’elle retrouvera la paix, non pas celle des hommes (vous avez vu ce qu’elle devient), mais celle de Dieu, solide et pérenne.
Que Dieu sauve la Côte d’Ivoire !!! Qu’Il protège et bénisse les Pasteurs de son Eglise, ainsi que tous ceux qui confessent son saint nom !
Jordane Kohn
Chrétienne catholique pratiquante
Fière d’être Ivoirienne
Kjord2010@yahoo.fr
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