Sem Philip Carter III
L ‘Ambassadeur des Etats-Unis était face à la presse hier pour donner la position de son pays sur la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Nous vous proposons l’intégralité de son intervention.
Pour les Etats-Unis, le processus démocratique est quelque chose de très important. Comme je l’ai déjà dit, les Etats-Unis n’ont pas de candidat. Nous sommes ici pour soutenir un processus. Nous avons été impressionnés par le déroulement des élections du 28 novembre dernier. Nous avons pu constater tout comme les autres observateurs nationaux et internationaux que le scrutin s’est grosso modo très bien déroulé. Il y a eu des incidents mais généralement tout s’est bien passé avec un taux de participation de plus de 80% pour les deux tours. C’est un fait très positif pour l’avènement de la démocratie en Côte d’Ivoire. Mais, après cela, il y a eu des confusions entre les institutions. Finalement, les Nations unies ont certifié les résultats comme prévu par les accords de Ouagadougou et toutes les résolutions du conseil de sécurité. Cette certification des Nations Unies était claire. M. Ouattara a gagné cette élection avec 54,10% et que M. Gbagbo en a eu 45,90%. Avec la certification, nous avons aussi noté que la Cedeao, l’Union africaine (Ua), l’Union européenne, les Nations Unies, ont accepté les résultats de ce scrutin et la confirmation que M. Ouattara a gagné. Et le président de la République, c’est M. Ouattara. C’est aussi l’avis des Etats-unis. Maintenant, il s’agit de voir comment on peut trouver une solution, une transition entre le président sortant, Laurent Gbagbo et le président élu, M. Ouattara. C’est le défi actuel. Nous sommes très préoccupés par les évènements qui se sont passés après le 2ème tour, particulièrement les violations des droits de l’homme ici en Côte d’Ivoire, surtout à Abidjan et dans le grand Ouest. Nous sommes très inquiets de la situation à Duekoué et à Man. Il y a plus de 22.000 réfugiés dont 20.000 au Libéria. Et le flot continue. Ce sont 1 000 à 2 000 déplacés chaque jour. Nous avons aussi trouvé des réfugiés en Guinée. Il y a aussi des gens qui ont disparu. Nous avons constaté que les Nations Unies ont enregistré 210 tués, assassinés après le 1er tour. Je pense que ce chiffre a monté. Il est question de milices et d’escadrons de la mort. C’est très inquiétant. La Cour pénale internationale (Cpi), les Nations Unies et tout le monde ont constaté que les droits de l’homme sont violés ici en Côte d’Ivoire (…) Les élections devraient sortir la Côte d’Ivoire d’une crise de presque 15 ans. Elles devraient contribuer au renforcement du processus de réconciliation, d’unification pour régler la question de la cohésion sociale et pour relever la croissance économique de la Côte d’Ivoire. Le refus d’acceptation par M. Gbagbo des résultats des élections a créé une crise qui a débouché sur des problèmes de droits de l’homme, de la chute de l’économie, de cohésion sociale mise à mal, de menace sur l’intégrité physique des civils dans le grand Ouest, de tension perceptible partout. Pour nous, les choses sont claires. Si vous avez accepté d’avoir un processus démocratique des élections qui se sont bien déroulées, acceptable pour la communauté internationale et des observateurs nationaux, si vous avez accepté les conditions préalables de cette élection, vous devez accepter les résultats. Je sais qu’il y a un débat ici sur la question des institutions entre la Cei et le Conseil constitutionnel. A mon avis, c’est une question institutionnelle en Côte d’Ivoire. J’espère que le gouvernement du président Ouattara va régler ce problème pour éviter à l’avenir la même confusion. Mais cette situation de la Côte d’Ivoire est unique en son genre. C’est la raison pour laquelle, nous avons cette position. Parce que les Nations Unies ont été invitées à certifier les élections. On peut dire c’est une bonne ou mauvaise chose, mais c’est quand même cela la réalité. Et avec cette réalité, nous avons constaté que la certification de l’Onuci a été très rigoureuse, transparente, indépendante et impartiale. En réalité, la question de savoir qui a gagné les élections n’est pas une question d’interprétation. C’est une question de faits, les données sont là. Par conséquent, pour les Etats-Unis, c’est clair que M. Gbagbo doit accepter les résultats du scrutin qui donnent M. Ouattara vainqueur des élections. Il doit reconnaître M. Ouattara comme le président de Côte d’Ivoire. Il doit partir. Nous voulons le voir faire une sortie honorable, digne, respectable parce qu’il a fait beaucoup de choses pour la Côte d’Ivoire : le multipartisme, le bulletin unique, le règlement des questions d’identité. C’est impressionnant. Il faut aussi noter que Lmp a gagné 45% des voix. Elle a un rôle politique parce que c’est clair que M. Ouattara doit utiliser tous les partis politiques pour faire avancer la Côte d’Ivoire. Mais là n’est pas le débat. En Côte d’Ivoire, ce dont il s’agit, c’est la crise. Ici, il y a une crise politique, ce n’est pas une crise électorale. Car, la question d’élection est claire parce que nous avons la certification des Nations Unies et surtout le taux de participation le plus élevé du monde et une observation très profonde et extensible. Bon déroulement des élections, bonne observation, bon comptage des résultats par les Nations-Unies. Il n’y a donc pas un problème électoral, ni de résultat. Le problème, c’est l’acceptation d’une partie de ces résultats et de sortir d’une manière positive pour améliorer les conditions des populations en Côte d’Ivoire. Ça, c’est la vision des Etats-Unis. Nous sommes en train de travailler avec tous les groupes pour assurer cette transition positive. Nous avons collaboré avec la communauté internationale dans ce sens. Et c’est quelque chose d’unique parce que toute la communauté internationale a accepté le résultat, la certification des Nations-Unies. Tout le monde, sans exception, le Conseil de sécurité, l’Union africaine, l’Union européenne, la Cedeao, les Etats-Unis, le Japon, la Chine, etc. ce n’est pas une question d’un pays qui soutient quelqu’un parce qu’il a un intérêt ici, non. C’est un phénomène global. Et pour cela, pour résoudre la crise, il faut que M. Gbagbo parte, sinon ça va poser d’énormes problèmes pour la Côte d’Ivoire. Je pense à l’isolement de M. Gbagbo et son entourage à travers les interdictions de voyage, les problèmes de visas, les sanctions financières et surtout les autorités et institutions internationales qui ne reconnaissent que M. Ouattara comme président élu. Le cas de la Bceao qui ne reconnait que la signature de M. Ouattara. Cela a des implications économiques. C’est simple, mais en même temps difficile de convaincre quelqu’un qui a perdu les Etats-Unis (…) En ce qui me concerne, je suis d’habitude franc et très direct. En ce qui concerne notre présence ici, l’ambassade est ouverte. Nous avons réduit le personnel, après le 16 décembre parce que l’ambassade est située dans une zone sensible. Elle a été touchée par une Rpg, mais j’ai confiance en notre bâtiment. Cependant, il ne reste que le personnel essentiel. Mais, je voudrais souligner que les Etats-Unis restent en Côte d’Ivoire. Nous allons continuer d’avoir des relations avec la Côte d’Ivoire parce que la Côte d’Ivoire est un pays clé pour la sous-région et pour l’Afrique. Cette élection est très importante non seulement pour les Ivoiriens, mais aussi pour la sous-région et pour le continent. C’est une question de renforcement de la démocratie africaine. Et nous allons collaborer avec toutes les institutions africaines, comme la Cedeao et l’Union africaine pour trouver une solution à cette crise.
Propos recueillis par
François Konan
Achetez tout le journal
——————————————————————————–
Le Nouveau Réveil © 2005. Tous droits réservés
Les commentaires sont fermés.