Hamadou ZIAO – L’Inter
« Mon adversaire n’a pas gagné les élections. Les seuls résultats légaux de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire sont ceux que le Conseil constitutionnel a proclamés. Le seul président de la République de Côte d’Ivoire, est celui que le Conseil constitutionnel a désigné ». Laurent Gbagbo est ainsi catégorique, et il le dit à qui veut l’entendre. De son côté, Alassane Ouattara se veut aussi ferme: « Je puis vous dire que la situation est bloquée du fait de Laurent Gbagbo. Il a perdu les élections, il s’accroche, il ne veut pas partir. Plus de 54 % d’Ivoiriens ont voté pour moi dans la transparence, au sortir d’élections démocratiques ». La situation post-électorale en Côte d’Ivoire se trouve parfaitement résumée dans ces propos des deux leaders ivoiriens, qui se disputent le fauteuil présidentiel depuis la proclamation des résultats du scrutin du 28 novembre 2010. Une situation de blocage liée à un véritable dialogue de sourds entre Gbagbo et Ouattara. Les deux candidats au second tour de l’élection présidentielle s’accrochent, chacun à sa victoire, et rejettent catégoriquement celle de l’autre. Cela montre surtout la difficulté qu’il y a à résoudre cette crise, tant les positions sont tranchées, dans un camp comme dans l’autre. L’impasse est donc totale. Et pas même les médiateurs africains, dépêchés à la fois par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Union africaine (Ua), après quatre voyages effectués sur les bords de la lagune Ebrié, ne sont encore parvenus à trouver une solution officielle à cette crise. Les États membres de l’organisation sous-régionale sont divisés sur la mise en oeuvre d’une intervention militaire, évoquée comme ultime solution par le camp Ouattara et endossée par la communauté internationale pour déloger Laurent Gbagbo du palais du Plateau. Les hauts risques perçus dans l’exécution de cette opération militaire, dont tous les contours ne semblent pas encore maîtrisés, freinent cependant les ardeurs. La communauté internationale, africaine comme européenne, qui affiche chaque jour son soutien au candidat déclaré élu par la Cei, veut éviter « un bain de sang en Côte d’Ivoire » à travers cette action militaire à haut risque, convaincue que les forces de la Cedeao feront face à une résistance sur place à Abidjan autour de Laurent Gbagbo. Conséquence: les propositions penchent désormais pour une solution pacifique, par la négociation. Mais là encore, le blocage subsiste. Les deux protagonistes de la crise post-électorale ne parlent pas, ou ne veulent pas parler le même langage. En tout cas pas encore. La possibilité de s’asseoir autour d’une table de discussion est plombée par des préalables. A l’appel au dialogue lancé par Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara exige la reconnaissance de sa victoire par son adversaire avant toute discussion. A la proposition de recomptage des voix et la mise en place d’un comité d’évaluation du scrutin du 28 novembre 2010, faite par le patron de la Refondation, un autre refus catégorique du mentor du Rassemblement des Républicains (Rdr). « Il n’est pas question de recompter les voix ou de mettre en place un comité d’évaluation post-électorale », a répondu Alassane Ouattara, sommant Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir.
A quand la fin ?
Difficile à dire qu’à faire. Le « ôte-toi de là que je m’y mette » d’Alassane Ouattara adressé à Laurent Gbagbo depuis le 28 novembre 2010, se heurte en effet à un refus catégorique du régime de la Refondation, convaincu d’avoir remporté les élections. Le régime Gbagbo, quoique secoué par les pressions internationales, l’isolement diplomatique et les tentatives d’étranglement financier, reste encore solidement fixé, fort du soutien des institutions ivoiriennes, à commencer par les Forces de défense et de sécurité nationales. De son côté, Alassane Ouattara et son gouvernement, bien que retranchés à l’hôtel du Golf, sont sous protection d’environ 800 casques bleus des forces onusiennes et de plusieurs centaines de soldats des Forces armées des Forces nouvelles (ex-rébellion). Ils sont cependant sous un blocus imposé depuis le 16 décembre dernier par des soldats des Forces de défense et de sécurité (Fds). Une sorte de prison dorée, qui limite les mouvements des membres du camp Ouattara, en dépit du soutien affiché de la communauté internationale. Le blocage est donc total. Comment sortir de ce tourbillon ? Par la force ou par la négociation ? Les Ivoiriens, sans défense et comme des otages, vont-ils subir le chaos ? Jusqu’où Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo sont-ils prêts à aller pour avoir ou pour garder le pouvoir. Autant de questions qui circulent sur les lèvres. A en croire des observateurs de la crise ivoirienne, tout est possible, vu que les deux hommes, Laurent et Alassane, affichent chacun une détermination solide à aller jusqu’au bout. Pas question de faire des concessions, compromis interdits. Le pouvoir, c’est toi ou c’est moi. Tout semble en effet dire que les deux leaders ivoiriens ont enfin l’occasion de livrer une bataille, à mort, que chacun d’eux prépare depuis des années. Une bataille finale, qui comme une catharsis, mettra fin à toutes les turpitudes que vit la Côte d’Ivoire depuis des années. Certains hommes de Dieu confient qu’ils l’ont vue, en songe comme une révélation. D’autres la déduisent des lectures des écritures saintes. D’autres encore notent que c’est le passage obligé pour une paix véritable en Côte d’Ivoire. Serait-ce cette « bataille de Kirina » que Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara préparent ? Les Ivoiriens retiennent leur souffle et ont le regard tourné vers les deux leaders.
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