Par Sabine Cessou | Libération.fr
Les deux plus grandes puissances africaines, le Nigeria et l’Afrique du Sud, se sont consultées hier sur la Côte d’Ivoire. « Nous allons tout faire pour persuader le président Gbagbo de quitter le pouvoir », a déclaré Odein Ajumogobia, ministre nigérian des Affaires étrangères. Si la voie diplomatique ne suffit pas, l’option militaire n’en reste pas moins « sur la table ». L’usage de « la force légitime pourrait impliquer d’autres membres de la communauté internationale », a précisé le ministre nigérian : « La Côte d’Ivoire n’est pas un problème nigérian, africain ou relevant de la Communauté économiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). C’est un problème global parce que des vies humaines sont perdues ».
Alors que 15 élections sont prévues cette année en Afrique, la Côte d’Ivoire va jouer comme un précédent important. Les présidents sortants, Idriss Déby au Tchad, Paul Biya au Cameroun ou Robert Mugabe au Zimbabwe, vont-ils continuer à se maintenir au pouvoir par la fraude, le coup de force électoral ou l’anéantissement de toute opposition ?
Au Nigeria, un pays qui va de coups d’Etat militaires en élections de civils depuis son indépendance, le dernier président élu, Yar’Adua, l’a été en 2007 lors d’un scrutin contesté. En avril prochain, l’actuel président Goodluck Jonathan, qui a succédé à Yar’Adua à sa mort en mai 2010, va chercher a asseoir sa légitimité par les urnes face à un rival de poids, l’ancien général-président Ibrahim Babangida.
Or, c’est le Nigeria qui fournit l’essentiel des effectifs d’une force militaire ouest-africaine, l’Ecomog (créée en 1990 pour s’interposer dans la guerre civile au Liberia) et qui se trouve aujourd’hui en première ligne pour organiser un raid visant Gbagbo en Côte d’Ivoire. A priori, les Casques blancs de l’Ecomog n’ont pas d’expérience en matière d’enlèvement de président sortant accroché au pouvoir. Dans leurs faits d’armes, ils comptent cependant la réinstallation d’un président élu : Ahmed Tedjan Kabbah, en Sierra Leone, avait retrouvé son fauteuil en 1998 après avoir été renversé un an plus tôt par une rébellion.
L’Ecomog s’était ensuite déployée avec moins de succès en Guinée Bissau, en 1998, pour s’interposer entre le président Nino Vieira et une mutinerie militaire. Malgré la négociation d’un accord de paix qui devait déboucher sur des élections, Nino Vieira avait été renversé en 1999 par un coup d’Etat. L’Ecomog avait également envoyé 1600 hommes pour soutenir le régime de Laurent Gbagbo, en 2002, lors de la rébellion des officiers nordistes en Côte d’Ivoire, intervenant aux côtés de la France (opération Licorne), puis sous mandat de l’Onu.
Les pertes essuyées au Liberia et en Sierra Leone, le rôle parfois controversé joué par les soldats nigérians, accusés d’avoir pris part à toutes sortes de trafics au Libéria, et l’apprentissage de la violence qu’ont faits de jeunes officiers devenus putschistes à leur retour au pays (en Gambie et en Guinée notamment), ont mis un frein aux ambitions de l’Ecomog. Depuis l’échec patent de l’intervention en Guinée-Bissau, le Nigeria préfère associer d’autres puissances à la force d’interposition ouest-africaine, telles que les Nations unies et l’Union africaine (UA). L’idée étant de ne plus assumer l’essentiel de la responsabilité dans la résolution des conflits de la sous-région.
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