Charles Kouassi
L’Intelligent d’Abidjan
Souriant et serein comme pour dire que les sanctions de l’UE et les pressions n’ont pas encore eu d’effets sur lui, ni sur l’ensemble du gouvernement, le porte-parole du gouvernement Aké N’Gbo est apparu hier sur le plateau du 20heures de la RTI pour annoncer une décision du Ministère des Affaires étrangères. Ainsi donc, le ministre Alcide Djédjé a décidé de mettre fin aux accréditations de Mme l’Ambassadeur du Canada en Côte d’Ivoire et de Monsieur l’Ambassadeur de la Grande Bretagne en Côte d’Ivoire. Toutefois, le communiqué précise que la diplomate canadienne garde son immunité et ses privilèges, puisque le ministre Alcide Djédjé lui donne le temps nécessaire pour partir de la Côte d’Ivoire. Cela signifie qu’elle ne sera pas chassée par la force, ni expulsée du pays jusqu’à nouvel ordre. De plus, le ministre Alcide Djédjé lui laisse l’initiative de la date de son départ, à condition qu’elle lui communique ladite date. Concernant l’Ambassadeur de la Grande Bretagne, il faut dire que sa résidence principale est à Accra. Même les services du Consulat ne sont plus à Abidjan. Il est bien à l’abri d’une quelconque mesure d’expulsion. Cela dit quels sont l’impact et les conséquences de cette mise à exécution partielle, mais non musclée pour l’heure, des menaces de représailles faites à l’époque par le gouvernement ? Peut-on dire qu’il s’agit d’une escalade ? D’abord, il faut noter que la réaction du Ministre Alcide Djédjé intervient près de deux semaines après les mesures prises par les autorités britannique et canadienne. Dans tous les cas depuis le début de la crise postélectorale, suite à la position exprimée par leurs pays, les ambassadeurs occidentaux ne considèrent plus le gouvernement Laurent Gbagbo comme leur principal interlocuteur. Ils ont reconnu Alassane Ouattara et ils ne s’en cachent pas. Ils n’étaient plus en contact avec Laurent Gbagbo. Donc pour l’Ambassadeur du Canada et de Grande Bretagne, rien ne change puisque le Ministre Alcide Djédjé ne fait que tirer les conséquences de leur attitude. Enfin, en ne décidant pas pour le moment, à une expulsion immédiate et manu militari, le ministre Alcide Djédjé maintient une courtoisie diplomatique qui attenue un tant soit peu la portée de ce coup diplomatique, non susceptible d’être perçue comme une déclaration de guerre, ni une rupture totale des relations diplomatiques Mais cela sera-t-il apprécié de la même manière par les pays concernés ? Vont-ils faire de la résistance et refuser de partir ? Le Canada et la Grande Bretagne vont-ils estimer qu’il s’agit d’une déclaration de guerre et dune provocation, ou d’un simple coup de bluff ? De quelles mesures de représailles peuvent-ils encore user ? Contrairement à la France, Londres et Montréal n’ont pas de nombreux ressortissants, ni de puissants intérêts en Côte d’Ivoire. Toutefois, que ce soit à l’ONU ou ailleurs, ces deux pays ont une influence diplomatique réelle. A coup sûr, il s’agissait pour le Ministre des Affaires étrangères et pour le gouvernement Aké N’Gbo de faire baisser la pression diplomatique et d’empêcher que l’ensemble des 25 Ambassadeurs rappelés par Ouattara sont expulsés et remplacés. Mais quid des autres ambassadeurs ivoiriens à l’étranger, non rappelés par Ouattara, parce qu’ils lui auraient fait allégeance, et à la disposition de qui le Ministre Gervais Kacou aurait mis des moyens financiers ? A noter que des observateurs se demandent pourquoi c’est le porte parole du gouvernement, de tout le gouvernement qui est venu annoncer une décision du ministère des Affaires étrangères et non une décision du Gouvernement. Pourquoi le porte-parole de son ministère, ou un fonctionnaire du cabinet Alcide Djédjé, à défaut du ministre lui-même, n’est pas venu faire l’annonce, comme le fait le Ministère de l’Intérieur ? C’est vrai que dans les circonstances actuelles, il peut s’agir d’un détail. C’est vrai qu’on peut dire qu’Alcide Djédjé avait occupé l’espace médiatique hier, et qu’il fallait changer. C’est vrai également que les procédures d’accréditation ou d’agrément diplomatique font partie des prérogatives du Ministère des Affaires étrangères, mais vu le contexte actuel et vu le fait qu’il s’agit d’un ministère de souveraineté, vu également la proximité d’Alcide Djédjé avec le Président Gbagbo ne fallait-il pas impliquer tout le Gouvernement et faire endosser la décision par tous ? Au delà donc de sa simple et rassurante présence, Don Mello pouvait aussi dire qu’il s’agit d’une décision du gouvernement. En résumé, ou plutôt en global, il faudra attendre la réaction et l’attitude des concernés pour savoir s’il s’agit d’un coup d’épée dans l’eau, d’un vuvuzuela diplomatique comme disent des barons du RHDP, ou bien si cette décision de réciprocité pourra calmer les ardeurs des pays qui veulent accréditer des ambassadeurs nommés par Alassane Ouattara. Mais selon des diplomates, seuls des pays africains peuvent être sensibles à l’usage de la réciprocité diplomatique, même si le Nigéria avait lui, déjà pris les devant, en rapatriant son personnel diplomatique à Accra.
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