Félix D.BONY – Le Mandat
La Côte d’Ivoire vit une profonde crise post-électorale dont les origines ne sont à rechercher nulle part ailleurs que dans le mécanisme de validation des résultats des scrutins du 31 octobre et du 28 novembre passé. Si au premier tour de l’élection présidentielle tout s’est bien passé, l’imbroglio que va occasionner la proclamation du verdict du duel final Gbagbo – Ouattara a eu pour conséquence le bras de fer autour du fauteuil présidentiel par les deux prétendants se réclamant la légitimité au pouvoir. Pour la première fois au monde, un pays se retrouve avec deux présidents. Et c’est la Côte d’Ivoire, à l’issue d’élections à travers lesquelles elle espérait sortir de plus d’une décennie de crise. Contrairement aux dispositions constitutionnelles habituelles, en effet, des éléments nouveaux ont été mal intégrés au mécanisme de validation des résultats des dernières élections, occasionnant le blocage qui paralyse la Côte d’Ivoire et menace la sous-région ouest-africaine. Transparence oblige, les acteurs politiques ivoiriens, qui ont toujours étalé leur incapacité à s’accorder, ont adopté ensemble aux négociations de Pretoria (en Afrique du Sud) en 2005, ce qui est devenu la Commission électorale indépendante (CEI). Organe en charge de l’organisation des élections créé pour succéder à la défunte commission nationale électorale, née elle-même à la faveur des exigences démocratiques, pour mettre fin aux prérogatives du gouvernement par l’entremise du ministère de l’Intérieur naguère responsable du processus électoral, et facilement manipulable par le candidat au pouvoir. Ces dispositions ne suffiront pas pour rassurer les protagonistes de la crise ivoirienne méfiants par dessus tout . Aussi vont-il recourir au mécanisme additionnel, bien nouveau, qu’est l’arbitrage extérieur. Un arbitrage qui consistait à accompagner le processus jusqu’à son terme, pour trancher les éventuelles divergences entre les parties adverses. En plus donc de la CEI, le pouvoir en place et l’opposition ont admis une certification du processus électoral par l’Opération des nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Cet organe onusien étant considéré jusque là comme l’œil neutre dans la résolution de la crise ivoirienne. Depuis le 02 décembre 2010, cette mission de certification des élections dévolue au représentant spécial du secrétaire général de l’ONU est au cœur des débats, au même titre que l’imbroglio entre la CEI et le Conseil constitutionnel. La validation par Choi Young-Jin du résultat du 2ème tour de l’élection présidentielle proclamé par le président de la CEI fait couler beaucoup d’encre et de salive. Le représentant de Ban Ki-Moon avait-il le droit de s’immiscer dans le débat juridico-administratif entre la CEI et le conseil Constitutionnel, institution en charge de la proclamation des résultats définitifs des élections en Côte d’Ivoire? Choi avait-il le droit de dire qui a été élu ou pas? L’attitude quelque peu audacieuse du président de l’ONUCI ne peut se comprendre qu’en recourant aux critères de certification des élections, qui ont fait très peu l’objet de publicité. Sous réserve de son authenticité, un dépliant de 10 questions-réponses, encore disponible sur Internet, explique tout le mécanisme de ladite certification, qui ne suscite pas moins d’interrogation. Ce document fait mention de ce que cinq critères ont été retenus en concertation avec les acteurs politiques ivoiriens et le Facilitateur pour la validation de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Si les 4 premiers de ces critères ne posent aucun problème, le dernier, portant sur les résultats des élections, passe pour être la pomme de discorde aujourd’hui, entre le camp présidentiel et la communauté internationale. Si l’on en croit le document de l’ONUCI, les protagonistes de la crise ivoirienne, dont le président Gbagbo, ont convenu que «les résultats des élections seront certifiés d’une façon explicite» par le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU. «Une fois certifiés, le Certificateur n’admettra pas que les résultats fassent l’objet de contestations non démocratiques ou de compromissions», lit-on. A ce niveau, se pose une question de compréhension de la certification, présentée elle-même comme un moyen pour s’assurer »que tous les stades du processus électoral fourniront toutes les garanties nécessaires pour la tenue d’élections présidentielles et législatives ouvertes, libres, justes et transparentes, conformément aux normes internationales ». Le Certificateur devant »s’assurer que toutes les garanties nécessaires sont réunies pour la réussite des élections » dans ses charges consistant à » sauvegarder aussi bien le processus que les résultats » (réponse question 7). De quel résultat devrait-il s’agir? De celui provisoirement publié par la CEI ou de celui définitif proclamé par le Conseil constitutionnel? Les acteurs politiques ivoiriens étaient-ils sur la même longueur d’onde que seul le résultat validé par le représentant de Ban Ki-Moon serait valable à l’issue des élections? Les règles du jeu avaient-elles été si claires au départ? Apparemment ce n’est pas le cas, vu l’attachement du camp Gbagbo au Conseil constitutionnel, juridiction suprême ayant prérogative de proclamer les résultats définitifs des élections en Côte d’Ivoire. Qui du locataire actuel du Palais, qui clame sa légitimité sur la base de la Constitution et de Choi, est-il respectueux des textes? Laurent Gbagbo s’est-il retrouvé floué dans l’élaboration des critères de certification des élections? Toujours est-il que les positions des parties en conflit butent sur de simples questions de textes liées à une confusion dans les discussions des accords de paix, mais aussi et surtout, dans le respect des prérogatives liées à chaque organe intervenant dans la sortie de crise en Côte d’Ivoire.
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