Ultimatum des pro-Ouattara d’un côté, menaces d’attaque des pro-Gbagbo de l’autre: la Côte d’Ivoire pourra-t-elle échapper à la guerre civile?
Alexandre Duyck – Le Journal du Dimanche
Etrange nouvel an à Abidjan, près de cinq semaines après l’élection présidentielle du 28 novembre. Les partisans du président sortant Laurent Gbagbo, qui avaient promis de « libérer à mains nues », à compter du 1er janvier, l’hôtel du Golf, n’étaient pas passés à l’action samedi soir. Tout est resté calme aux abords du cinq-étoiles dans lequel vivent retranchés Alassane Ouattara et des dizaines de proches, protégés par 800 casques bleus. De leur côté, les pro-Ouattara avaient lancé, vendredi, un ultimatum à Laurent Gbagbo. A entendre Guillaume Soro, Premier ministre d’Ouattara, Gbagbo avait jusqu’à vendredi minuit pour se retirer du pouvoir, en échange de quoi il échapperait à toutes représailles. Le chef de l’Etat autoproclamé n’a pas quitté le palais présidentiel… et les pro-Ouattara n’ont pas réagi. La Côte d’Ivoire va-t-elle pour autant échapper à la guerre civile? Si les exactions commises dans la capitale sont en nette diminution, la crise a, selon l’ONU, fait tout de même 179 morts ces deux dernières semaines. Cette semaine, la France a recommandé à ses 12.000 ressortissants de quitter « provisoirement » le pays.
Laurent Gbagbo a beau évoquer « le temps du dialogue », les chances de succès d’une quelconque médiation paraissent bien minces. Lundi, les trois chefs d’Etat chargés de trouver une issue au conflit seront de retour à Abidjan. Après un premier passage cette semaine, les trois émissaires de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), les présidents du Bénin Boni Yayi, de la Sierra Leone Ernest Koroma et du Cap-Vert, Pedro Pires, vont de nouveau tenter d’obtenir le retrait de Gbagbo.
En cas d’échec, la Cédéao a averti que cette tentative de conciliation serait la dernière. Place ensuite à l’usage de la force. Les membres de la Cédéao, qui doivent se retrouver mi-janvier au Mali, assurent avoir déjà mis « la machine en marche », selon la formule choisie par le porte-parole de l’armée nigériane, le colonel Mohamed Yerimah. « Si tous les moyens de persuasion politique échouent, la Cédéao prendra par la force le pouvoir à Laurent Gbagbo et le donnera à Alassane Ouattara », a-t-il ajouté.
« Il est temps pour lui de partir »
Sans surprise, les partisans d’Ouattara misent sur cette intervention armée extérieure que certains pays, telle la Grande-Bretagne, ont promis de soutenir tout en écartant une participation de leurs forces aux opérations. Vendredi, Guillaume Soro, Premier ministre d’Alassane Ouattara, a ainsi lancé: « Les dictateurs ne négocient pas leur départ, on les fait partir. » S’exprimant depuis l’hôtel du Golf, Soro a écarté l’hypothèse d’un départ en douceur du président sortant, se disant « convaincu que seule la force » pourrait chasser Laurent Gbagbo. « Ou on réussit à faire admettre le verdict des urnes dans notre pays, donc l’instauration de la démocratie, ou on échoue à mettre en place la démocratie en Côte d’Ivoire et ça devient une jurisprudence pour toute l’Afrique », a-t-il averti.
La réplique de Gbagbo ne s’est pas fait attendre: « Notre premier devoir envers la patrie, c’est de la défendre contre les attaques extérieures et non de la livrer à ceux qui veulent la soumettre », a-t-il répondu vendredi. De plus en plus isolé diplomatiquement (l’Union européenne a approuvé des sanctions contre 59 de ses proches, dont la quasi-totalité de son gouvernement), Laurent Gbagbo n’a que faire des menaces et des déclarations venues d’ailleurs, comme celle du département d’Etat américain selon lequel « il est temps pour lui de partir. Nous espérons qu’il choisira une transition pacifique ». Le président autoproclamé s’est également dit victime d’une « tentative de coup d’Etat menée sous la bannière de la communauté internationale ». Samedi soir, Gbagbo a accusé les soldats de l’ONU d’avoir tiré sur des civils et exigé leur départ.
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