Par CHRISTIAN FELIX TAPÉ (Photo)
CONSTATS DE FIN D’ANNÉE
Aujourd’hui plus que jamais, le monde assume ses fonctions de village global ; non plus seulement parce que ce qui touche les Grands se répercute sur le reste, mais surtout parce que les problèmes existentiels des plus petits comme la Côte-d’Ivoire ébranlent tout le monde. Ce type d’influence hérité entre autre de Yalta était appelé « rapports entre grands frères et petits frères » par le sociologue des relations internationales français Raymond Aron, en pleine logique de guerre froide. La guerre froide est terminée mais avec la globalisation, la civilisation de l’interdépendance s’est de plus en plus accrue à l’intérieur du système politique international et donc entre les Etats membres.
Jamais depuis la première guerre du golf contre l’invasion du Kuwait, le monde entier ne s’est autant mobilisé avec conviction pour contester un Chef d’Etat, comme il le fait contre Laurent Gbagbo. C’est impressionnant et ne peut laisser indifférent. C’est pourquoi il faut faire l’effort de chercher des clés de lecture au-delà de celle trop facile du complot pour mettre la main sur les richesses du pays. Il est bien connu de tous que le cacao de Côte-d’Ivoire, le pétrole, et les secteurs stratégiques de l’eau et de l’électricité, et le Port autonome sont déjà aux mains de groupes industriels étrangers, qui sont pour autant les catalyseurs de l’économie ivoirienne. Ils se sont intensifiés et ont consolidé leur implantation. Que reste-t-il à prendre ? Concrètement, sur le terrain, le pré carré colonial français n’a plus aucun primat. Alors la question n’est pas d’intérêt économique.
Sur la question de fond, depuis la proclamation des résultats du deuxième tour de la présidentielle, la Côte-d’Ivoire se retrouve divisée entre ce qu’on appelle désormais Pro-Gbagbo et Pro-Ouattara. La situation est d’autant plus grave qu’il manque un camp Pro Côte-D’ivoire. Qui est-il ? Quelle est sa fonction et de qui est-il composé ? Avant de répondre à ces questions, essayons brièvement de revisiter les deux autres antagonistes.
Le camp Pro-Gbagbo.
C’est le camp de La Majorité Présidentielle (LMP) sortante. Réuni autour du candidat Gbagbo Laurent, il berce l’idéologie encore mal définie de la « Refondation Socialiste » ; sa stratégie électorale fut axée sur le slogan assez explicite de « CANDIDAT POUR LA CÔTE-D’IVOIRE ET POUR L’AFRIQUE ». Donné perdant au vote par la CEI (Commission électorale indépendante), il est déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel. Fort de cette légitimation, il se réinstalle dans l’appareil d’Etat qu’il occupait déjà et renforce ses positions officielles.
Le camp des Pro-Ouattara
C’est le camp du RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix) réuni autour du candidat Alassane Ouattara. C’est l’ensemble des partis politiques qui revendiquent l’héritage politique de feu Felix Houphouet Boigny. Cette formation reflète ce qui était déjà l’emblème du RDR (Rassemblement des Républicains) le parti dont Ouattara est le président, c’est-à-dire « VIVRE ENSEMBLE ». La CEI le donne vainqueur mais le Conseil constitutionnel le déclare perdant.
Naturellement il ya crise. Les deux Présidents proclamés précipitent les investitures pour éviter de laisser un vide que pourrait combler l’adversaire. Objectivement, c’est à partir de cet instant qu’il faut être attentif pour saisir et comprendre l’opportunité de l’existence d’un tiers Pro, un pro Côte-d’Ivoire. Le camp pro Gbagbo déjà suffisamment assis dans les structures de haute responsabilité de l’Etat si accroche. Il y est depuis dix ans ; c’est lui qui y a nommé les différents responsables aux emplois civils et militaires. Ce sont les prérogatives étouffantes de l’anormal système présidentiel où croupit l’Etat et qui fut dénoncé même par les deux candidats durant leur débat face-à-face.
Aussitôt après, les officiers supérieurs des forces de défense et de sécurité font allégeance à Gbagbo Laurent, l’un des Présidents élus, sous la vigilance de la télévision publique et du protocole d’Etat. Du coup, le camp pro Ouattara est sorti de la République et coincé à l’Hôtel du Golf dénommé avec suffisamment de mépris et de sarcasme République hôtelière du Golf. Cette attitude est une constante des Réfondateurs depuis leur accession à la tête de l’Etat et consiste à considérer et à définir hors de la république quiconque s’illustre par des comportements qu’ils jugent peu patriotiques.
Sorti de la République, non seulement Alassane Ouattara n’existe plus pour la télévision publique, mais les milliers d’ivoiriens du RHDP aussi ont cessé d’être des citoyens ivoiriens. Lorsqu’on parle de ce camp pro Ouattara, c’est pour condamner les crimes qu’il perpètre et les violations de droit dont il se rend coupable ; le pays est divisé selon les stratégies de la RTI en deux camps diamétralement opposés : les pros Gbagbo victimes de barbarie, les pros Ouattara inexistants, sans droit à l’information avec la circonstance aggravante du vol des résultats de l’élection présidentielle. Désormais tout ce qui est mauvais ne peut être que l’œuvre de ce camp banni. L’information officielle devient malheureusement à sens unique. Mais Dieu merci, le bouche à oreille et internet font découvrir des choses que la télévision publique tente de cacher et de démentir. Mais on sait quand même tout parce que le monde n’est plus fermé. Sur des chaînes étrangères suspendues en Côte-d’Ivoire, sont organisés des débats contradictoires, que la RTI reprend sans vergogne à peine elle y détecte des positions qui convergent en faveur du camp pro Gbagbo. Pour pouvoir s’exprimer librement, les pro Ouattara doivent chercher une chaîne étrangère.
En présence d’une pareille situation honteusement rétrograde comment peut-on rester insensible.
En présence d’une aussi gigantesque violation des droits fondamentaux des citoyens, face à un régime qui se « soviétise » sans cesse comment peut-on rester insensible ?
Voilà le fondement moral qui interpelle toute conscience sensible et responsable. Civile ou politique, ivoirienne ou étrangère qu’elle soit.
Le tiers pro : le camp pro Côte-d’Ivoire
C’est le camp de la justice, de la reconnaissance et du respect des droits fondamentaux des gens. C’est le camp des amoureux de la bonne gouvernance, le camp de ceux qui considèrent plus le droit de l’individu que son origine ou sa race, qui reconnaît le droit à la différence et la liberté de vote. Dans le cas d’espèce, c’est le camp de ceux qui ne peuvent supporter que les pro- Ouattara soient privés de leurs droits, et n’accepte pas que la Côte-d’Ivoire rétrograde. Cette descente aux enfers, la RTI, télévision publique, n’aurait jamais dû l’autoriser. En choisissant son camp, elle a renoncé à être le chien de garde, l’œil du peuple sur le pouvoir. Elle s’est mise au service du régime. Le Conseil constitutionnel a agi à dessein. Ce même Conseil qui a validé les résultats du premier tour en ignorant visiblement que le nombre des votants et celui des inscrits concordaient seulement en deux régions sur dix –neuf. C’est aujourd’hui ce Conseil qui légitime les agissements du régime contre une partie du peuple. Voilà pourquoi la communauté internationale ne peut rester indifférente. Assister impuissante face à ce qui arrive équivaudrait à une démission, à abandonner cette partie du peuple à la merci du régime. Son intervention est humanitaire, morale ; la souveraineté ne peut prévaloir sur la vie et le droit des humains.
Le bâton et la carotte
Et l’expérience a démontré que pour que les sanctions internationales fonctionnent, il faut que l’alternance entre les sanctions économiques et la punition militaire soit effective et que celui qui est sous le coup de la punition ait la certitude de l’attaque militaire.
L’exception qui confirme la règle
Depuis que la Côte-d’Ivoire a deux Présidents et donc deux gouvernements, la RTI comme dit ci-dessus et depuis lors, a choisi son camp et en est devenu orgueilleusement la caisse de résonnance. Pour s’en défendre, ses agents n’arrêtent de se consoler en se félicitant chaque jour pour le travail nationaliste et patriotique qu’ils font ; qui ont-ils la préoccupation de convaincre s’ils sont convaincus de bien remplir leur rôle?
Peut-être savent-ils bien au contraire qu’un organe d’information n’a pas de mission ni patriotique ni nationaliste. Il n’a qu’une mission sociale d’information comme service public et rien d’autre. Bref ! Depuis le début de la crise, pour la première fois, la RTI se fait violence pour couvrir un évènement présenté comme une initiative patriotique des jeunes du PDCI. Ainsi, voici le PDCI, l’allié du diable d’hier qui s’efforce de revenir à la raison sous les réflecteurs de la télévision publique. Mais la supercherie n’est pas difficile à déceler. Les pauvres délégués timidement instruits ne se démontrent pas plus à l’aise que Charbovari de Flaubert car ils ne sont pas authentiques. Ils parlent de paix, de Houphouët, et de main tendue de Gbagbo. De façon désarticulée. C’est triste et déplorable. Seuls les esprits faibles et mesquins croient qu’en ce moment précis, les leaders du PDCI soient disposés à entreprendre ce type d’initiative en dehors du RHDP. Le Président Bédié pour le Parti et KKB pour les jeunes du Parti, n’en auraient aucune excuse.
Bonne et heureuse année 2011
CHRISTIAN FELIX TAPE
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