L’Observateur Paalga – Ainsi donc, le miracle n’a pas eu lieu sur les bords de la lagune Ebrié : Laurent Koudou Gbagbo n’a visiblement pas accédé à la requête de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) l’invitant à quitter pacifiquement le pouvoir au profit d’Alassane Dramane Ouattara, reconnu par la communauté internationale comme le président légitime de la Côte d’Ivoire.
Les émissaires de l’institution régionale, rappelons-le, sont les présidents Pedro Pires du Cap-Vert, Thomas Yayi Boni du Bénin et Ernest Baï Koroma de la Sierra Leone. Ils n’ont pas été choisis au hasard puisqu’ils sont présentés comme étant des chefs d’Etat assez proches de Gbagbo. Il s’agissait pour la CEDEAO de se parler en quelque sorte entre amis et d’appeler amicalement leur hôte à partir.
De cette mission, pas grand-chose n’avait filtré à la date d’hier. Sauf que tout porte à croire que le leader du Front populaire ivoirien s’accroche à sa chose arguant de la légalité de son pouvoir.
De l’autre côté, Alassane Ouattara, le candidat du RHDP (Rassemblement démocratique des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix) qui se prévaut de la légitimité n’entend pas se laisser voler une magistrature suprême conquise de haute lutte. Il est seulement disposé à passer l’éponge judiciaire sur ce qui pourrait être retenu contre le président sortant et à lui garantir les privilèges dus à un ancien chef de l’Etat.
Des positions diamétralement opposées et difficilement conciliables en somme. Ce qui est sûr, les émissaires ouest-africains ont quitté la perle des lagunes avec les arguments des uns des autres ainsi que les propositions et concessions que chaque partie est prête à faire. Ils ont fait le point au président de la CEDEAO, le Nigérian Jonathan Goodluck.
Pour l’institution régionale, a en croire les déclarations du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères du Cap-Vert, Jorge Borges, « cette première initiative de la médiation a permis d’établir un pont vers le dialogue entre les deux camps ». Mieux, la CEDEAO « ne parle plus d’intervention militaire qui semble, heureusement, écartée pour le moment ». La voie de la négociation semble donc être la piste privilégiée, et ce n’est pas un hasard si la troïka ouest-africaine est à nouveau attendue en Côte d’Ivoire la semaine prochaine.
Sans être dans le secret des pourparlers, force est de constater que le Boulanger de Cocody est en train de faire glisser ses pairs ouest-africains sur son terrain favori : l’ouverture de négociations avec en arrière-pensée gagner tout le monde à l’usure, sinon rouler tout le monde dans la farine comme il sait si bien le faire.
Et pour cause, le temps semble être son allié le plus sûr. D’ailleurs n’avait-il pas déclaré au début de cette nouvelle crise que « le temps est l’autre nom de Dieu » ? Persuadé qu’il est que plus les jours vont passer, plus les uns et les autres mettront de l’eau dans leur vin… et la communauté internationale serait bien obligée de prendre acte du fait accompli ou alors de recourir à un partage du pouvoir à la kényane…
Et cette carte, l’enfant terrible de Mama la jouera à fond du mieux qu’il peut. Il sait qu’en avril 2011, Jonathan Goodluck partira en campagne présidentielle. C’est dire que le N°1 nigérian qui s’est montré jusque-là comme le premier boutefeu de la CEDEAO aura bien d’autres chats à fouetter : d’abord faire accepter sa candidature et ensuite se faire élire.
Idem pour Yayi Boni du Bénin qui aura à se préoccuper davantage de sa réélection que de chercher à rétablir la justice chez le voisin ivoirien. Quand on pense que 2011 est également une année électorale au Niger et que le Mali et le Sénégal seront en situation préélectorale, on voit vraiment comment le temps peut travailler pour le mari de Simone et est compté pour Alassane.
C’est d’ailleurs sans doute pour faire traîner les choses qu’au même moment où il accepte le dialogue, Gbagbo manie le bâton en menaçant d’expulser les diplomates des pays qui accepteraient de reconnaître les ambassadeurs nommés par son rival Alassane Ouattara.
Franchement, au stade où on en est, on se demande bien aujourd’hui ce qui pourrait amener l’enfant terrible de Mama à se déscotcher tout bonnement de son fauteuil. L’isolement diplomatique ? l’asphyxie financière ? la force en désespoir de cause ?
San Evariste Barro
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