Reuters:
Le frère cadet de Kader Coulibaly a disparu la semaine dernière après une incursion d’hommes armés dans le quartier d’Abidjan où il réside et, comme des centaines de partisans d’Alassane Ouattara, il craint le pire.
« Il était six ou sept heures du soir, samedi. Il était dans un bar près de chez nous lorsque deux camions de militaires ont fait irruption dans le quartier en tirant, semant la panique », raconte Kader Coulibaly.
« Les gens disent qu’il a été emmené avec son ami. J’ai cherché auprès de la police, j’ai demandé aux gendarmes. Rien. J’espère, j’espère… mais pour combien de temps ? »
Des heurts lors d’une manifestation organisée jeudi dernier pour demander au président sortant Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à Alassane Ouattara, reconnu vainqueur du scrutin présidentiel du 28 novembre par la communauté internationale, ont fait au moins 20 morts.
Des mouvements de défense des droits de l’homme et des partisans de Ouattara affirment que depuis, des hommes armés parcourent la nuit les quartiers pro-Ouattara, tuant et enlevant des militants de son parti.
Le camp Gbagbo dément tout cela et accuse les partisans de Ouattara de tenter de le diaboliser.
SYSTÈMES D’ALERTE
Des habitants ont mis en place des systèmes d’alerte.
Les femmes tapent sur des casseroles lorsqu’elles voient arriver des hommes armés, les hommes donnent des coups de sifflet et Kader rapporte que des jeunes ont établi la nuit des postes de contrôle pour défendre leur domicile.
Le Haut commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme a dit dimanche avoir des preuves de d’atteintes « massives » aux droits de l’homme en Côte d’Ivoire et a fait état de plus de 50 personnes tuées ces derniers jours et de centaines d’enlèvements.
Emile Guirieoulou, ministre de l’Intérieur de Laurent Gbagbo, a balayé ces allégations. « C’est facile de dire qu’on fait des enlèvements (…) de parler d’escadrons de la mort sans en apporter la preuve », a-t-il dit lundi devant la presse, en soulignant que pour prouver l’existence d’un enlèvement, il faut que la personne enlevée ait une identité.
Kader rétorque que son frère, Abdoulaye Coulibaly, a bien sûr une identité. C’est, dit-il, un militant bien connu du parti de Ouattara, il dirige les opérations du parti à Korhogo, ville du Nord aux mains des rebelles, et il séjournait chez des amis à Abidjan.
« Tout le monde savait qui il était. Maintenant je n’ai aucune idée de l’endroit où il se trouve. Je redoute vraiment le pire. Je prie Dieu qu’ils ne l’aient pas tué ».
La dernière fois que des escadrons de la mort ont attaqué des militants politiques opposés à Laurent Gbagbo remonte à la période qui a suivi le coup d’Etat manqué dirigé contre lui, à l’origine d’une brève guerre civile, en 2002-2003.
MERCENAIRES ?
Un militant de l’opposition, Yerefe Camara, avait à l’époque été tué, un meurtre condamné par l’ambassade des Etats-Unis.
« Lorsque des personnes sont victimes d’exécutions extrajudiciaires, il faut qu’il y ait une enquête, et certains doivent rendre des comptes », a déclaré dimanche Navi Pillay, Haut commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme.
« Des personnes enlevée sont conduites par la force vers des lieux illégaux de détention où elles sont détenues secrètement, sans aucune accusation. Certaines ont été retrouvées mortes dans des circonstances troubles », a-t-elle dit dans un communiqué.
Guirieoulou s’est inscrit en faux contre ces déclarations et a rendu hommage à la retenue dont ont fait preuve les soldats fidèles à Laurent Gbagbo lors de la manifestation de jeudi. Le camp Gbagbo affirme que 10 des 20 morts étaient des membres des forces de sécurité lynchés par des partisans de Ouattara.
Selon des sources proches des services de sécurité et du camp Ouattara, dans de nombreux cas des mercenaires étrangers, notamment libériens, sont impliqués. Certains diplomates estiment qu’ils pourraient être un millier.
« C’est une insulte (…) de penser qu’ici en Côte d’Ivoire, à Abidjan, notre police, notre gendarmerie n’est pas suffisamment forte pour maintenir l’ordre et qu’elle soit obligée de faire appel à des mercenaires, de surcroît libériens », a réagi Emile Guirieoulou.
Salif Koné, un chauffeur de 57 ans, explique qu’il a échappé, dans un quartier nord d’Abidjan, à une attaque d’hommes masqués qui ont ouvert le feu et tiré des gaz lacrymogènes.
« Ils n’ont pas tué, mais il y a eu de nombreux blessés. Ils ne parlaient pas français. C’était peut-être de l’anglais, je ne sais pas exactement », dit-il.
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