Côte d’Ivoire: la RTI, tiraillée entre Gbagbo et Outtara

« Le pouvoir est à la télé », « C’est ce qui se dit à la télé qui est vrai », entend-on dans les rues d’Abidjan. Conscient de l’influence de la télévision nationale ivoirienne, Laurent Gbagbo tient les rênes de la RTI. De son côté Alassane Ouattara tente, pour le moment en vain, de la récupérer. Il a nommé un nouveau directeur général qui n’a jamais pris fonction. Une « marche sur la télévision » avait été initiée. Elle s’est achevée par une vingtaine de morts.

Pendant que la bataille est engagée, la vie à l’intérieur suit son cours, presque normalement. Notre correspondant s’est rendu dans la « maison bleue ».

Par Israël Yoroba Guebo à Abidjan TV5

Mardi 21 décembre. 10 heures. Je traverse le barrage située à l’une des extrémités de la voie qui passe devant la télé. Une dizaine de gendarmes sont là, armes au poing. Ils dévisagent chaque personne qui traverse leur zone. Aucune voiture n’est admise. Celles des journalistes qui réussissent à passer sont stoppées devant l’entrée principale de la cour de la télé pour des fouilles minutieuses. « Ouvrez le coffre s’il vous plaît », demande un militaire au chauffeur d’un véhicule. Pendant qu’un des gendarmes effectue les fouilles d’usage, deux autres surveillent à quelques mètres. La vigilance est de mise. « On ne veut pas se laisser surprendre », lance un des hommes en arme.

Je passe le premier poste de contrôle des vigiles à l’entrée. Derrière eux, d’autres militaires sont assis. Auprès d’eux, leurs armes de type kalachnikov. Pendant que certains regardent les programmes diffusés par la télévision, d’autres lisent les journaux du jour, d’autres encore discutent des évènements.

La grande cour de la télévision est infestée de militaires et de gendarmes qui déambulent çà et là. Dans un coin à droite, une jeep sur laquelle est montée une gigantesque mitrailleuse s’impose majestueusement dans le décor. Tout près, un autre véhicule est recouvert par du plastique. Autour, d’autres soldats silencieux, le regard fermé, les mains posées sur leurs fusils

« RIEN N’A CHANGÉ A LA RÉDAC ! »

Je dois me rendre à la rédaction située de l’autre côté de la cour. J’ai rendez-vous avec Hermann Aboa, journaliste à la RTI. À son bureau, il prépare son émission du soir « Raison d’État ». L’ambiance à la « rédac » n’a pas varié. « On bosse comme toujours », lance Hermann. Même s’il reconnait que la situation actuelle du pays est « stressante ». Et il n’est pas le seul à le penser. Perdu entre deux conducteurs (celui du 13 heures et du 20 heures), Albéric Niango lance avec sourire : « C’est difficile de travailler dans un environnement qui est l’objet de toutes les convoitises. Mais tout le monde est à son poste ». Il est l’actuel rédacteur en chef par intérim de la télévision. « Depuis le départ de Brou Aka Pascal – nommé DG par Alassane Ouattara – c’est aujourd’hui que nous avons tenu notre première réunion de rédaction », explique l’intérimaire.

Dans la rédaction, on s’active de plus en plus. Il est presque midi. Les éléments du journal de 13 heures sont quasiment achevés. «La priorité de nos informations est de montrer que la vie est en train de reprendre en Côte d’Ivoire », explique Albéric Niango. Et quand on accuse la RTI d’être propagandiste, il répond : « Nous sommes un média d’État, fondé sur la constitution et chargé d’accompagner les activités du gouvernement ». Et pour le rédacteur en chef par intérim, le choix de la télévision est fait.

DE BROU À BROU, SILENCIEUX DG

Il est 13 heures, le journal vient de commencer. C’est l’occasion pour moi d’arracher quelques mots à l’actuel Directeur de la télévision, Brou Amessan. Mais celui-ci se refuse à tout commentaire. Du côté de l’autre Directeur Général, Brou Aka Pascal nommé par Alassane Ouattara, c’est silence radio. Je tente en vain de le joindre sur les deux numéros qu’une source m’a communiqué. « On n’arrive plus à l’appeler. Selon les informations que nous avons ici, il serait à l’Hôtel du Golf [où sont retranchés Alassane Ouattara et son premier ministre Guillaume Soro sous la protection de l’Onu, NDLR] ». Certains de ses amis s’inquiètent parfois et d’autres espèrent le revoir dans « la maison de la télé ». « De toutes les façons, il n’a pas démissionné donc sa place est toujours ici », indique un des responsables de la RTI.

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