Tiburce Koffi (écrivain-libre penseur):
J’avoue que j’ai eu des appréhensions quand j’ai appris, sur le Net, que le président Bédié avait lancé un appel aux Fds. D’aucuns m’avaient parlé d’un appel à l’insurrection que le président Bédié avait lancé ; et je me suis dit : »Comment peut-il faire une chose pareille ? C’est anti républicain ; et un ex-chef de l’Etat ne peut se permettre un tel comportement ». Puis, j’ai eu l’occasion, grâce à « Le Nouveau Réveil », la bible des Ivoiriens épris de liberté, d’informations et de justice, de lire cet appel. Et j’ai été rassuré. Il est loin d’être un appel à l’insurrection, c’est plutôt une réaction citoyenne de haute portée républicaine, en ce sens qu’il sollicite le sens républicain de l’Armée nationale, le sens de la responsabilité nationale à un moment crucial de l’Histoire. C’est un sens de la responsabilité qui ne se négocie pas, qui ne doit même pas se négocier.
« Supplément d’âme salvateur »
Le président Bédié a dit qu’il invitait, et je cite textuellement : »tous les responsables de cette impasse politique et les inviter à la raison et à un supplément d’âme salvateur ». En d’autres temps et occasions, et me connaissant, je lui aurais rétorqué qu’il fait partie des responsables de cette crise ; mais une telle réaction ne se justifie plus aujourd’hui, au regard du comportement hautement responsable et louable du président Bédié dans la gestion de la sortie de crise. On peut citer, à l’envie, les exemples d’actes citoyens de haute portée significative qu’il a posés. Au centre de ces bons comportements, il y a la réconciliation avec Ouattara, en 2005. Pour des raisons vraiment à la fois mystérieuses et rationnelles, le camp présidentiel, animé alors par Laurent-Dona Fologo, avait condamné sans appel cette réconciliation. J’ai désapprouvé cette position de M. Fologo et j’ai même eu à intervenir sur cette question, dans votre journal, en soulignant la grande portée de l’acte de réconciliation que ces héritiers du président Houphouët venaient alors de poser. Dans cet article, j’avais même enjoint l’Exécutif ivoirien de féliciter les deux acteurs de cette réconciliation, et de saisir cet acte à la volée en l’encourageant et en y participant. J’ai même demandé au président Gbagbo de profiter de cette perche pour s’engouffrer dans le bateau de la grande réconciliation que le pays attendait de son élite politique.
Pour moi, un des grands moments de la décrispation de la vie politique de ce pays de ces huit dernières années est, assurément, cette réconciliation entre Ouattara et Bédié. C’était, pour moi, un acte de haute portée symbolique, religieuse à la limite, qui soulignait la grandeur d’âme de ces deux héritiers du président Houphouët qui, hier, avaient frôlé l’irréparable déchirure. « La raison et le supplément d’âme » dont parle le président Bédié, c’est justement cela : cette capacité de comprendre l’enjeu de l’imposture de M. Gbagbo qui accapare illégitimement et illégalement le pouvoir d’Etat ; cette capacité aussi de dépassement de soi en puisant dans notre conscience morale, éthique, pour éviter les actes de grande transgression, comme, par exemple : brimer les citoyens, priver le peuple de liberté de s’informer et, pis, tuer impunément. Surtout tuer, car le régime de Gbagbo est un pouvoir assassin, criminel. C’est effarent comme les refondateurs tuent, sans état d’âme, sans scrupules.
Sous ce régime, la vie humaine vaut à peine une cigarette de mauvaise qualité ! Cela est ainsi parce que ce régime n’a cure de l’éthique. Or, pour sortir de cette crise, il faut que notre peuple se réconcilie avec les valeurs de l’esprit et du cœur, en promouvant l’intelligence et la morale, les deux valeurs fondamentales qui font défaut à ce régime. Mais je pense que le point nodal de cet appel du président Bédié, c’est le rappel des sacrifices personnels qu’il a dû faire.
Sacrifices au nom de l’Etat
Le président Bédié rappelle trois faits importants dans notre récente histoire : le coup d’Etat de décembre 1999, son exclusion de la présidentielle de 2000, enfin, sa surprenante élimination du 2è tour de cette présidentielle. Permettez-moi de commenter ces faits. Comme s’il avait le pressentiment de ce coup d’Etat, le président Bédié disait déjà, dans son livre autobiographique » Les chemins de ma vie, ceci : »Le jour où je sentirai ce peuple ingouvernable, je m’en irai sans problème » – je cite de mémoire faillible. Quand le coup d’Etat est arrivé, il avait le choix entre faire de la résistance (qui aurait entraîné des affrontements meurtriers entre ses partisans et les putschistes) et céder le pouvoir afin d’éviter le bain de sang. Il a préféré céder le pouvoir, prouvant par là qu’il n’a jamais été un obsédé du trône. Face à la même problématique, M. Gbagbo réagirait de manière différente, contraire, en s’agrippant au pouvoir, fusse au prix de 1000 et un cadavres. M. Gbagbo n’aurait jamais non plus accepté d’être exclu injustement d’une présidentielle, au contraire de M. Bédié qui s’est plié à l’injuste décision du Conseil constitutionnel. Là où M. Bédié a cédé, M. Gbagbo aurait mis le pays à feu et à sang pour satisfaire son fantasme d’accéder au pouvoir. Enfin, en novembre dernier, nous savons, tous, que le président Bédié a accepté son injuste élimination pour donner une chance à la paix. Gbagbo avait été en effet battu dès le premier tour. C’est connu ; le ballet diplomatique auquel on a assisté, 48 heures avant la proclamation du résultat du 1er tour, n’avait eu pour seul but que d’éviter au président sortant, une humiliation insupportable : avoir été battu dès le 1er tour. Au total, nous avons découvert, pour ceux d’entre les Ivoiriens (dont moi) qui ignorions ce caractère du présidente Bédié, eh bien, nous avons découvert un homme épris de paix, soucieux de protéger la vie humaine ;
un homme instruit en tout et pour tout de l’idéal houphouétien de la vie en société : respecter la vie humaine. Le président Bédié dit ceci dans cet appel républicain : »Aucune ambition politique ne peut s’accommoder de sacrifices inconsidérés de vies humaines ». Cet appel que le Président vient de lancer à l’endroit de nos Forces de Défense se justifie donc.
Le sens d’un appel
Le message de Bédié n’a pas un caractère insurrectionnel. Nulle part, il ne demande aux Fds de mener un assaut insurrectionnel contre la citadelle de Cocody et du Plateau. Il leur demande simplement de reconnaître le verdict des urnes. A ce moment précis de notre histoire, qui d’autre, mieux que M. Henri Konan Bédié, ex-président de la République de Côte d’Ivoire, président de la Conférence des présidents du Rhdp, pouvait-il lancer un tel appel ? L’homme a le charisme et les mots qu’il faut pour toucher le cœur des Ivoiriens. C’est le lieu pour moi de dire aux refondateurs qu’ils ont eu tort de sous-estimer l’audience de cet homme dans l’électorat Pdci. Gbagbo et ses conseillers, mal inspirés, étaient persuadés que le président Bédié n’aurait pas apporté son soutien à M. Ouattara au 2è tour.
Je comprends qu’ils aient pensé ainsi : ils sont tellement fourbes, ils ont tellement pris l’habitude de ne pas respecter la parole donnée, qu’ils doutaient que le président respectât la sienne. Ce fut une énorme méprise. Ils ont cru que l’argent de la corruption suffirait à leur assurer une victoire électorale.
L’électorat Pdci et surtout les Baoulé leur ont prouvé qu’ils sont des gens dignes, et que l’argent ne saurait jamais suffire à les détourner du bien pour épouser la cause du Mal en suivant des dirigeants malhabiles et peu sérieux comme le sont les refondateurs. Je me donnerai, sous peu, l’occasion de revenir sur cet appel très enrichissant du président Bédié. Je vous remercie pour l’occasion que vous m’avez donnée, de réagir sur les questions importantes qu’il a soulevées dans cet appel.
Tiburce Koffi
Commentaires Facebook