Par la-croix.com
Les militaires venus des pays voisins viendraient appuyer les « Forces nouvelles » qui soutiennent Alassane Ouattara
La solution au problème ivoirien se cherchait lundi 20 décembre en Afrique. Pas très loin d’Abidjan, du côté des pays frontaliers. Un haut responsable du RHDP, le parti qui soutient le président élu Alassane Ouattara, explique : « Laurent Gbagbo peut céder face à des bruits de bottes en provenance du Liberia, du Ghana, de Bouaké (NDLR : ville du nord du pays, fief des « Forces nouvelles » fidèles au président élu) et de la mer. C’est ce que préconise le premier ministre kényan, Raila Odinga (Photo). »
Ce dernier avait envisagé vendredi que les pays frontaliers de la Côte d’Ivoire massent des troupes à leurs frontières et donnent un ultimatum de quelques heures au président Gbagbo pour qu’il reconnaisse sa défaite. En décembre 2007, le premier ministre kényan avait été déclaré perdant de la présidentielle, mais reconnu vainqueur par la communauté internationale qui dénonçait des fraudes. Deux mois de violences s’en étaient suivis, jusqu’au partage du pouvoir entre les deux candidats.
« Ici, on ne peut pas dialoguer avec un sourd. Le slogan de campagne électorale de Gbagbo était d’ailleurs “on gagne ou on gagne”, ce qui est éclairant », relève le responsable du RHDP. Du côté de l’agence de communication française, Euro RSCG, conseil de la campagne de Laurent Gbagbo, on précisait hier : « Le contrat s’est arrêté le jour de l’élection, et le collaborateur sur place est reparti par le premier avion. »
Équilibre entre les deux armées ivoiriennes
La mise en place d’une force d’intervention africaine, appuyée par les Forces nouvelles qui tentent de descendre du nord du pays, peut demander du temps. « Elle pourrait recevoir un appui logistique d’armées occidentales, notamment française et américaine », espère le cadre du RHDP.
De nombreuses rumeurs circulent sur l’équilibre des forces entre cette armée du Nord, soutien d’Alassane Ouattara, et les forces fidèles à Laurent Gbagbo. La sortie ratée des partisans d’Alassane Ouattara, jeudi dernier, depuis l’hôtel du Golf vers la télévision publique, fait douter : « Les Forces nouvelles sont une armée en déroute, largement désarmée. À l’hôtel du Golf, elle s’est trouvée très vite à court de munitions », estime un avocat.
À l’inverse, un expert à Abidjan voit un équilibre entre les deux armées ivoiriennes. « Si l’on oublie l’armée de terre qui se battra très peu pour Gbagbo, le rapport de force est équilibré entre la garde républicaine fidèle au président sortant et les Forces nouvelles. »
Sanctions européennes contre Gbagbo et son entourage
Côté armement, « les Forces nouvelles n’ont pas de blindés, mais elles possèdent des armes antichars pour neutraliser ceux qu’elles trouveront sur leur route avant Yamoussoukro. L’armée de Gbagbo possède également quatre lance-roquettes multiples, difficiles à manier. Son seul hélicoptère de combat est facilement neutralisable », estime l’expert.
On annonçait lundi que les Forces nouvelles étaient proches de Yamoussoukro. « Prendre la ville natale du premier président Houphouët-Boigny, c’est bien, mais ça ne sert pas à grand-chose. Le port de San Pedro ou la ville d’Abidjan sont autrement plus stratégiques », confie une source occidentale. Pour cette source, « les sanctions internationales sont nécessaires, mais pas suffisantes. »
Lundi, l’Union européenne a décidé de sanctionner Laurent Gbagbo, son épouse ainsi que 17 proches, en les privant de visas d’entrée et en gelant leurs avoirs.
À Bouaké, on se décourage
À Abidjan, la peur est partout. Le chef de l’Opération de l’ONU en Côte d’Ivoire (Onuci), Choï Young jin, a constaté lundi « qu’à partir du 15 décembre le camp du président Gbagbo a accru les actes hostiles à l’endroit de la communauté internationale. Il a commencé à envoyer des jeunes gens armés aux domiciles des personnels des Nations unies pour frapper à leur porte et demander la date de leur départ ou entrer pour y effectuer des fouilles sous prétexte de chercher des armes. »
Pendant ce temps, à Bouaké, on se décourage. « On a le sentiment que Gbagbo veut prendre sa revanche et que Ouattara s’est laissé enfermer à l’hôtel du Golf. L’hôpital de Bouaké accueille de nombreux blessés qui sont des militaires des Forces nouvelles », constate un enseignant.
À la différence d’Abidjan, la grande ville du nord est calme et peut recevoir les chaînes de télévision et de radio étrangères. Depuis le deuxième tour des élections, Bouaké a enregistré quelques défections de fonctionnaires favorables à Laurent Gbagbo, qui se sont installés dans le sud du pays.
De Bouaké, la fermeté affichée de la communauté internationale – et notamment de Paris – inquiète certains. « Quand on n’a pas les moyens de ses menaces, il vaut mieux ne pas menacer », relève un Français de Bouaké.
Pierre COCHEZ
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