Premier ministre de Côte d’Ivoire d’octobre 2000 à mars 2003, Pascal Affi N’Guessan est proche de Laurent Gbagbo. Président du Front populaire ivoirien, il a été son porte-parole pendant la campagne présidentielle. Président du Front populaire ivoirien (FPI) et porte-parole de Laurent Gbagbo pendant la campagne présidentielle, Pascal Affi N’Guessan revient sur les troubles des derniers jours.
Comment voyez-vous la situation politique en Côte d’Ivoire aujourd’hui?
Pour le moment, la situation est calme, même si la crise n’est pas totalement solutionnée. Ceux qui refusent de reconnaître la victoire de Laurent Gbagbo se rendent bien compte qu’il n’y a pas d’autre issue que de rentrer dans la République et nous espérons qu’avec le temps, la sagesse va habiter les uns et les autres pour que le pays reprenne son fonctionnement normal.
Vous parlez de sagesse alors qu’il y a eu une trentaine de morts ces derniers jours en Côte d’Ivoire, que des opérations de sécurité ont lieu dans les quartiers la nuit, qu’il y a un sentiment de violence et de terreur, etc. Etes-vous sûr de votre analyse quand vous dites que la situation est calme?
Il ne faut pas exagérer: la journée de jeudi a été un peu mouvementée mais cela résulte du mot d’ordre lancé par l’opposition pour prendre d’assaut la radio-télévision ivoirienne et pour mettre de force un nouveau directeur général ainsi qu’un Premier ministre. C’est une opération pratiquement militaire qui a été engagée, les forces de sécurité ont dû se défendre et donc il y a eu des morts. Mais de part et d’autre, on a compris que la violence ne pouvait pas être la voie pour résoudre les problèmes en Côte d’Ivoire. Et hier et aujourd’hui, les choses se sont tassées.
Parce que l’armée est déployée et que les militaires verrouillent les quartiers…
Bien sûr, les militaires font leur boulot et les forces de sécurité aussi. C’est leur boulot. Cette dissuasion portera ses fruits.
On évoque la présence de milices, notamment de Libériens.
Je ne sais pas si vous en avez rencontrés. Personnellement, je n’en ai pas connaissance. Vous savez, nos adversaires aiment verser dans l’intoxication et aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, ce sont les forces de sécurité ivoiriennes qui maintiennent l’ordre.
Quel message lancez-vous aujourd’hui à Alassane Ouattara?
Qu’il rentre dans la République, qu’il abandonne la rébellion et qu’il fasse en sorte d’abréger les souffrances des populations ivoiriennes. Depuis qu’il est revenu dans ce pays en 1993, ce pays n’a pas connu la paix. Il voit bien que par la violence, il ne peut pas s’imposer aux Ivoiriens. En se faisant manipuler par l’extérieur, il ne peut pas devenir président de ce pays. Il faut qu’il s’engage dans la voie de la légalité et de la paix.
L’hôtel du Golf, où réside Alassane Ouattara, avec son gouvernement, est-il aujourd’hui en état de siège?
Les forces de sécurité veillent à ce qu’il n’y ait pas de trouble. Ce n’est pas un état de siège, mais c’est une zone de nuisance et l’hôtel du Golf est devenu une poche de rébellion. C’est à partir de ce lieu que sont lancés tous les messages de déstabilisation et même toutes les initiatives militaires. C’est donc de la responsabilité de l’Etat de veiller à ce que cette zone soit sous contrôle. Si demain, Alassane Ouattara décide de regagner sa résidence, comme toutes les autres personnes de l’hôtel, sa sécurité sera garantie, comme elle l’était auparavant.
Considérez-vous que les Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) ne sont plus une force d’interposition neutre comme l’a affirmé hier le colonel Babri Gohourou Hilaire, des forces de sécurité?
Il y a des preuves abondantes qui montrent bien que l’Onuci est sortie de son rôle. Young-jin Choi, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire a outrepassé ses prérogatives. Il est à la base de la situation, aujourd’hui en Côte d’Ivoire, en voulant désigner le président élu au lieu de certifier le résultat des élections.
Et donc qu’attendez-vous de l’ONU?
Il faut d’abord que cette équipe, qui a failli, qui est une source de difficulté pour la Côte d’Ivoire, parte. Ensuite, il y a la nécessité de rediscuter un nouveau mandat.
Comment résistez-vous aux pressions internationales et quel est votre sentiment sur les déclarations de Nicolas Sarkozy fixant à Laurent Gbagbo un ultimatum pour qu’il entérine la victoire d’Alassane Ouattara?
La déclaration du président Sarkozy, comme d’autres réactions étrangères, constituent pour nous des ingérences intolérables. On feint d’ignorer que la Côte d’Ivoire est un Etat souverain et que la volonté de son peuple mérite d’être respectée.
Mais vous êtes seuls contre le reste du monde.
Seuls contre un certain nombre de chefs d’Etat qui ne parlent même pas au nom de leur peuple, qui souvent d’ailleurs sont vomis par leur propre population. Ces positions partisanes ne nous émeuvent pas. Nous nous battons pour notre dignité, pour notre souveraineté. Ce qui est en jeu, c’est comment sortir du néocolonialisme. Il faut que les dirigeants africains ne soient pas des hommes de paille, des marionnettes dans les mains des puissances occidentales.
Dans quel état d’esprit se trouve Laurent Gbagbo?
Il est serein. Il sait qu’il a la confiance de la Côte d’Ivoire. Il n’est pas du tout ébranlé. Il sait que les régimes africains sont souvent confrontés à ce genre de problème. Nous sommes dans notre bon droit et nous ne reculerons pas.
Ne redoutez-vous pas des risques de dérapage et une escalade de la violence dans les prochains jours?
Je ne le pense pas. A l’intérieur, les Ivoiriens n’ont pas envie de nouvelles violences. Je pense que les moments difficiles sont passés. Ceux qui ont voulu utiliser la force pour s’emparer de la Radio télévision ivoirienne et installer un Premier ministre ont bien observé que cela ne peut fonctionner. Nous espérons que la leçon a été entendue.
Recueilli par Arnaud Vaulerin
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