L’Église catholique de Côte d’Ivoire devrait tenir lundi 20 décembre une réunion de crise autour de l’archevêque d’Abidjan, qui ne cesse d’appeler à la paix et qui tente de jouer un rôle de médiation entre les deux camps
Prudence et détermination. Joint dimanche 19 décembre par La Croix, Mgr Jean-Pierre Kutwa préférait rester discret. « Priez pour nous, nous en avons vraiment besoin », s’est-il contenté de déclarer, soucieux de ne pas compromettre les discussions en cours. Car, en coulisses, l’archevêque d’Abidjan est en première ligne. Selon nos informations, une rencontre des responsables catholiques devrait se tenir lundi, afin de définir la ligne de conduite de l’Église en ces circonstances troubles.
Depuis plusieurs semaines, Mgr Kutwa, qui aura 65 ans dans deux jours, ne ménage pas sa peine pour apaiser les tensions politiques et sociales survenues à la suite de l’élection présidentielle. Celui qui a succédé en 2006 au cardinal Bernard Agré, tente désormais de jouer un rôle de médiation entre les deux camps, émissaire de paix dans un pays livré à la confusion la plus totale. Mais sera-t-il écouté ? Difficile à dire, tant la situation semblait, hier encore, imprévisible et explosive dans les rues d’Abidjan.
Vendredi, Mgr Kutwa s’est entretenu avec Alassane Ouattara pour la deuxième fois, accompagné par deux de ses confrères, évêques de Korhogo et Bouaké. Objectif : encourager le dialogue, encore et toujours. Un dialogue que l’archevêque entend promouvoir d’une même voix avec les autres responsables religieux, musulmans notamment, afin d’éviter de cristalliser les oppositions entre Ivoiriens du Nord, musulmans, et ceux du Sud, majoritairement chrétiens.
Un « jeûne de six jours pour éloigner le malheur et les démons de la division »
Ainsi, samedi 11 décembre, il cosignait avec Cheikh Boikary Fofana, président du Conseil supérieur des imams, un appel à un « jeûne de six jours pour éloigner le malheur et les démons de la division ». Les deux hommes ont appelé la population à « ne pas céder la provocation et à la violence » et à « ne pas proférer de paroles d’exclusion ethnique, religieuse et régionaliste ».
Face aux attaques de mosquées, l’archevêque d’Abidjan aurait d’ailleurs agi pour empêcher que des musulmans ne soient pris à partie par des chrétiens, indique une source religieuse.
Quelques jours plus tôt, lors de la consécration d’une nouvelle église à Abidjan, Mgr Kutwa en avait directement appelé à Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara afin qu’ils « soient raisonnables ». « Dieu n’abandonnera pas la Côte d’Ivoire », répétait-il avec conviction, « il est encore possible de trouver une solution pacifique ».
L’Église peut jouer un rôle déterminant dans les prochains jours
Car Mgr Kutwa s’est toujours efforcé d’en appeler à la conscience des Ivoiriens, par-delà leurs divergences. « Le citoyen par le vote prouve qu’il n’est pas un élément passif d’une masse informe mais un membre actif, un maillon essentiel, vivant et libre d’un peuple qui choisit ses dirigeants », soulignait-il au mois d’octobre, avant que la situation ne s’envenime.
Reste que la détérioration rapide du climat semble augurer de pires lendemains. Or, l’archevêque sait que l’Église peut jouer un rôle déterminant dans les prochains jours. Encore faut-il qu’elle soit entendue.
François-Xavier MAIGRE
la-croix.com
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