Par Frédéric Couteau
L’expression revient très souvent ce matin sous la plume des commentateurs, en Côte d’ivoire mais aussi dans la presse de la sous-région : la journée de tous les dangers, donc… C’est le titre, notamment de L’Inter : « encore de la foudre dans l’air ce matin. C’est avec la peur au ventre, s’exclame le journal, que les Ivoiriens se lèvent, ce jeudi. Un jour, une date, qui risque de se graver à nouveau dans les mémoires (…). Confinés à l’hôtel du Golf, depuis la proclamation des résultats du scrutin, Alassane Ouattara et ses hommes ont décidé finalement d’engager l’offensive et d’opérer le passage en force pour s’installer.
Ce jeudi donc, estime L’Inter, ça passe ou ça casse pour les dirigeants du palais du Golf, qui tiennent là l’unique occasion de sortir de leur tanière pour exécuter, au grand jour, les prérogatives de tenants de l’exécutif dont ils se réclament. Soit ce coup de force réussit, affirme le journal, et devient un coup de grâce pour le gouvernement Soro et Ouattara après la bataille diplomatique, soit l’offensive tourne à la déroute, et c’est le coup d’au-revoir pour ces protagonistes, dont les lendemains seront comptés dans leur bunker du Golf. »
Ouattara joue gros
« Cette journée du jeudi 16 décembre 2010 est celle de tous les dangers », renchérit Soir Infos qui relève lui aussi qu’Alassane Ouattara joue gros : « en cas d’échec pendant ces deux jours de tentative de prise de contrôle de la Rti et de la Primature, ses soutiens risquent de s’effriter. Il est encore temps, implore Soir Infos, que les deux frères, Ouattara Alassane et Gbagbo Laurent acceptent de se parler pour éviter que le sang coule encore en Côte d’Ivoire. »
« Bédié, Ouattara, Soro : ils veulent faire à Gbagbo le coup de 2000 », titre pour sa part en Une le quotidien L’Intelligent. L’Intelligent qui fait référence aux événements d’il y a 10 ans, donc, lorsque des milliers d’Abidjanais étaient descendus dans les rues après la présidentielle pour installer Laurent Gbagbo au pouvoir au détriment du général Guéï, qui refusait de partir.
Seulement voilà, relève L’Intelligent, « au contraire de Robert Guéï qui avait sous estimé la capacité de mobilisation et de réaction de son principal adversaire d’alors, Laurent Gbagbo s’est visiblement donné les moyens de sa politique, parvenant depuis près de trois semaines à empêcher ses adversaires de réaliser ce que lui-même avait mis trois jours à réaliser. »
Alors, « le vent du changement va-t-il souffler ce jeudi ? », s’interroge L’Intelligent. « Ou ce sera une fin de semaine orageuse pour cette population qui vit la hantise d’un couvre-feu incessant ? Du côté du Golf hôtel, Alassane Ouattara semble décidé à prendre le taureau par les cornes et mettre fin aux souffrances des populations. En face, il y a les jeunes patriotes et des militaires fidèles à Laurent Gbagbo qui ne sont pas prêts à abandonner leur chef en difficulté. Même s’ils ont de la peine à cacher cette anxiété grandissante. Aujourd’hui, 16 décembre 2010, va-t-elle ressembler au 22 octobre 2000 ? Dix ans après, l’histoire va-t-elle se répéter ? »
Une étincelle pour tout embraser…
Pour le correspondant à Abidjan du quotidien malien Le Républicain, les deux bords sont bien déterminés : « chauffés à blanc par les dirigeants de la coalition du RHDP, rien n’arrêtera les militants, convaincus que rien ne fera quitter Gbagbo de son fauteuil si ce n’est la force. Et dans le camp des Forces de Défense et de Sécurité (fidèles à Gbagbo), rien n’est pris à la légère. Les alentours du Palais Présidentiel et de la Primature sont transformés en camps militaires infranchissables. »
C’est donc, « la journée de tous les dangers » : l’expression est utilisée cette fois par le site d’information Guinée Conakry Infos qui dit « craindre le pire. (…) On voit mal les forces de l’ordre résolument engagées du coté du Président sortant, laisser les partisans de Ouattara braver leurs autorités, affirme Guinée Conakry Infos, sans une riposte à la dimension de ce que Gbagbo et les siens conçoivent déjà comme une provocation manifeste. Le sang pourrait donc de nouveau couler, hélas. »
Analyse similaire pour le site d’information Fasozine au Burkina : « si Soro et les siens mettent à exécution leur projet, il est clair que leurs meilleurs ennemis ne se laisseront pas faire. Avec des forces armées sur le qui-vive depuis que les deux camps revendiquent la victoire (…), il suffirait d’une étincelle pour tout embraser. Le risque est évident. Les protagonistes en sont bien conscients. La communauté internationale aussi. Mais jusqu’à quand, s’interroge Fasozine, cette chienlit qui s’est installée au lendemain du scrutin devrait-elle durer ? Personne n’ose véritablement avancer une solution. »
Enfin, le point de vue du quotidien Liberté au Togo. Liberté qui remarque que « Gbagbo et ses partisans crient au scandale et menacent de faire porter la responsabilité de tout ce qui adviendra au représentant de l’ONU en Côte d’Ivoire. » Et Liberté de s’insurger contre cette menace : « si jamais des fusillades se produisaient aujourd’hui et qu’une poignée de citoyens devaient une fois de plus et gratuitement y laisser leur vie, c’est à Laurent Gbagbo, à qui le Tribunal Pénal International avait déjà fait un clin d’œil au lendemain de ses premières résistances, que devra en incomber la responsabilité, estime le quotidien togolais. S’il avait laissé le processus aller jusqu’à son terme, sans empêcher la proclamation des résultats par la CEI, le RHDP n’en serait pas aujourd’hui à rechercher des moyens de rentrer dans ses droits. »
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