Les généraux et officiers supérieurs qui viennent d’être promus à des grades supérieurs constituent, à n’en point douter, les hommes clés du système sécuritaire de Laurent Gbagbo. Philippe Mangou : fidèle chef d’état-major A 58 ans, Philippe Mangou, ancien étudiant de la faculté de droit de l’université d’Abidjan est sans doute au sommet de sa gloire. Une position qui fait aussi de lui, l’un des hommes forts du régime de Laurent Gbagbo. La récente promotion dont il vient de bénéficier, est là pour le démontrer. Après avoir suivi une formation militaire à l’Ecole des forces armées (Efa) de Bouaké, en 1978, Philippe Mangou est affecté au bataillon blindé d’Akouédo. De là, il gravira les échelons de l’armée (chef de peloton au bataillon blindé, commandant d’escadron au bataillon blindé, commandant de brigade à l’Ecole des Forces armées, directeur de l’instruction à l’Ecole nationale des sous-officiers d’active de Bouaké, chef du bureau instruction au bataillon blindé, commandant en second du bataillon blindé, chef de corps intérimaire et chef de corps du bataillon blindé). Au moment où Laurent Gbagbo arrive au pouvoir en 2000, le lieutenant-colonel Philippe Mangou est le sous-directeur chargé de la doctrine et de l’emploi au ministère de la défense, dirigé par un faucon du pouvoir Fpi, Lida Kouassi Moïse. Devenu porte-parole des Forces armées de Côte d’Ivoire (Fanci), à la faveur de la crise armée de septembre 2002, il cède vite ce fauteuil puisqu’il est »bombardé » commandant du théâtre des opérations. Une sorte de chef d’état-major adjoint qui lui permet, tout en prouvant son dévouement pour la patrie, de se mettre en valeur. De source proche de la grande muette, il fut, une des pièces-maîtresses de l’opération »Dignité » au cours de laquelle un camp français a été bombardé en 2004 (et qui a conduit, en représailles, à la destruction d’une bonne partie de l’aviation ivoirienne par l’armée française). Au cours de cette même année, précisément en novembre, il devient le chef d’état-major de l’armée ivoirienne dont les effectifs sont estimés à une cinquantaine d’hommes, avec le grade de colonel-major. En décembre, pour lui permettre d’assurer convenablement ses nouvelles fonctions, Laurent Gbagbo décide de le promouvoir général de brigade (le nouveau chef d’état-major ayant sous son commandement des généraux). Deux ans après, soit le 1er décembre 2007, Philippe Mangou devient général de division. Cela a fait jaser, dans un premier temps avant que certains observateurs se mettent à prédire un clash entre le chef d’état-major de l’armée ivoirienne et Laurent Gbagbo. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’est intervenue sa nomination, le 1er août dernier, au grade de général de corps d’armée.
Général Edouard Tiapé Kassaraté : inamovible commandant supérieur de la gendarmerie L’inamovible commandant supérieur de la gendarmerie est aussi un fidèle parmi les fidèles du système-Gbagbo. Avec sa promotion au grade de général de corps d’armée, il rentre dans l’histoire de la gendarmerie nationale de Côte d’Ivoire dans la mesure où il est le premier gendarme à être aussi gradé. Selon son curriculum vitae, c’est en 2005 que Laurent Gbagbo, chef suprême des armées, confie à ce Saint-Cyrien, les rênes de la gendarmerie nationale. Et, depuis, bien plus que son remplacement que d’aucuns avaient, tôt prédit, Edouard Tiapé Kassaraté, le natif de Carié (Tabou) a gravi les différents échelons des forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire. Général de brigade à partir de décembre 2005, il est promu général de division le 1er août 2007. Avant de débarquer à la tête de la gendarmerie nationale en octobre 2005, Edouard Tiapé Kassaraté était le commandant du palais présidentiel, d’abord avec les galons de colonel puis de colonel-major. Et, avant d’être propulsé au devant de la scène médiatico-politique, le commandant supérieur de la gendarmerie a notamment siégé, trois ans durant (de 1996 à 1999) au conseil national de sécurité et commandant de la troisième légion de Bouaké. Sa particularité dans le système tient du fait que la gendarmerie est l’un des corps de l’armée ivoirienne qui a accompagné Laurent Gbagbo au pouvoir, après les « élections calamiteuses de 2000 », lorsque Robert Guéï a voulu s’imposer. Selon la légende, c’est le ralliement des gendarmes qui a fait céder les militaires, plutôt favorables au chef du Comité national de salut public (Cnsp). Pour près de 10.000 hommes dont il dispose, Edouard Tiapé Kassaraté a également les équipements qu’il faut pour assurer la défense du régime au pouvoir. Ces équipements auraient même suscité quelques jalousies chez les militaires.
Général Marc Aka Kadjo Autant, il paraît moins connu, autant Marc Aka Kadjo jouit de la confiance du chef suprême des armées. Selon la légende, c’est à la faveur des événements de novembre 2004 que le commandant des forces aériennes ivoiriennes s’est illustré de fort belle manière, »tapant » ainsi dans l’œil de Laurent Gbagbo. En effet, au moment où les soldats français étaient en train de détruire les aéronefs ivoiriens en guise de représailles au bombardement de leur camp à Bouaké, Marc Aka Kadjo, alors colonel serait allé intimer l’ordre aux Français de mettre un terme à leur besogne. Ce, au moment où »tout le monde se cherchait ». C’est, semble-t-il, cet acte de bravoure qui a convaincu le chef de l’Etat de confier le commandement des forces aériennes à ce pilote de l’air. Depuis novembre 2004, Marc Aka Kadjo qui pilote bien souvent le Fokker 100 ou le Gruman présidentiel avec à son bord, Laurent Gbagbo, a sous ses ordres, près de 12.000 hommes qui ont espéré parader dans de nouveaux engins, à la faveur du cinquantenaire, célébré, samedi dernier. Le message : «si je tombe, vous tombez aussi», lancé par le chef de l’Etat s’adresse bien à lui aussi.
Gal Dogbo Blé Brunot : gère le dernier cercle de sécurité Laurent Gbagbo a renouvelé sa confiance au chef de corps de la garde républicaine, l’ex-colonel-major Brunot Dogbo Blé. Il cumule la fonction de commandant militaire du Palais présidentiel, depuis 2005. Son parcours récent dans l’armée est éloquent. En 2000, il est promu chef de la garde républicaine. Une année avant, il a été successivement commandant d’escadron blindé, chef bureau organisation instruction, commandant en second et chef de corps du bataillon blindé. En 1987, il était chef du peloton blindé d’Akouédo. Pour ce qui est de sa formation militaire, Brunot Dogbo Blé est entré en service en 1983. Trois ans après, il a subi la formation d’officier à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, en France. En 1987, l’officier s’est perfectionné à l’Ecole de l’arme blindée cavalerie de Saumur où il est retourné en 1990. Six ans plus tard, il obtient le diplôme d’état-major à l’Ecole des forces armées de Bouaké. Agé de 51 ans, marié et père de trois enfants, le Gal Dogbo Blé est titulaire d’une maîtrise en Sciences économiques option économie publique de l’université d’Abidjan-Cocody. Il a été décoré deux fois de la médaille des forces armées (2007) et de chevalier de l’ordre national. Catégorique, il est de ceux qui pensent qu’« on ne parle pas de liberté de presse» en période guerre. L’opposition houphouétiste retient de lui qu’il a tué dans l’œuf, par des « menaces », son projet de descente sur le palais présidentiel, en septembre 2006.
Général Guiai Bi Poin, mission : dissuader fauteurs de troubles et bandits De général de brigade, Georges Guiai Bi Poin (gendarme) a été promu général de division. Il a été fait commandant du Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos), créé par décret n°2005-245 du samedi 02 juillet 2005. Le général est, depuis lors, incontestablement, l’un des garants de la sécurité urbaine. Son unité placée sous la tutelle du ministère de la Défense lutte contre le banditisme et la criminalité urbaine. Le commandant du Cecos exerce son autorité sur l’ensemble des moyens de l’armée, de la gendarmerie et de la police, selon ses prérogatives officielles. Le contact permanent du Centre avec les populations est perceptible à la présence de patrouilles pédestres et motorisées dans le district d’Abidjan. Outre des véhicules tout terrain (4×4) surmontés d’armes lourdes (des mitrailleuses, des douze-sept, des roquettes propulsées par gaz ou Rpg, par exemple), les éléments du Cecos, parfois protégés de gilets pare-balles, se servent aussi de kalachnikovs. Deux opérations dites “plan week-end » et “mirador » initiées récemment, les amènent à veiller au grain, respectivement sur les axes Abidjan-Bassam et sur l’autoroute du Nord. Mais sa réputation, le général l’a bâtie dans la répression du grand banditisme avec la mise en déroute de nombreux gangsters. On lui colle aussi la renommée de bête noire des putschistes eu égard à la gestion qu’il fait des rumeurs de coup d’Etat. En effet, à part qu’à la moindre menace de trouble, il remplit le tout Abidjan de ses hommes, il a fait des prises impressionnantes. Le mercredi 5 mai dernier, par exemple, ce sont les hommes de Guiai Bi Poin, avec la gendarmerie, qui découvrent des armes de guerre à Anyama. Alors colonel, en 2004, Guiai Bi P. Georges s’est fait remarquer par sa rigueur dans la »crise des chars français ». Il avait crânement mené les négociations face aux hommes du colonel Destremon commandant des troupes françaises, opposées à de jeunes Ivoiriens, devant l’hôtel Ivoire. Dans la suite de l’affaire, le colonel de la gendarmerie a accusé, sans ambages, les soldats français d’avoir « tiré directement sur la foule (…) sans sommation ».
Gal Firmin Détoh Létoh : l’étoile montante Désormais général de brigade, l’ex-colonel-major, est commandant des Forces terrestres, depuis avril 2009. Firmin Détoh Létoh a succédé à ce poste au général Julien Adou Akaffou, décédé le 19 janvier 2009. Mais avant d’hériter de ce poste, l’officier supérieur a été, de 2005 à 2009, le premier préfet militaire du département de Duékoué. Sorti de l’Ecole des Forces armées, Promotion Rigueur, il est officier d’infanterie, spécialité techniques aéroportées, dont il a obtenu le diplôme à Pau (France), en 1984. Détoh Létoh a commandé les fusiliers marins commandos ainsi que le 1re bataillon des commandos et de parachutistes. Il est chevalier de l’Ordre national. Homme de rigueur, il a fait ses preuves sur le front ouest, dans la guerre qu’a connue la Côte d’Ivoire en 2002.
Par Marc Dossa & Bidi Ignace
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