A la Une: la crise post-électorale se poursuit en Côte d’Ivoire

Par Frédéric Couteau

Depuis 15 jours, il y a deux présidents, deux Premiers ministres, deux gouvernements… Et maintenant, il y a deux radios-télévisions d’Etat ! L’information barre la Une du quotidien L’Intelligent ce matin. Radio Liberté ou Radio RHDP, du nom du rassemblement de l’opposition houphouétiste a commencé à émettre sur 105.1 FM. Et la télévision qui est encore à l’essai devrait commencer à diffuser ses programmes après-demain mercredi. Côté Gbagbo, on qualifie cette radio-télévision de « provocation de trop qui ne saurait rester sans réaction. Et tous les regards se tournent vers la Garde républicaine, affirme L’Intelligent, dont le patron le général Dogbo Blé Brunot a annoncé un assaut sur l’hôtel du Golf, le quartier général de Ouattara. A coup sûr, estime L’Intelligent, cette semaine qui commence sera décisive. (…) Les durs de l’entourage de Laurent Gbagbo seraient prêts à passer la vitesse supérieure. »
Même sentiment pour Soir Info qui rapporte précisément les propos du commandant de la garde républicaine : « l’Hôtel du Golf est maintenant devenu un refuge de bandits, a affirmé le général Dogbo Blé Brunot. Et, je crois qu’à la longue, il faut que nous nous préparions à libérer ce lieu de façon brutale. »

Vers un affrontement ?

Pour Soir Info, ces « propos du patron de la Garde républicaine, dernier rempart de la République, laissent entrevoir des jours chauds. » Qui plus est, poursuit le journal, « le Premier ministre, Guillaume Soro, qui reconnaît Ouattara Alassane comme Président élu, a enfoncé le clou, vendredi dernier. Il a appelé toutes les couches sociales à se mettre à la disposition du gouvernement légitime d’Alassane Ouattara. Et il a annoncé qu’il prendrait possession de ses locaux du Plateau dès cette semaine prochaine. » Et Soir Info de s’interroger : « comment Guillaume Soro va-t-il avoir accès aux locaux de la Primature placés sous la protection de la Garde républicaine ? Va-t-il lancer une offensive militaire cette semaine en vue de s’installer ? »
Inquiétude et interrogations aussi pour le quotidien Le Mandat : « Guillaume Soro a affirmé la semaine dernière qu’à partir d’aujourd’hui, il occuperait son bureau au Plateau. Cette déclaration, il faut le dire, a sonné comme un danger à l’horizon. Dès lors, les Ivoiriens retiennent leur souffle, car on pourrait à partir de ce moment craindre une reprise des hostilités en Côte d’Ivoire. Du côté du pouvoir Laurent Gbagbo, on se fait de plus en plus menaçant, remarque également Le Mandat. (…) Selon des indiscrétions au sein de l’armée nationale, des mesures sécuritaires seraient même en train d’être prises pour empêcher le Premier ministre nommé par le Président Ouattara d’avoir accès à la primature. »

Tourner la page ?

Et puis voici le point de vue du journaliste-écrivain ivoirien Venance Konan, qui a fait campagne contre Gbagbo. Venance Konan publie un long plaidoyer dans le quotidien Le Nouveau Réveil. Venance Konan écrit notamment ceci : « je voudrais dire aux inconditionnels de Gbagbo que les Ivoiriens l’ont supporté pendant dix ans. Dans cinq ans, si Ouattara nous déçoit, nous aurons l’occasion de le sanctionner à son tour. Ça passe vite, cinq ans. En attendant, nous avons trop de choses à faire pour perdre du temps dans des combats d’arrière-garde. Le coup d’Etat, la rébellion, les morts, les destructions, nous savons tout cela. C’est pour cela, poursuit Venance Konan, qu’il nous faut tourner la page et nous mettre au travail pour reconstruire ce qui a été détruit. (…) Nous n’avons pas à ajouter des morts aux morts et des destructions aux destructions. D’ores et déjà, estime le journaliste-écrivain, les intellectuels de ce pays doivent commencer à réfléchir sur les garde-fous que nous devrons mettre en place pour éviter que le pouvoir de Ouattara ne devienne comme celui de Gbagbo. »

Le poids du social…

Dans la presse de la sous-région à présent, qui a globalement pris fait et cause pour Ouattara, on s’interroge notamment sur les risques d’explosion sociale en Côte d’Ivoire. Cette explosion est-elle « inévitable ? », se demande Le Pays au Burkina. « En moins d’un mois déjà, la crise politique à l’actif de Gbagbo commence à peser de son poids intenable sur le quotidien des Ivoiriens en ce que les prix des produits de première nécessité ont quadruplé, constate le quotidien burkinabé. Et, comble de malheur, la Côte d’Ivoire qui est déjà isolée du reste du monde (…), semble lâchée par ses opérateurs économiques. »
Et Le Pays d’affirmer que « tous les ingrédients sont réunis aujourd’hui dans ce pays pour une explosion sociale. L’accentuation croissante de la crise politique, ajoutée à l’asphyxie économique (…), rendront plus que jamais la vie du peuple ivoirien insupportable. Et le risque que ce peuple, derrière lequel se cache Gbagbo pour assouvir ses désirs de rester au pouvoir, se retourne contre lui, est inévitable », estime le quotidien ouagalais.
Un peu moins assuré L’Observateur, toujours au Burkina : « on se demande bien si l’asphyxie politique et économique viendra à bout d’un véritable animal politique qui sait faire le dos rond pour laisser passer l’orage et qui disait, encore récemment, à ses partisans dans une posture papale : « N’ayez pas peur ! » »
Et L’Observateur de s’interroger : « faut-il se résoudre à laisser Gbagbo boire jusqu’à la lie la coupe de la forfaiture ou faut-il envisager d’autres solutions pour lui faire lâcher prise ? ».

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