Crise post-électorale – Gbagbo-Ouattara: Qui va payer les salaires?

La bataille pour le contrôle des finances publiques fait rage depuis la formation des gouvernements Gbagbo et Ouattara. La grande interrogation qui germe dans l`esprit des fonctionnaires, c`est bien évidement l`autorité habilitée à payer les salaires dans les prochains mois en Côte d`Ivoire. Si au niveau du camp Gbagbo, aucun changement notable n`a été opéré à la tête des régies financières(Trésor, Impôts, douanes…), du côté d`Alassane Ouattara, de nouvelles nominations ont été faites. Ainsi, M. Ouattara a signé une série de décrets portant nomination dans la haute hiérarchie de la fonction publique, du Trésor aux douanes en passant par le Comité de gestion du cacao, dont la Côte d`Ivoire est le premier producteur mondial. Dans le souci d`avoir le contrôle des finances publiques, Alassane Ouattara dont la proclamation en tant que président de la République de Côte d`Ivoire par la Commission électorale indépendante(CEI) est fortement soutenue par la communauté internationale aurait demandé au gouverneur de la Banque centrale de suspendre tout décaissement ordonné par Laurent Gbagbo. « En attendant des instructions plus précises sur les modalités de fonctionnement des comptes publics ivoiriens ouverts dans les livres de la Bceao, je vous demande d’instruire nos services d’avoir à soumettre à l’approbation préalable du Premier ministre de Côte d’Ivoire, M. Soro Kigbafori Guillaume, tout mouvement interne ou en direction de l’extérieur effectué sur les comptes du Trésor public et de ses démembrements ainsi que sur ceux des entreprises financières à participation publique » ; telle est la substance du courrier de M. Ouattara à M. Dakoury. Cette disposition peut-elle avoir un impact sur le paiement des salaires des fonctionnaires ivoiriens? L`ex-directeur général adjoint du Fonds monétaire international(FMI) connaît bien non seulement les rouages de la finance publique, mais aussi les relations qu`entretiennent la BCEAO et le trésor public de l`Etat. En effet, la Direction générale du Trésor et de la comptabilité publique (DGTCP) communément appelée Trésor public, se positionne entre autres comme la garante de l`équilibre monétaire financier et budgétaire dans l`économie d`un pays. A ce titre, le trésor public contribue activement au développement économique en tant que gestionnaire et dépositaire des fonds publics de l`Etat et de ses démembrements. Le trésor public a également pour mission de percevoir les impôts du contribuable et de procéder au paiement des agents de la Fonction publique. Mais tous les Etats disposent d`un compte logé auprès de la Banque centrale. Le recours à ce compte nécessite le respect de certaines dispositions . « Si la BCEAO fonctionne comme une banque, elle doit exiger des chéquiers réglementaires », explique un cadre des finances, sous le couvert de l`anonymat. Le maintien à leurs postes des directeurs des régies financières n`est donc pas fortuit. Dans l`attente d`une réponse favorable de la BCEAO à la missive de M. Ouattara, l`équipe de Gbagbo va continuer d`avoir accès à son compte étant donné que la banque centrale ne reconnaît que le spécimen de signature de l`agent comptable du trésor qui détient les carnets de chèques pour le compte de l`Etat ivoirien.

Le rôle de la BCEAO

L`article 14 des statuts de la BCEAO stipule que: « la banque centrale peut consentir aux trésors publics des Etats de l`Union, et à son taux d`escompte, des découverts en compte courant ». Le découvert est une forme d`avance consentie à court terme à un compte courant . Selon certains spécialistes, Alassane Ouattara va adopter une stratégie à l`effet de verrouiller le circuit d`approvisionnement des caisses de l`Etat. « Il a la possibilité de procéder au nom de l`Etat de Côte d`Ivoire, à l`ouverture d`un nouveau compte à la BCEAO. Ce qui oblige la Banque centrale à écrire à toutes les banques primaires pour les informer de ces nouvelles dispositions dans leurs relations avec l`Etat de Côte d`Ivoire. « Or, la plupart des entreprises émettent des chèques pour le paiement de leurs impôts. Mais cette ressource restera inaccessible car la banque centrale aura pris soin d`invalider les anciens comptes de Trésor public logés à la BCEAO. Toute chose qui risque de peser sur la mobilisation des ressources par le trésor public détenus par les hommes de M. Gbagbo. Les marges de manoeuvres sont grandes pour M. Ouattara.
Mais du côté de Laurent Gbagbo, l`on a une pièce de rechange. L`équipe de Laurent Gbagbo détient encore le circuit de mobilisation des ressources publiques. Les nouveaux directeurs des régies financières nommés par Alassane Ouattara n`ayant pas encore pris du service, les anciens maintenus à leurs postes peuvent continuer à engranger les recettes et les mettre à la disposition du président Laurent Gbagbo. On s`en souvient, son gouvernement a déjà traversé une situation similaire au plus fort de la crise. En effet, la suppression des avances statutaires de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest et le gel des concours extérieurs avaient amené le Trésor public à recourir essentiellement au financement des marchés monétaires et financier par l’émission de bons du Trésor et d’emprunts obligataires. Certes, les données ne sont plus les mêmes. Mais les autorités ivoiriennes ont la capacité d`innover afin de ne pas se voir asphyxiées financièrement. Les jours à venir nous situeront.

Bertrand GUEU

L’Inter

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